Son prédécesseur avait déjà signalé qu’« on a l’impression que la Cour pénale internationale ne vise que les Africains. Cela signifie-t-il que rien ne se passe par exemple au Pakistan, en Afghanistan, à Ghaza, en Tchétchénie ? Ce n’est pas seulement en Afrique qu’il y a des problèmes. Alors pourquoi n’y a-t-il que des Africains qui sont jugés par cette Cour ? »
C’est une toute petite chose, eu égard à ce qui doit être fait et aux turpitudes africaines, mais c’est déjà ça. Le fait d’accuser de racisme la Cour pénale internationale (CPI) est d’une audace certaine. Non pas que les Africains ne commettent pas de crimes, mais parce qu’à les traduire seuls devant des tribunaux est un peu trop de la moitié. Du moins, si cette réaction est due à l’assurance d’avoir beaucoup donné par ailleurs, pour mériter plus d’égards, elle a le mérite de mettre fin à un silence coupable.
La CPI n’a jusqu’ici, depuis sa création, poursuivi et inculpé que des Africains, soit une trentaine de personnalités. Et ce, sous divers chefs d’accusation. Ce qui lui a valu, ici dans de précédentes chroniques, de figurer sous l’appellation non usurpée de Cour pour indigènes, sous le même acronyme. Le président de l’UA n’a pas été plus loin. Il ne peut manifestement pas aller au-delà de ce qu’il a osé faire. On peut lire dans « la chasse raciale », les mots qu’il a utilisés, la suggestion qu’il existe des criminels d’une autre envergure et dans des continents autres que l’Afrique. Surtout chez ceux qui se sont érigés en conscience surarmée du monde.
Officiellement, la CPI est chargée de promouvoir le droit international, de juger les individus coupables de génocide, de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ou de crimes d’agressions. Dans ces missions, il n’est pas spécifié la nationalité des justiciables. Il n’est pas précisé que les dirigeants étatsuniens, européens ou ceux qui font partie de leur monde devraient bénéficier d’une quelconque immunité. Du coup, les arguments ne doivent pas manquer aux Africains pour exiger que la CPI ne s’occupe plus de leurs affaires. Ils n’ont qu’à se baisser pour en ramasser à la pelle.
Ils pourraient commencer par demander des explications sur la différence de traitement qu’il y a entre Omar El-Béchir, le président soudanais sous le coup de poursuites, et Barack Obama, le président des États-Unis, qui ne se cache pourtant pas de faire des cartons, avec ses drones, sur des populations sans défense. Il dit même que « le recours aux drones est sévèrement encadré », preuve que les centaines d’enfants déchiquetés en Afghanistan ou au Pakistan sont ses victimes directes, sans que la CPI ne pipe mot. Alors que MM. Uhuru Kenyatta et William Ruto, président et vice-président du Kenya, sont passibles d’être jugés pour leur présumé rôle dans les violences consécutives aux présidentielles kényanes de décembre 2007. La CPI a tout de même apporté une réponse : elle ne réagira pas aux résolutions de l’Union africaine. Elle a tout dit. Devrait-elle-même se sentir obligée de répondre ?