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Le dénouement cataclysmique de la campagne 2016 (Counterpunch)

Voilà où nous en sommes : enfouis au fond du puits sous une épaisse couche de vase. Dans quelques jours, nous connaîtrons notre sort : les sirènes hurlantes du Règne de Trump (regardez comment les syndicats de policiers piaffent d’impatience !) ou l’Age de l’Hyper-Guerre de Clinton (regardez comment les néoconservateurs piaffent d’impatience !). Dans les deux cas, la coalition fermement implantée d’intérêts privés et de profiteurs de guerre qui ont étranglé la paix, la prospérité et les perspectives du peuple, ne sera pas ébranlée d’un pouce. Le changement que le peuple appelle désespéramment de tous ses vœux – tellement désespéré qu’il est prêt à élire un membre de l’élite dont les sinistres clowneries le font passer pour un « rebelle » - ne se produira pas. Leur amertume ne fera donc que s’accentuer, pour s’exprimer de plus en plus souvent par des actes de violence : police militarisée contre manifestants, racistes encouragés par Trump (qu’il perde ou qu’il gagne), milices extrémistes, des gens rendus furieux de tous côtés… Et bien-sûr il y aura plus – beaucoup plus – de déchaînements de violences sans fin, partout dans le monde, tandis que la guerre contre le terrorisme se poursuivra, encore et encore, quel que soit l’occupant de la Maison Blanche.

Inutile de se voiler la face sur notre devenir. Mais inutile aussi de se raconter des histoires et prétendre que cette situation s’est créée sui generis, qu’elle serait tombée du ciel ou serait le résultat d’un concours malheureux de circonstances imprévisibles, réunies en ce moment précis. Car c’est le résultat et la culmination de choix délibérés effectués par les forces les plus puissantes de la société : le choix de s’enrichir au-delà de toute raison et d’étendre leur domination militaire et économique sur le monde entier.

Peu importe que beaucoup – ou même la plupart - des pratiquants et serviteurs du système « croient » ou non en sa justesse. Peu importe que les mantras violents du néolibéralisme et de l’impérialisme soient devenus des dogmes religieux aux yeux de ceux qui se considèrent comme faisant partie de la « méritocratie ». Peu importe que les dirigeants et leurs larbins croient réellement à « l’exceptionnalisme » qu’il prêchent ou s’ils ne sont que des cyniques avides de pouvoir. Peu importe s’ils croient vraiment que leurs machinations financières sont le reflet de « lois de la nature » ou de « lois du marché » qui profiteraient un jour à tous, ou s’ils savent qu’ils ne sont que ce qu’ils sont, des âmes damnées défigurées par l’avarice. Le résultat final est le même : une longue série de choix délibérés par une élite bipartisane qui ont détruit les vies et les communautés de millions de citoyens, et crée un enfer sur terre de conflits armés, de ruines et de haines à travers une bonne partie de la planète.

C’est un système qui s’est délégitimé lui-même, un système qui a miné ses propres institutions. Par ses propres actions, il a pourri les fondations de confiance et de raison sur lesquels il était bâti. Certains pourraient dire « Oh, mais c’est le résultat des efforts ciblés de millionnaires d’extrême-droite et de multinationales pour fomenter l’extrémisme politique et religieux afin de saper la légitimité des gouvernements laïques qui pourraient limiter leurs profits et favoriser le partage du pouvoir. » C’est vrai. Mais ces efforts ont été accompagnés à chaque étape par la complicité et la lâcheté d’une opposition putative. Les soi-disant « Nouveaux Démocrates », personnifiés par les Clinton, ont délaissé l’intérêt commun au profit de politiques « centristes » et « technocratiques », c’est-à-dire qu’ils ont adopté le dogme néolibéral selon lequel la recherche débridée de profits privés par une élite - dont les membres sont tous connectés les uns aux autres - aboutirait d’une manière ou d’une autre, tôt ou tard, à une prospérité pour tous. L’idée qu’il fallait se battre pour améliorer la vie des gens ordinaires, ici et maintenant, pour améliorer leurs vies de manière réelle et concrète, est devenu ringarde, une idée vieillotte défendue par des arrières-gardes et des rêveurs qui ne comprennent rien à la véritable marche du monde. Un véritable « modéré » en symbiose avec son temps doit savoir sacrifier chaque idéal et se montrer prêt et impatient de servir les intérêts monnayables et militaristes, afin de gagner du pouvoir pour pouvoir… effectuer quelques changements cosmétiques dans les marges, réaliser quelques avancées sociales ici ou là (mais uniquement, bien-sûr, en « partenariat » avec les intérêts privés), mais jamais au grand jamais remettre en cause le coeur même du système.

Le seul choix offert est le suivant : le règne sans retenue d’une droite extrême, ou la gestion « modérée » et timorée d’un système violent et rapace. C’est ce choix qui nous est offert depuis 1976. Et c’est ce choix qui nous est offert aujourd’hui. La seule différence est que le système s’est métastasé de façon monstrueuse au cours des années : sans véritable opposition, le système est devenu de plus en plus violent, de plus en plus rapace.

