Introduction : Le 26 Septembre des élus ont fait paraitre un appel intitulé : « Pour les libertés locales » Au-delà de certains critiques d’apparence que nous pourrions partager (« Etat thrombosé » « dettes publiques »), « l’appel de Marseille » [1] est un texte réactionnaire bien fagoté.
- D’une part il est une critique acerbe des politiques mises en place et portées par le gouvernement de Jupiter 1er, notamment sur les questions budgétaires et du respect des élus.
- Mais il est aussi un appel à transformer « la République une et indivisible » issue de la Révolution de 1789 en « territoires d’expérimentation offert au marché »… C’est son côté « Révolutionnaire réactionnaire ».
L’objet de ce document que j’ai voulu le plus court et le plus pédagogique, est d’en faire ressortir les aspects les plus flagrants de manière synthétique en vue de travailler à un « contre appel de Marseille » qui pourraient, je rêve un peu, venir des organisations syndicales et citoyennes, enfin associées.
DE LA LIBERTE LOCALE : Cette approche et ce concept qui revient 8 fois en deux pages, derrière l’apparence, est extrêmement dangereux, car il est l’appel à la destruction de la République (« chose publique ») tel que les Révolutionnaires de 1789 l’ont proclamé. La « liberté locale » revendiquée est celle de faire des « territoires » des « zones d’expérimentation », comme si les populations étaient des « tubes à essai de laboratoire ». Cette approche renvoyant d’ailleurs à la logique de marché du « tube à essai », des équations d’optimisation du consommateur, définissant le marché comme le croisement entre une courbe d’offres et de demandes instantanées fixant un prix réputé d’équilibre, via la « main invisible ».
Il est écrit : « Nous demandons un agenda partagé de réformes. Les libertés locales, c’est le choix de l’innovation, du pragmatisme, et du bon sens, par la différenciation. C’est « laisser les collectivités expérimenter ».
On le voit ici, il ne s’agit pas ici de s’opposer aux « réformes libérales » de Macron, mais de revendiquer la place des collectivités locales dans « l’agenda » libéral, celles-ci pouvant faire encre plus en leur laissant la « liberté d’expérimenter ».
Pragmatisme et bon sens : S’y ajoute les concepts de « pragmatisme » et de « bon sens ». Pragmatisme signifie « Attitude d’une personne pragmatique qui s’adapte à la réalité »…et de fait s’oppose à idéologie, qui signifie en fait, application d’une doctrine, quelque soient les résultats… L’idéologie serait par définition « marxiste », alors que le marché on le sait est par nature « pragmatique » …
Mais qui est idéologique depuis 30 ans ? Les salariés dont les revendications ne sont jamais entendues, obligés qu’ils sont, de s’adapter en permanence au marché, ou les gouvernements qui appliquent depuis 30 ans la même politique, le libéralisme du « tout marché » justement, et avec les résultats désastreux que l’on connait…
Quant à « bon sens » : « attitude de qui privilégie le réel, agit selon son appréciation de la réalité ». L’appréciation de la réalité en fonction du « bon sens » me fait dire que : « le soleil se lève » et pourtant la vérité scientifique est exactement le contraire du « bon sens ». On voit donc comment en suivant le « bon sens » on peut déboucher sur des inepties, notamment en Economie Politique : (« c’est en augmentant le temps de travail que l’on crée l’emploi » etc…
La stratégie d’entreprise appliquée aux collectivités locales : Le concept de « différenciation » renvoie aux logiques de « stratégies d’entreprises » qui vise à concurrencer non par les prix, mais par un produit différent (forme, couleur). Il s’agit en s’appuyant sur « le bon sens » des apparences qui montrent que PACA a un climat et un accent différent du « Pas de Calais » pour exiger le droit « d’expérimenter ». A partir de là, il ne peut plus y avoir de lois, expression de la volonté générale et porteuse de « l’intérêt général », et de ce fait plus d’Etat. Il n’y a plus que des intérêts particuliers qui s’équilibrent par le prix (marché) qu’il faut arriver à marier ensemble pour le meilleur mais souvent pour le pire…d’où le concept du « vivre ensemble » en fait « se supporter », qui se substitue aux concepts de fraternité et de solidarité, construite sur l’impôt et l’Etat comme garant de « l’intérêt général ».
