Pour la quatrième fois, la MUD, ce conglomérat anti-chaviste qui va des ex sociaux-démocrates à l’ultra droite, a tout faux, même si son étiage électoral reste haut. Le leadership de son présidentiable, Henrique Capriles, du parti "Primero Justicia", l’aile la plus conservatrice de la MUD, ne fait pas l’unanimité.
Les chavistes ont mené à l’occasion de ces municipales plus une campagne politique sur les problèmes du quotidien que sur la figure et le souvenir du "comandante". La politique a repris le dessus sur l’affectif.
Cette "distanciation" progressive par rapport au "père", a permis à la fois un "travail de deuil" et de mesurer combien Hugo Chavez a bel et bien légué à la gauche vénézuélienne une doctrine politique et un projet de société, non achevés certes, mais inédits, spécifiques, synthétisés dans le "Plan de la Patrie" (2013-2019). Le parlement vient de l’adopter comme un "plan recteur de la République", comme un document quasiment constitutionnel. Cette boussole, conçue sous l’égide de Hugo Chavez avant sa mort, se présente comme le "deuxième plan socialiste de développement économique et social", dans un pays qui attend des réformes structurelles afin d’accélérer la marche. La nouvelle équipe entend – tâche ardue et à long terme – sortir peu à peu d’une économie déformée car basée sur la "rente pétrolière", cette bénédiction maudite, jalousée par Washington ; elle fait que "l’on peut tout importer", qu’un litre d’eau de source coûte au Venezuela plus cher qu’un litre d’essence, distorsion à laquelle le gouvernement devra s’attaquer sans tarder, sur un terrain ô combien sensible.
Le "chavisme sans Chavez" s’enracine donc, surmonte la disparition de son fondateur, se consolide. Il devance l’opposition de 675 000 voix et va gérer 76% des 335 municipalités du pays.
L’opération consistant à décrédibiliser le président Maduro a globalement échoué. Ses détracteurs présentaient le nouveau président comme un "incapable", un médiocre politique comparé à Chavez , aujourd’hui couvert de louanges pour les besoins de la cause. Or, Nicolas Maduro s’affirme et le chavisme gagnent nettement les élections municipales, devançant l’opposition de 6,5%. Le 14 avril 2013, Nicolas Maduro, le "chauffeur de bus", le "prolétaire", n’avait élu président qu’avec un écart de 1,5%.
Il a donc regagné une partie des électeurs perdus par le chavisme aux présidentielles. Sans doute les "pouvoirs spéciaux" ("Loi Habilitante") attribués récemment au président pour faire face à la déstabilisation économique, les mesures musclées prises contre la "guerre économique" (spéculation sur les prix, valse injustifiée des étiquettes, trafic de devises, sabotage économique, pénuries organisées, stockage illégal, corruption) ont-elles répondu concrètement aux attentes populaires.
Le président Maduro a désormais la main politiquement et au niveau d’une économie secouée depuis plusieurs mois. En construisant un "état communal", il entend transférer l’essentiel du pouvoir aux "communes socialistes" de base. Dans le même temps, il tend la main à une opposition divisée, dans laquelle toutes les composantes n’acceptent pas la stratégie de "coup d’Etat permanent rampant" mise en œuvre par les plus intransigeants, aux commandes de la MUD. Le président, le 19 décembre, a invité les maires d’opposition au palais de Miraflores pour tenter de dégager ensemble un consensus politique minimum autour des projets prioritaires. Un geste fort qui met l’opposition face à ses responsabilités et la pousse à une stratégie plus constructive.
Jean Ortiz