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La Sixième flotte « humanitaire » arrive en Mer Noire
A Camp Darby, la base logistique de l’armée étasunienne, entre Pise et Livourne, a été activé l’envoi de « fournitures humanitaires » en Géorgie. La base - d’où est déjà partie la majorité des armements utilisés par les Usa dans les deux guerres contre l’Irak et dans celle contre la Yougoslavie- a en effet été utilisée pour le stockage et la maintenance des « aides humanitaires » de l’Usaid, dont elle est le plus grand centre en Europe. Le transport des aides destinées à la Géorgie est effectué par le Fleet Logistic Support Squadron 46, qui a transféré dans l’aéroport de Pise du personnel et des avions provenant de la base navale de Marietta, aux Etats-Unis. Officiellement il s’agit de milliers de couvertures et kits d’hygiène (brosses à dents, dentifrices, rasoirs, peignes et savons). Et le général Bantz J. Craddock, chef du Commandement européen des Etats-Unis (EuCom), est allé en Géorgie avec le responsable de l’Usaid, officiellement : pour « inspecter les colis d’aide humanitaire ».
D’autres « aides humanitaires » sont transportées en Géorgie par la mer. Mais pas par des navires marchands, comme il serait logique, mais par des navires de guerre : deux unités de l’US Navy et une de la Garde côte. L’opération est dirigée par le Commandement des forces navales Us en Europe, dont le quartier général est à Naples. C’est de Crète par contre qu’est parti pour la Géorgie le contre-torpilleur lance-missiles McFaul. Et de Gaeta, le garde-côtes Dallas et le Mount Whitney : unité navale C41 (contrôle, communications, ordinateurs et services secrets) la plus sophistiquée de la marine étasunienne, unité considérée comme la plus avancée au monde.
Après avoir participé à l’opération Enduring Freedom, en appui à la guerre en Afghanistan, et à la guerre contre l’Irak, le Mount Whitney a été transféré en Méditerranée et, en 2005, il est devenu le navire amiral de la 6ème flotte. Grâce à une capacité technologique qui « n’a pas d’équivalent dans le monde entier », le Mount Whitney peut se connecter avec n’importe quel point sur la terre, en transmettant n’importe quelle sorte de communication de façon cryptée, et en recueillant « les informations les plus opportunes » sur les forces adversaires, pour les transmettre ensuite au Centre d’intelligence conjoint. Ce navire, amiral de la 6ème flotte, est utilisé par le commandant de la Task Force conjointe qui peut, de là , diriger toutes les unités qui sont à ses ordres ; il est à présent envoyé en Mer Moire, officiellement, pour apporter des couvertures et des kits hygiéniques, et aliments pour enfants.
Le but réel de l’opération est annoncé par le général Jon Miller, chef de l’Escadre d’évaluation : composée de 102 spécialistes, envoyée en Géorgie par le Commandement européen des Usa. Pour le moment, a-t-il déclaré à Stars and Stripes (22 août), l’EuCom focalise sa mission sur « l’aide humanitaire » mais « il est prêt à faire une évaluation de l’état des forces armées géorgiennes ». Plus explicitement, le sén. Joe Lieberman, arrivé en Géorgie avec une délégation du Congrès (étasunien), a déclaré que les Etats-Unis doivent fournir une assistance aux forces armées géorgiennes, en les dotant des plus modernes armes anti-aériennes, et anti-chars, et en continuant l’entraînement des troupes. Comme l’indique Stars and Stripes, « environ 70 membres de l’escadre de Miller étaient déjà en Géorgie pour entraîner des troupes au moment où a commencé le conflit avec la Russie », c’est-à -dire quand les troupes de Tbilissi ont attaqué l’Ossétie du Sud. Cela confirme ce qui a été dit, dans une interview à Der Spiegel, par l’ex-chancelier allemand Gerard Schroeder, qui doute que « les Etats-Unis n’aient pas été informés de l’offensive initiale géorgienne, étant donné qu’ils ont des conseillers militaires basés à Tbilissi ».
La manoeuvre étasunienne de déployer le navire amiral de la Sixième flotte et quelques autres navires en Mer noire, au bord du territoire russe, alimente à présent de nouvelles tensions avec Moscou. Et ce n’est pas un hasard si cela se passe au moment le plus délicat, celui du retrait des forces russes de Géorgie, et de la définition du statut de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie. En compensation, des brosses à dents de l’Usaid vont arriver en Géorgie sur des navires de guerre.
