Harpagon ( il crie « aux voyous » dès qu’il voit « Le Monde », et vient sans chapeau) : - Aux voyous, aux voyous, aux terroristes. Média, juste ciel. Je suis outré, on m’a coupé les jambes, on veut m’ouvrir les entrailles, on s’en prend à ma « Loi travail ». Je veux aller quérir la Presse, les Politiques, et faire donner la Question à mes gens. Rendez-moi ma loi, voyous. Quand ils bloquent le pays, quand ils se radicalisent, quand ils utilisent des méthodes qui bafouent les lois républicaines, mon esprit est troublé. Que de temps perdu, parfois des clients perdus. Hélas, ma pauvre loi, ma chère amie, on veut me priver de toi, et puisque tu m’es enlevée, j’ai perdu mon support, ma consolation, ma joie. Ils me regardent tous, et se mettent à rire. Vous verrez qu’ils ont part, sans doute, sans aucun doute, à ce que l’on veut me faire. Allons vite, mes journalistes, mes politiques.
Le Politique et le Journaliste - Vous y allez très fort. Laissez-nous faire. Nous savons nos métiers. Ce n’est pas d’aujourd’hui que nous nous mêlons d’affaires de la sorte, et nous voudrions avoir autant de comptes que nous avons fait prendre les bonnes résolutions.
Harpagon – Tous les magistrats sont intéressés à prendre cette affaire en main. Il faut tout faire pour ne pas céder au chantage, aux violences, à l’intimidation.
Le Journaliste – Vous dites qu’il y a dans cette loi ?
Harpagon – Un article deux, du tonnerre de Dieu. Il ne faut surtout pas toucher à l’article 2.
Le Journaliste – L’atteinte est donc considérable.
Harpagon – Il n’y a point de supplice assez grand pour l’énormité de ce crime ; et s’il demeure impuni, les choses les plus sacrées ne seront plus en sûreté.
Le Politique – Qui soupçonnez-vous ?
Harpagon – Tout le monde, enfin disons les 99%, et je veux que vous arrêtiez prisonniers la minorité agissante, révolutionnaire, sans oublier les banlieues.
Le Politique – Il nous faut, si vous m’en croyez, amadouer, endormir s’il le faut, la plupart, et dénigrer les agitateurs. Puis tâcher doucement de procéder, par la rigueur, au recouvrement des mesures positives qui vous ont été prises...
« Personne »,
inspiré par Molière (L’Avare, acte 4, scène 7, et suite), et motivé par « Le Monde » du 31/05/16, page 8.