Bien sûr en dehors du décorum vestimentaire, des anathèmes contre tout ce qui peut penser en dehors des préceptes des préposés à la parole dite divine et du sempiternel débat sur la liberté des femmes à être un être social ordinaire. Ceci grâce au fait que ce sont les Frères musulmans qui ont récolté le fruit du pouvoir, là où le bourgeonnement a été possible. Notamment là où ils ont pu faire croire à leur paradis, de manière pacifique.
Il est sûr qu’ils auraient voulu que cela se passe autrement que sous le parrainage et avec l’allégeance à cette "démocratie" chère aux préposés aux affaires de la finance internationale et du commerce mondialisé. Car, autrement, une prise de pouvoir par la violence et portée par un mouvement populaire insurrectionnel aurait offert d’autres conditions d’exercice de l’autorité. Là, cela s’est passé sans que la contestation fondamentale de l’ordre fondamental soit phagocytée, sinon brisée. Il fallait faire face aux questions posées et produire les réponses escomptées. D’autant que la "solution" semblait les contenir en présupposé.
C’est en Égypte et en Tunisie que le "Printemps" a pu donner des fruits inattendus. En Égypte, les Frères n’ont pas mis longtemps à reproduire à l’identique la politique menée jusqu’ici par le "régime" déchu et souvent, sur bien des plans, avec zèle, tant sur le plan économique que sur celui de l’alignement, sans réserve, sur l’alliance atlantiste, jusque et y compris une "modération" exemplaire par rapport aux exactions de l’entité sioniste.
En Égypte, où le mouvement populaire a pu faire peur aux forces armées, les Frères ont été brutalement rendus à leur clandestinité. Grâce aussi à leur aveuglement, dû à la certitude que leurs alliés étatsuniens allaient empêcher leur destitution de la tête de l’État ou obtenir des militaires qu’ils soient rétablis au pouvoir. Bien mal leur en pris. Ils ont démontré leur incapacité à comprendre la vie terrestre de leurs compatriotes et la démarche tout aussi terrestre des États-Unis. En Tunisie, les Frères ont plus de réussite, du moins par rapport au fait qu’ils se maintiennent au pouvoir ou qu’ils réussissent à louvoyer, en attendant de trouver une autre "solution" que celle qu’ils avaient promise aux Tunisiens. Ils ont dû être pas mal secoués par le sort vécu par leurs pairs égyptiens.
Bien à propos, Rached Ghannouchi, le président d’Ennhada, s’est livré à Gérard Haddad, un psychiatre et psychanalyste juif, d’origine tunisienne. Il lui a dit rien moins, en substance :
"Nous voulons faire de la Tunisie un modèle de démocratie musulmane. Notre parti veut être comparé aux partis chrétiens-démocrates qui existent en Europe. Pour moi, la meilleure référence, le meilleur exemple de sociétés alliant démocratie et justice sociale, ce sont les pays scandinaves, et nous comptons nous en inspirer."
Inutile, devant ça, d’aller chercher le Ghannouchi d’il y a quelques mois, d’avant la confrontation avec le peuple, en tant que pouvoir.
Ahmed Halfaoui