Les « libertés locales » cachent l’idéologie et l’objectif du « libéralisme profond », celui de mettre les territoires en concurrence par la « liberté de différenciation ». Chaque « territoire » devenant une « start-up » et devant de ce fait être gérée comme tel, plus de règles communes, celles définies par l’Etat pris comme expression des volontés des peuples.
DE LA DEMOCRATIE LOCALE : La démocratie locale s’oppose sur le fond aux « libertés locales ». Le fondement de la démocratie locale, c’est la commune [2], atome fondateur de la République, car si la « République » signifie « la chose commune », la Commune signifie « la mise en commun ». La Commune c’est d’abord la « mise en commun », des routes, du pont, de la rivière, du moulin et du four, qui servent à tous les habitants du village. Les champs, les bois, voire des outils étaient aussi mis en commun. Il faut attendre le Capitalisme en tant que système d’exploitation fondé sur le rapport de propriété, pour qu’il y ait un début d’appropriation des champs. Rappelons ici la phrase de Rousseau : « Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, que de guerres, de meurtres, que de misères et d’horreurs n’eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d’écouter cet imposteur ; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n’est à personne.’ [3]
Rappelons ici aussi, que le Département, ce n’est pas la « journée de cheval », mais sa définition politique est : « l’Etat à proximité », ce que n’est pas la Région et encore moins « l’Europe du marché libre et non faussé », institution dominée par le « lobbying de marché ».
La commune est donc la base de la démocratie locale. La commune est l’espace de vie partagé (et non territoire, car on n’est pas des bêtes) sur lequel les « hommes associés » décident de leur vie commune (démocratie). La Commune peut donc décider, dans le cadre des lois de la République des initiatives collectives permettant de répondre à l’intérêt général [4]. La Commune n’est donc pas un « territoire d’expérimentation », mais le lieu de mise en place et d’application des délibérations collectives, ce qui n’a rien à voir avec « les libertés locales » telle que déclamées dans « l’appel de Marseille ».
Robespierre, considéré comme étatiste écrivait pourtant : « Fuyez la manie ancienne des gouvernements de vouloir trop gouverner » ; laissez aux individus, aux familles le droit de faire ce qui ne nuit point à autrui ; laissez aux communes le pouvoir de régler elles-mêmes leurs propres affaires en tout ce qui ne tient pas essentiellement à l’administration générale de la république ; en un mot, rendez à la liberté individuelle tout ce qui n’appartient pas naturellement à l’autorité publique, et vous aurez laissé d’autant moins de prise à l’ambition et à l’arbitraire. [5]
La Métropole de la compétitivité [6] : C’est la raison fondamentale qui explique la destruction des communes dans le cadre de l’application des métropoles, dont le seul objet est la compétitivité (art 52-17) afin de répondre à l’intérêt du Capital, car par définition antinomique, la commune s’occupant de « l’intérêt général » local, elle ne peut que s’opposer de fait à la dictature du « tout profit » des marchés dérégulés…
Jésus christ a déclamé « sortons les marchands du temple », il nous faut désormais « sortir les marchands de la métropole pour reconstruire la commune », expression et base de la démocratie Républicaine.
La République c’est la commune, le Département et l’Assemblée Nationale… le « mille feuilles » est ailleurs… (Communautés de communes, Métropoles, Régions, Europe).
Territoires : Ce mot concept revient 4 fois en deux pages, car il matérialise, en termes de support, la « liberté d’expérimentation ». Difficile d’avouer que l’on « expérimente sur des populations », donc on glisse le concept de « territoire » issus du « paléolithique ancien ». La définition de territoire étant :
1. « étendue de terre soumise à une autorité ou possédant un caractère propre »
2. « zone occupée et défendue par un animal ».
La première définition montre bien quelque part que les « habitants » ont disparu de la gestion, comme si leur avis ne comptait pas chose normale dans la Métropole vu les accords de « gouvernance » (Gouvernement de la Finance) et non des hommes associés (commune).
La seconde renvoie à cette logique animale et de « conquête de territoire de chasse et de reproduction… »
Le concept de « territoires » qui se substituent aux communes, villes, voire agglomérations (plusieurs villes), a un sens politique profond. Pour imposer son « prix de marché », le Capitalisme mondialisé a besoin de « Territoires indifférenciés et anonymes », car les caractéristiques de la « marchandise » et son prix doivent être « mondialisés » et ne pas être obligés d’aller discuter le bout de gras avec 36.000 maires… voilà le fond.
