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La nature n’a rien contre le mariage homosexuel.

Cessons de mentir aux enfants car, non, il n’y a rien dans la nature contre le mariage homosexuel. Depuis que s’impose l’idée du vote d’une loi parlementaire instaurant le mariage pour tous, voilà que se réveillent de vieux démons contre l’union homosexuelle. Les vieilles discriminations ont encore du mal à être refusées en dépit d’une évolution sensible des moeurs humaines.

Après avoir vainement prétendus que l’homoparentalité se heurtait à une supposée vertu psychologique parentale, les manifestants contre l’homosexualité appellent la biologie à la rescousse, affirmant que « la parentalité serait biologiquement irréductible » et que « l’homosexualité serait contre-nature ».

C’est bien mal connaître les choses de la nature.

Car l’homosexualité est parfaitement répandue chez nombre d’espèces animales. Et même l’élevage d’une progéniture par deux parents du même sexe constitue une banalité naturelle. Comme beaucoup d’oiseaux, les cygnes, les oies des neiges de même sexe s’apparient régulièrement pour élever ensemble une nichée. Des centaines d’exemples ont été scientifiquement attestés depuis les insectes jusqu’aux mammifères. Et des espèces se reproduisent même sans mâles. Les lézards Aspidocelis uniparens, par exemple, s’adonnent à des amours entre femelles qui déclenchent ensuite la formation de descendants à travers une reproduction sans fécondation, appelée parthénogénétique. Plusieurs milliers d’espèces connaissent des amours homosexuelles et cajolent une progéniture issue de ces passions singulières.

Le mariage reste un contrat juridique dans lequel l’état établit une reconnaissance des pratiques amoureuses et reproductives, et oblige les deux contractants. Qu’on se souvienne que le mariage est resté longtemps discriminatoire, réduisant la femme à une mineure perpétuelle et les enfants à une possession juridique. C’est pourquoi les anarchistes, par exemple, ont toujours préféré l’union libre. Le mariage a encore ses limites. Par exemple, il est étonnant que, encore aujourd’hui en France, l’institution du mariage privilégie la confusion entre géniteurs et parents.

Biologiquement en tout cas, une certaine divergence persiste entre ces deux rôles. Chez de nombreuses espèces animales, il n’y a pas d’identité entre le géniteur et le parent. C’est à dire que non seulement les animaux pratiquent l’adoption des orphelins, mais l’élevage lui-même peut être réalisé par d’autres membres de la communauté, sans que la progéniture ne soit associée à un père particulier par exemple.

Alors, s’appuyer sur l’insuffisance de la formation naturaliste de nos contemporains pour refuser le « mariage pour tous » reste un navrant symptôme de l’ignorance de l’histoire naturelle, même au pays de Lamarck et de Buffon. Cela révèle combien l’éducation populaire à la science est encore imparfaite et combien la vulgarisation des connaissances universitaires s’avère insuffisante.

Il n’est toutefois pas nouveau que les réactionnaires tentent de tirer des énoncés normatifs à partir des descriptions de la biologie. Mais, en réalité, il n’existe dans la nature aucune autre norme que la diversité des conduites sexuelles. L’évolution biologique trouve précisément son origine dans cette variété. Il y eut un temps où des biologistes ont autorisés des propos racistes, eugénistes ou ségrégationnistes. Cependant, l’évolution des connaissances biologiques a toujours contredit ces hypothèses. Et aujourd’hui, il n’est plus possible de s’appuyer sur la science ou sur la faune pour étayer de tels propos discriminatoires. Ils sont de la seule responsabilité de ceux qui les profèrent et les universités ou l’Académie des Sciences devraient clairement les condamner.

En fait, au-delà du problème sociétal que pose cette question du mariage, la sexualité n’est évidemment pas réductible à la reproduction et nombre de comportements sexuels existent en dehors de la copulation hétérosexuelle proprement dite chez les animaux. Les singes, les chauves-souris se masturbent, les lions se câlinent entre mâles, les macaques se caressent entre femelles. La nature ne dit rien contre la sexualité libre.

Car la biodiversité est amoureuse et les espèces se perpétuent justement à travers leur désir et divergent de ne plus s’aimer.

Thierry Lodé
Professeur d’écologie évolutive

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