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
Edition de samedi 23 août 2008 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/23-Agosto-2008/art43.html
Missiles nucléaires « humanitaires » dans les ports géorgiens
Dimanche dernier (24 août 2008) est arrivé dans le port géorgien de Batoumi le contre-torpilleur lance-missiles « McFaul », le premier des navires de guerre étasuniens officiellement destiné au transport d’ « aides humanitaires », dans une opération dirigée par le Commandement des forces navales étasuniennes en Europe, basé à Naples. Pendant que le navire déchargeait des kits hygiéniques, bouteilles d’eau minérale et autres denrées « données par l’Usaid », le capitaine John Moore, commandant de la Task Force Us assurait : « Nous sommes ici en mission humanitaire ».
Le New York Times indique (24 août) que, de cette façon, Moore « amenuisait la signification d’un torpilleur qui apporte des aides ». Le McFaul - rappelle le journal- est doté d’un « système radar très sophistiqué » et de divers armements, dont « des missiles de croisière Tomahawk qui peuvent transporter des missiles conventionnels ou nucléaires, même si la marine, pour des raisons de sécurité, ne précise pas si les navires transportent des armes nucléaires ». Sous peu, avec d’autres navires de guerre eux aussi en « mission humanitaires » arrivera en Mer Noire, venant de Gaeta, le Mount Whitney, navire amiral de la 6ème flotte, doté du système de communication et surveillance le plus sophistiqué du monde .
Entre-temps, quatre navires de guerre sont entrés en Mer Noire le 21 août, navires appartenant aux Usa, Allemagne, Pologne et Espagne, pour une manoeuvre de l’Otan dont la durée est prévue sur trois semaines. Le groupe naval, a déclaré le vice commandant de la Composante maritime alliée, effectue « une visite de routine en Mer Noire, déjà programmée, pour interagir avec la Roumanie et la Bulgarie, nos partenaires Otan ». Il précise cependant que le groupe naval constitue « une noyau fondamental de la Force de riposte de l’Otan (Nrf) ». Quand elle est utilisée, la Nrf dont les unités sont fournies par rotation par les pays de l’Otan, est directement mise aux ordres du « commandant suprême allié en Europe » (toujours un général étasunien).
Avec cette manoeuvre, l’Otan est donc en train de se préparer à un éventuel envoi de la Nrf dans la région du Caucase, tandis qu’arrivent en Mer Noire des navires de guerre étasuniens, dont le navire amiral de la 6ème flotte. C’est un défi ouvert qui est lancé à la Russie, non pas en paroles mais par des faits, juste au moment où la marine russe est en train de faire rentrer dans ses bases de Sébastopol, en Crimée, les unités qui avaient été utilisées dans le conflit géorgien.
On annonce en même temps une autre manoeuvre militaire en Géorgie, après « Immediate Response 2008 », à laquelle avaient participé des troupes étasuniennes, géorgiennes, ukrainiennes, azéris et arméniennes, juste avant l’attaque contre l’Ossétie du Sud par la Géorgie. La nouvelle manoeuvre, appelée Georgian Express 2008, emploiera des forces spéciales britanniques, qui instruiront les géorgiens sur les opérations dans les zones aériennes urbaines. Les militaire britanniques, tout comme ceux des Usa dans la précédente manoeuvre, seront déployés dans la base de Vaziani, à moins de 100 Kms de la frontière russe.
Il est clair que les Usa et l’Otan entendent reconstruire au plus vite le potentiel militaire géorgien, sorti assez mal en point du conflit avec l’armée russe. Pour preuve, les visites effectuées au ministère de la défense géorgien du général Bantz J. Craddock, chef du Commandement européen des forces Us, et par Robert Simmons, représentant spécial pour le Caucase et l’Asie centrale du secrétariat général de l’Otan.
Mais ce n’est pas les seul objectif. A travers la brèche ouverte par la crise géorgienne, les Usa et l’Otan essaient de conquérir des positions encore plus à l’est, en faisant pression sur la Russie pour l’évincer de l’Asie centrale ex-soviétique : zone d’immense importance, que ce soit pour ses réserves énergétiques de la Caspienne comme pour sa position géostratégique par rapport à la Russie, la Chien et l’Inde. Est ainsi créé sur un front déplacé vers l’est, une confrontation qui n’est pas moins dangereuse que celle de la guerre froide.
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
Edition de mardi 26 août 2008 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/26-Agosto-2008/art38.html