Il est irresponsable et dangereux de la part de Washington d'accuser le gouvernement de la violence qui règne dans les rues de Kiev, a dit à RT Martin Sieff, un géopoliticien très renommé du Globalist Research Center et envoyé spécial de the Globalist.
Sieff pense que les désordres en Ukraine sont le résultat des pressions de l'UE qui a refusé d'accepter la décision de Kiev de suspendre l'accord d'intégration européen. Selon lui, la décision des Etats-Unis et de l'UE de soutenir les insurgés en Ukraine pourrait avoir comme conséquence de susciter des aspirations similaires en Europe occidentale où les mouvements sécessionnistes ont le vent en poupe.
RT : Nous avons entendu beaucoup de gens dire sur nos ondes aujourd’hui que, avec le soutien inconditionnel des Etats-Unis, l’opposition a le sentiment qu’elle peut tout se permettre. Le soutien de Washington pourrait-il être facteur de violence ?
Martin Sieff : D’une certaine manière oui, mais pas entièrement. Washington est certainement coupable mais je pense que Washington est mal conseillé par Bruxelles et l’Union Européenne. Ce sont les pressions de l’UE sur l’Ukraine qui sont à l’origine de la crise : l’UE a refusé de reconnaître sa défaite quand le Président Yanoukovitch a décidé qu’il ne pouvait pas accepter les termes de l’accord que l’UE lui proposait.
Washington a adopté continuellement la position de Bruxelles et c’est une erreur. Les membres les plus hauts gradés du Département d’Etat étasunien manquent de compétence en ce qui concerne l’Europe et d’ailleurs aussi la Russie. L’accent a été mis sur le Pacifique asiatique toutes ces dernières années et sur le Moyen-Orient. Ils ne se sont pas intéressés à l’Europe et leur lacune dans ce domaine commence à leur nuire.
RT : Que pensez-vous du fait que Washington blâme les autorités de Kiev pour toute cette violence ?
MS : C’est une catastrophe, c’est subversif. Les conséquences seront bien plus graves que quiconque à Washington ou en Europe occidentale ne semble en avoir conscience. Cela place l’Union Européenne et les Etats-Unis du côté du chaos et du désordre révolutionnaire non pas seulement dans un autre pays de la planète, ce qui serait déjà suffisamment grave, mais au cœur de l’Europe. C’est tout à fait dangereux et irresponsable.
RT : Les Etats-Unis et l’UE n’ont-ils donc pas vu la montée du nationalisme et de l’extrémisme dans ces soulèvements ? Nous assistons bel et bien à une révolution et c’est ce que veulent les nationalistes, Est-ce aussi ce que veulent les Etats-Unis et l’UE ?
MS : Ils ne devraient pas le vouloir, vous avez tout à fait raison. C’est un énorme paradoxe spécialement pour l’UE. Les forces qui cherchent à diviser l’Ukraine sont les mêmes que celles qui tentent de déstabiliser les nations européennes occidentales. Il y a d’importants mouvements sécessionnistes au coeur des nations européennes occidentales. Regardez l’Ecosse, qui, très tranquillement, est en train de devenir indépendante avec son référendum programmé cette année. L’Espagne, quant à elle, a réussi à empêcher la désintégration du pays, notamment dans la région de Barcelone en Catalogne. La ligue du Nord est très puissante et c’est une force relativement modérée et responsable mais si des émeutes se déclenchaient dans les rues d’Espagne, de France, d’Italie et d’Angleterre dans le but de renverser le pouvoir en place et de faire sécession, l’Europe n’attiserait pas les forces de destruction. Elle les réprimerait. Alors pourquoi les attise-t-elle là-bas [en Ukraine] ?
En complément, voir l’excellente analyse de Philippe Grasset : Le “modèle ukrainien” pour “notre” Europe ?http://www.dedefensa.org/article-le_mod_le_ukrainien_pour_notre_europe__21_02_2014.html
Traduction : Dominique Muselet