La collusion des élites – et la lâcheté des Démocrates - a fini par totalement corrompre et délégitimer le processus électoral il y a 16 ans, lorsque la Cour Suprême des Etats-Unis - dont deux membres avaient des liens familiaux directs avec la campagne de Bush – a ordonné l’arrêt du recompte des voix qui aurait abouti à la victoire du véritable vainqueur des élections. Cette action scandaleuse fut acceptée par la totalité des organes et institutions du système américain (à l’exception notable et éphémère du Black Congressionnal Caucus dont les membres ont tenté en vain de trouver un sénateur Démocrate pour contester le résultat). Au lieu, les Etatsuniens furent encouragés à applaudir le fait que le pouvoir avait changé de mains « sans la présence de blindés dans les rues ». C’est-à-dire que nous étions invités à célébrer un véritable coup d’état qui venait de se dérouler sous nos yeux sans rencontrer la moindre résistance.

Un fois en place, le régime issu du coup – dont les plus hauts échelons furent occupés par des extrémistes qui un an seulement auparavant appelaient à une vaste militarisation de la politique et de la société US, même si le public devait être « galvanisé » par un « nouveau Pearl Harbour » - mena le pays dans une guerre désastreuse et sous de faux prétextes, un crime majeur qui a non seulement coûté la vie à des centaines de milliers d’innocents mais a aussi provoqué une explosion de violences, d’extrémismes, de conflits et de corruption à travers le monde. Le coup d’état soutenu par l’élite instaura des programmes de torture et des escadrons de la mort, et déclencha une orgie de profits tirés de la guerre sans précédent dans l’histoire. Le régime présida ensuite au pire effondrement économique depuis des générations.

Pas un seul membre du régime ne fut traîné devant un tribunal – ni fait l’objet de la moindre enquête, même préliminaire – pour un seul des crimes commis durant leur règne. Il n’y eut aucune commission d’enquête parlementaire sur l’horrible carnage, les ruines et l’instabilité qu’ils ont provoqués. Pas la moindre « commission Chilcot » sur les origines de la guerre, comme ce fut récemment le cas en Grande-Bretagne. Au lieu, les hauts dirigeants et factotums du régime ont été couverts d’honneurs et de richesses. Aujourd’hui, leur bénédiction et soutien sont recherchés – et obtenus – par la candidate Démocrate « progressiste » à la présidence.

En 2008, l’électorat désespéré se retourna vers une figure qui paraissait être un outsider qui apporterait enfin un véritable changement. Il présentait toutes les apparences du changement – il était noir, il portait un nom musulman, il s’exprimait avec éloquence sur la paix et la justice sociale, et même si peu pensaient qu’il était réellement de gauche, ils ont voté pour lui malgré tout. Mais Barack Obama était bien-sûr un « centriste » méritocratique pur jus. Surfant sur une énorme vague de popularité, et bénéficiant d’une forte majorité au Congrès, il procéda au… sauvetage des fraudeurs et escrocs de Wall Street avec l’argent des contribuables et à la création d’un système d’assurance santé imaginé par un think-tank de droite et destiné à favoriser les profits des entreprises privées – et qui a probablement réduit à néant toute chance d’instaurer un véritable système d’assurance santé pour des générations à venir, sinon pour toujours. Il a aussi redoublé la guerre contre le terrorisme, en l’étendant à d’autres pays, démultiplié les escadrons de la mort de Bush, participé à la destruction de nations comme la Libye et le Yémen (provoquant ainsi plus de chaos et de terreur), élargi la surveillance illégale de la population (et du monde) à une échelle bien au-delà des rêves les plus fous de la Stasi ou du KGB. Et après avoir sauvé Big Money de ses propres turpitudes et garanti au complexe santé-assurances ses profits, il passa la majorité de son temps sur le front de la politique intérieure à chercher « un accord historique » avec les Républicains pour réduire la couverture de sociale et médicale.

Une fois de plus, tous les espoirs de changement furent déçus. A présent le pays hésite entre une pseudo progressiste et un candidat belliciste de droite, cherchant celle ou celui qui apportera le changement qu’on lui refuse. Après la politique de la terre brûlée du néolibéralisme et l’inévitable dégradation morale et l’agressivité qui résultent des années et des années de guerres d’agression, le choix de Trump est plus nihiliste. C’est comme si les gens ne croyaient plus à un changement positif – cassons tout et voyons ce qui en sortira (Ce qui est, soi-dit en passant, la philosophie affichée du gang de Breitbart, qui dirige actuellement la campagne de Trump).

Même si Cliton l’emporte, le nihilisme sera toujours omni-présent. Et étant donné qu’elle représente avec fierté l’élite qui est actuellement méprisée de tous côtés pour les nombreux dégâts occasionnés, le nihilisme ne fera que s’amplifier – d’autant plus qu’elle n’a donné aucun signe de ne serait-ce qu’esquisser un changement du système militaro-néolibéral qui nous étrangle. Au contraire.

Alors oui, il n’y a jamais eu de campagne électorale comme celle-ci, mais surtout parce qu’elle éclaire d’une lumière crue le degré de pourrissement de la République et nous montre, plus clairement que jamais, que le camp militaro-néolibéral n’offre aucun espoir d’une vie meilleure, d’un monde meilleur. En réalité, il n’offre absolument rien, sinon plus de violence, plus d’amertume, plus de ruines et plus de destructions pour nous tous.

Chris Floyd

Traduction « tellement de comptes à rendre qu’on ne pourra pas faire dans le détail, le jour venu... » par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.

»» http://www.counterpunch.org/2016/11...
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