Comme certains commentateurs sur ce fil, je ne suis pas d’accord avec le billet, une élucubration à voix haute qui n’a rien de bien documenté. Mais il est bon que ce billet existe, car il permet justement de mener un réflexion sur ce sujet, qui, on le voit, donne lieu à bien trop de clichés et d’a priori.
D’abord, sortir de la religion de la croissance économique, c’est, me semble-t-il, sortir quelque peu du capitalisme, qui s’appuie sur ce dogme.
Apparemment, l’auteur, Caleb Irri, entend d’abord "supprimer le capitalisme", prônant éventuellement à sa suite une "croissance juste", une "croissance humaniste" - ce qui ne veut strictement rien dire.
Et quel régime politique envisage-t-on ? Quelle organisation de la cité remplacera le système capitaliste ? Il n’y a pas le début d’une base de proposition à ce sujet. Et pourtant, ce serait une sacrée révolution que de "détruire le capitalisme", non ? Parce que les gros capitalistes ne vont pas se laisser faire comme cela, n’en doutons point.
"C’est le capitalisme qu’il faut détruire, pas l’humain".
Comme si l’humain existait dans le capitalisme ! Là encore, c’est une vision bien partiale et partielle de la vie sur la planète.
Les voitures, les maisons, les écrans plasma, les téléphones portables, les lave-vaisselle, les machines à laver, les ordinateurs, etc. combien sommes-nous sur la planète à disposer de tout cela ? Bien pire encore, combien sommes-nous à avoir de l’eau courante potable à domicile en tournant simplement un robinet ?
Le capitalisme ne s’intéresse qu’aux fonctions de production et de consommation.
Et, donc, à partir de là , la recherche des profits se fait obligatoirement au détriment des humains.
Réductions des coûts de main d’oeuvre, recherche de main d’oeuvre asservie et interchangeable, suppressions d’emplois, délocalisations, chômage endémique, pillage des pays pauvres pour en soutirer les ressources indispensables à la production de gadgets pour riches, confiscations des terres pour cultiver des produits destinés aux pays du Nord (agrocarburants, entre autres), déforestations, détournement des cours d’eau au profit de quelques-uns, désertification de vastes territoires, destruction de la biodiversité, pollution des cours d’eau et de la mer- qui condamnent les populations à la dépendance alimentaire, et à la famine, donc.
Aujourd’hui plus d’un milliard de personnes souffrent de la famine dans le monde (1 sur 6 ! le taux le plus élevé depuis 1970 et il ne cesse d’augmenter depuis 10 ans)
J’ajouterai l’énorme gaspillage et la pollution qui découlent de la doctrine de la croissance : maintien du tout-automobile et construction ininterrompue de routes et d’autoroutes quand des alternatives simples peuvent avantageusement les remplacer (utilisation du rail ou du tram, réseaux de transports en commun, etc.) ; production d’appareils ou de gadgets jetables - qui contiennent souvent des produits nocifs et forment des montagnes de déchets non biodégradables. Etc.
C’est le minimum que l’on est censé savoir si on parle de "croissance", qui, on le constate, n’a rien à voir avec le souci de procurer du "plaisir" à l’être humain en général, bien au contraire.
Alors, il me semble que tout projet politique qui se tient et qui s’intéresse justement à l’"être humain" devrait impérativement s’attacher à l’inclure dans un grand projet écologique (et pas la mascarade des pseudos écolo-capitalistes) : l’un ne va pas sans l’autre.
Le capitalisme, après avoir privilégié le libre-échange et la mondialisation, a confisqué leurs terres aux petits paysans, empêché les autres de vendre leur production et forcé les populations à être dépendantes des arrivées des denrées par camions (avions) entiers, en pratiquant le dumping sur les marchés locaux.
Contrairement à ce qui est dit dans le fil, ce n’est pas de "progrès" (encore du novlangue) qu’il s’agit, c’est d’une immense régression pour la majorité de la population de la planète.
Et affirmer que les "objecteurs de croissance" veulent nous faire revenir à la bougie et nous faire vivre dans des cabanes en bois insalubres", c’est simpliste et inconsidéré.
Même si leur programme est sans doute nettement perfectible, il repose sur un état des lieux effrayant et destiné à de plus en plus empirer.
Et nous ferions bien de nous en inquiéter sérieusement plutôt que de chercher à démolir leurs efforts de réflexion.
@Lulu : le fait que vous vous soyez retrouvée au chômage avec deux enfants à charge n’a rien à voir avec les objecteurs de croissance, mais tout à voir avec le capitalisme et sa notion du "progrès".