Terroirs ou territoires : Au concept de territoire, il faut opposer le concept de « terroir » qui renvoie à la production sociale effective et non à la simple exploitation : « Leur définition dépend étroitement des caractères de la civilisation qui occupe les terres. Ainsi, dans un même espace, avec des potentialités et des contraintes physiques identiques, des sociétés humaines différentes sont susceptibles de développer des terroirs distincts. » On parle donc ici d’abord de civilisation et d’humanité, non de comptabilité.
« Le terroir serait donc un espace concret, tangible et cartographiable, à travers de multiples facteurs (géographiques : pédologie, géologie, géomorphologie, hydrologie, climatologie, microclimat, exposition, etc.). Mais il possède également une dimension culturelle qui reflète directement la société humaine qui l’exploite et son histoire. Ces trois aspects sont fréquemment retrouvés dans les usages littéraires et identitaires du terroir. Une autre de ses dimensions relève de la typicité du milieu et de ses productions agricoles »[].
Le terroir constitue souvent un village, une commune ce qui renvoie aux notions de partage, là où le territoire renvoie plutôt à une logique d’exploitation abusive, nécessitant par la suite le « nomadisme permanent » du paléolithique ancien, et notamment celui des « métropolisés ».
L’UTRA-CENTRALISATION : La dénonciation apparente de Paris s’opère, pour cacher le fait que les vraies décisions sont prises à Bruxelles…mais avouer cette réalité, remettrait en cause la « construction Européenne » du « marché libre et non faussé » et ses fameux traités non négociables, qui imposent la dictature de la finance sur les peuples.
REPUBLIQUE DECENTRALISEE : Bon, au départ j’étais plutôt favorable au concept, mais en fait une République si elle est démocratique, n’a pas besoin d’être « décentralisée », puisque son fondement c’est la Commune (voir l’approche de Robespierre).
Donc se méfier…de l’utilisation du concept de « décentralisation », qui souvent, cache en fait l’objectif politique de désengagement de l’Etat, c’est-à-dire la fin de la loi comme expression de « l’intérêt général », à l’image du mot « liberté » qui cache l’objectif politique de « libéralisme »..
LES MOTS QUI N’APPARAISSENT JAMAIS : comme je ne veux pas faire trop long et trop compliqué je tiens à souligner les mots qui n’y sont pas et dont l’absence, confirme l’analyse en négatif.
Il n’est jamais question d’égalité, sauf une fois, mais de manière très ambiguë.
Les mots populations, citoyens ou usagers n’apparaissent pas… (une fois pour citoyen à la fin pour appeler à soutenir le texte) le concept citoyen relais.
Le mot « service public » n’apparait pas non plus s’y substitue le mot « association », car « l’association » dépendante des dotations, ferme sa gueule, alors que le « service public » du fait du statut et de l’existence du rapport de forces syndical est, pour l’instant difficilement contournable, même si l’objectif politique vise bien à le faire disparaitre (voir « Un coup d’Etat invisible III »).
Les mots « Besoins » des populations, par ailleurs fondement du service public et « Démocratie » n’apparaissent pas non plus.
Ouverture : Derrière le concept de « libertés locales », comme derrière le concept de « liberté » se cachent en fait un système d’exploitation fondé sur la « liberté » d’exploiter, les territoires et les hommes (et encore plus les femmes) [7].
Derrière « les mots qui chantent la liberté », se cachent un projet profondément réactionnaire de délitement de l’Etat et ce délitement volontaire et planifié étant de fait une transformation, sans le dire du système institutionnel, participe au « coup d’Etat » [8]. Bref, on comprend ici, que ce texte bien décodé est profondément réactionnaire, d’où ma suggestion d’en faire une réponse fondée sur les valeurs d’émancipation construite autour du concept de « démocratie locale » et non des « libertés locales » qui dans le même temps cache la destruction du service public, à travers les opérations de substitution d’agents privés en lieu et place des fonctionnaires…
L’idéologie c’est eux, la République c’est le peuple
Le 9 Octobre 2018, Fabrice