RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
13 

La métaphysique bourgeoise

La critique de la religion a les traits à première vue d’un combat d’arrière-garde. On imagine que la religion a perdu toute emprise en se recroquevillant dans la sphère privée. En se dissociant de l’Etat, la religion se serait repliée dans le monde intime, dans la vie intérieure et ne concernerait plus la politique. Il est vrai que la fonction politique de la religion a mué depuis l’époque des théocraties du Moyen-âge mais sa présence ne s’est pas étiolée pour autant. En se diffusant dans la société, son influence n’en est que plus pernicieuse.

Il faut distinguer la religion comme phénomène psychique et comme phénomène politique. En tant que phénomène psychique, l’expression religieuse est un fait et constant et incontestable dans l’histoire de l’humanité. L’idée de la religion se trouve en-deçà de l’intellect, dans l’inconscient. C’est un archétype de l’inconscient qui ne peut en cette qualité être ébranlé par la raison critique. Il ne sert à rien donc de mettre en relief les incohérences et limites historiques des récits religieux. L’éducation et la raison n’y peuvent rien.

Le politique s’appuie sur ce processus psychologique et l’utilise à son avantage ; il préserve le cadre mais modifie le contenu en fonction des intérêts de la classe dominante. Les religions s’adaptent à la réalité et évoluent avec le temps. Les commandements religieux suivent pour l’essentiel les prescriptions économiques. Dieu n’est plus l’être suprême. Le pouvoir ultime est l’ordre en place et dieu en est le serviteur. Le pouvoir s’emploie à stimuler la passion religieuse en tant qu’élément de légitimation de l’ordre. La bourgeoisie n’a pas créé le phénomène religieux mais elle s’en est emparée, telle le diable s’empare des âmes, pour assurer un meilleur contrôle social.

La religion est le premier voile d’idéologie à arracher pour développer une conscience de classe. Celui qui remet en cause la religion est sur le chemin de la subversion politique. La satisfaction obtenue par la religion est un leurre, une consolation projetée dans un au-delà incertain. C’est une fausse solution qui entrave l’exploration de voies effectives. L’émancipation suppose un mouvement conscient vers une fin assignée alors que le dogme religieux est un exercice de foi irrationnel.

La communauté des croyants se trouve un lien à travers la médiation de la divinité. Cette attache les empêche de s’unir sous la bannière de points de convergence pertinents telles que la condition sociale, la dépendance, l’exploitation,... En se décentrant du monde terrestre, le prolétariat se condamne à l’inaction et l’impuissance.

En compensation de l’hypermatérialisme ambiant s’est développée une nouvelle métaphysique. Cette spiritualité postmoderne dont les sectes sont une expression est une émanation directe la production matérielle qui glace les rapports humains et désenchante le monde.

La spiritualité se saisit de l’homme dans son être (esprit ou âme) et non dans ses relations avec les autres et le monde concret. Chacun est invité à trouver un sens à la vie par soi et se réaliser dans des actions de proximité. Peu importe la portée des actes pourvu qu’ils améliorent notre bien-être personnel. L’intervention se fait exclusivement en amont sans interroger les causes profondes. Cette spiritualité n’a pas en cette qualité d’aspiration politique : on doit se réformer individuellement en dépit du monde extérieur qui est tenu pour un donné intemporel.

On verse de facto dans l’ancien idéalisme qui pose la vie réelle pour une détermination secondaire et la conscience comme souverain absolu. Culture, morale et religion sont déliées du substrat économique. En accordant la prééminence à la morale individuelle sur les structures sociales, l’émancipation individuelle sur l’émancipation collective, cette métaphysique constitue un allié objectif de l’ordre en place.

Il ne s’agit pas de lutter contre dieu (on ne peut lutter contre quelque chose qui n’existe pas) mais contre les procédés de l’exploitation de ce phénomène. Il faut que le phénomène religieux soit compris pour ce qu’il est c’est-à -dire un phénomène psychique inconscient et irrationnel. Ce n’est pas parce que l’idée de dieu est irrationnelle qu’on ne peut pas l’appréhender rationnellement dans ses diverses dimensions. De même que d’autres constructions mentales du même type (le héros, les mythes), la religion doit être démystifiée.

L’émancipation individuelle est rendue possible par l’émancipation collective qui en est le véritable incubateur. Il n’existe pas d’homme en soi mais seulement un homme réel, concret qui vit en interrelation avec la société.

Le changement de la société n’est pas suffisant mais est une condition incontournable de la rénovation des moeurs et des rapports humains.

Emrah KAYNAK

URL de cet article 8453
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Thème
Du bon usage de la laïcité
sous la direction de Marc Jacquemain et Nadine Rosa-Rosso. Depuis quelques années, une frange de la mouvance laïque, qui se baptise elle-même « laïcité de combat », développe un prosélytisme anti-religieux qui vise essentiellement l’islam et, très accessoirement, les autres religions. Cela nous paraît un très mauvais combat pour la laïcité. Cette logique va-t-en-guerre est d’autant plus malvenue qu’elle se développe dans un contexte marqué, dans le monde, par l’unilatéralisme militaire américain, et, chez (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Que ce soit bien clair : nous avons commis des erreurs, évidemment. Et nous en commettrons d’autres. Mais je peux te dire une chose : jamais nous n’abandonnerons le combat pour un monde meilleur, jamais nous ne baisserons la garde devant l’Empire, jamais nous ne sacrifierons le peuple au profit d’une minorité. Tout ce que nous avons fait, nous l’avons fait non seulement pour nous, mais aussi pour l’Amérique latine, l’Afrique, l’Asie, les générations futures. Nous avons fait tout ce que nous avons pu, et parfois plus, sans rien demander en échange. Rien. Jamais. Alors tu peux dire à tes amis "de gauche" en Europe que leurs critiques ne nous concernent pas, ne nous touchent pas, ne nous impressionnent pas. Nous, nous avons fait une révolution. C’est quoi leur légitimité à ces gens-là, tu peux me le dire ? Qu’ils fassent une révolution chez eux pour commencer. Oh, pas forcément une grande, tout le monde n’a pas les mêmes capacités. Disons une petite, juste assez pour pouvoir prétendre qu’ils savent de quoi ils parlent. Et là, lorsque l’ennemi se déchaînera, lorsque le toit leur tombera sur la tête, ils viendront me voir. Je les attendrai avec une bouteille de rhum.

Ibrahim
Cuba, un soir lors d’une conversation inoubliable.

Le DECODEX Alternatif (méfiez-vous des imitations)
(mise à jour le 19/02/2017) Le Grand Soir, toujours à l’écoute de ses lecteurs (réguliers, occasionnels ou accidentels) vous offre le DECODEX ALTERNATIF, un vrai DECODEX rédigé par de vrais gens dotés d’une véritable expérience. Ces analyses ne sont basées ni sur une vague impression après un survol rapide, ni sur un coup de fil à « Conspiracywatch », mais sur l’expérience de militants/bénévoles chevronnés de « l’information alternative ». Contrairement à d’autres DECODEX de bas de gamme qui circulent sur le (...)
103 
La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.