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L’Islam et la France "fille aînée de l’Eglise" : Pour une quête de la tolérance

« La France tombera très bas. Plus bas que les autres nations, à cause de son orgueil [...]. Il n’y aura plus rien. Mais dans sa détresse, elle se souviendra de Dieu et criera vers Lui, et c’est la Sainte Vierge qui viendra la sauver. La France retrouvera alors sa vocation de Fille aînée de l’Eglise, et elle enverra à nouveau des missionnaires dans le monde entier . »
Marthe Robin en 1936, cité in France réveille-toi, p.178 (éd. L’Icône de Marie).

La France est, dit-on, devenue Fille aînée de l’Eglise par la conversion de Clovis, roi des Francs. Ce ne fut pas un acte de foi mais une décision intéressée de la part d’un sanguinaire conquérant. Clotilde, épouse d’origine Burgonde de Clovis, avec l’aide du bon saint Rémi, évêque de Reims, a fait passer son époux de la religion du faux dieu Odin à celle du vrai Dieu de l’Eglise de Rome. Par cette éclatante conversion, Clovis fut le premier, et à son époque, l’unique roi d’Europe occidentale à défendre la Foi de l’Eglise de Rome contre les ennemis de Dieu. En récompense de cette conversion historique, on l’appela Fils Unique de l’Eglise, et par conséquent la France, « Fille Aînée de l’Eglise de Rome. » (1)

« Quinze siècles plus tard le président français nous rappelle les racines chrétiennes de la France. Lors de son déplacement au Puy-en-Velay, étape du pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Nicolas Sarkozy a estimé que la "chrétienté a laissé" à la France "un magnifique héritage de civilisation". En tant que "président de la République laïque, je peux dire cela", a-t-il ajouté. En visite dans ce haut lieu du catholicisme, point de départ historique des pèlerins pour rejoindre Saint-Jacques-de-Compostelle, le président a insisté sur la nécessité pour la France de préserver son héritage. "Cet héritage nous oblige, cet héritage, c’est une chance, mais c’est d’abord un devoir, il nous oblige, nous devons le transmettre aux générations et nous devons l’assumer sans complexe et sans fausse pudeur", a expliqué le chef de l’État. Pour lui, le "premier devoir" est de "conserver et restaurer" cet héritage, une "mission", a-t-il promis, "à laquelle l’État ne peut et ne doit se dérober". "C’est lui qui nous inscrit dans le temps long d’une histoire multiséculaire. (...) Protéger notre patrimoine, c’est protéger l’histoire de la France, défendre les signes les plus tangibles de notre identité", a-t-il dit. Citant Claude Lévi-Strauss, il a fait valoir que l’identité n’était pas une « pathologie ». (2)

« Sans identité, il n’y a pas de diversité », a-t-il ajouté. « A l’origine de la diversité, il y a les identités. Ce n’est pas faire preuve de fermeture de croire en son identité. Il ne faut pas opposer identité et diversité. (...) Pour comprendre la diversité, il faut respecter l’identité », a insisté le chef de l’État. Mettant en exergue « l’apport de la chrétienté à notre civilisation », le président Sarkozy a estimé que « le désir de vivre ensemble » devait s’accompagner de « la volonté de faire vivre l’héritage indivis qui nous demande de l’assumer intellectuellement, moralement et politiquement ». « Il n’y a aucune raison à ce que nous soyons les seuls dans le monde à ne pas assumer cet héritage » qui « n’oblige personne à partager la foi des milliers de pèlerins ». « Personne n’est prisonnier de l’histoire de son pays, mais il est toujours dangereux d’amputer sa mémoire », car « l’ignorance de soi conduit rarement à l’estime de soi ». « La France ne doit pas oublier ce qu’elle est et ce qu’elle fut parce que le monde change », a dit encore le chef de l’État. » (2)

Claude Bartolone, député PS a réagi au discours du président de la République qui voudrait mettre en exergue « l’apport de la chrétienté à notre civilisation ». « En fragmentant la société, en distinguant les bons Français des autres, en soumettant certains de nos concitoyens à un débat sur l’Islam dont on perçoit déjà les relents nauséabonds, Nicolas Sarkozy remet en cause le socle laïque sur lequel repose notre pays depuis plus d’un siècle (...). Plutôt que de chasser sur les terres du Front national, le président de la République serait bien inspiré de s’adresser à ceux de nos compatriotes qui se demandent, aujourd’hui, où se trouve la porte d’entrée de la République parce qu’ils connaissent le chômage, le mal-logement et les discriminations. »

Marine Le Pen, du Front national a dénoncé une « opération électoraliste » « Aujourd’hui, Nicolas Sarkozy joue de la mandoline, je ne suis pas sûre que les Français soient sensibles à ce petit air », a-t-elle affirmé, sur Europe 1.

Pour Patrick Devedjian ancien ministre UMP « Quoiqu’en disent ses pères, Jean-François Copé et Nicolas Sarkozy, le débat sur la laïcité et la place de l’Islam organisé par l’UMP "blesse nos compatriotes musulmans qui s’intègrent loyalement à notre pays pour ne montrer du doigt que les extrémistes musulmans""Non seulement c’est injuste, mais c’est désastreux car [nos compatriotes musulmans] sont destinés à vivre durablement avec nous. Ce débat anime surtout les militants du Front national qui croient naïvement que ce sont les autres partis politiques qui sont responsables de l’immigration et de la mondialisation. » (3)

La continuité sur la diabolisation électoraliste de l’Islam

« Après le discours du Puy-en-Velay de Nicolas Sarkozy, le ministre de l’Education, Luc Chatel, décrète que les mamans musulmanes portant le voile se verront interdire d’accompagner les sorties scolaires. Pour le ministre de l’Education, Luc Chatel, les mères d’élèves accompagnant des sorties scolaires ne doivent pas montrer de signes religieux ostentatoires comme le voile, une position qui tranche avec celle de ses prédécesseurs. Précisons qu’on ne parle pas ici de la burqa mais d’un voile qui laisse le visage découvert - rigoureusement identique donc à celui des religieuses que Nicolas Sarkozy a saluées lors de sa visite à la cathédrale du Puy-en-Velay. Le rapprochement est éloquent. Il est clair que tout cela n’a plus rien à voir avec une prétendue défense de la laïcité. On est bel et bien en présence d’une mise au ban de l’Islam. De l’instauration, sous couvert de républicanisme, d’un catho-laïcisme officiel, doublement discriminatoire (au nom de la tradition chrétienne et au nom d’une laïcité à géométrie variable, dirigée en fait contre une seule religion), qui est la négation même des principes républicains. La laïcité selon Sarkozy, c’est la ""laïcité positive’’ à sens unique. Combes et Barrès réconciliés. Sur le dos des musulmans. Le calcul électoraliste est évident. Sera-t-il payant ? On peut en douter. Ce qui n’est pas douteux, c’est la menace qu’une telle politique fait peser sur la capacité des Français de toute religion ou sans religion à vivre ensemble. (4)

Alors que la majorité, divisée sur la pertinence d’un débat risquant à nouveau de stigmatiser l’Islam, Sarkozy appelle sans détour à ""conserver et restaurer’’ cet héritage chrétien, une « mission, a-t-il promis, « à laquelle l’Etat ne peut et ne doit se dérober ». En décembre 2007, Sarkozy, se rendant au Vatican et prononçant à Saint-Jean-de-Latran (Rome) un discours sur la place de l’Eglise dans la société, avait affirmé que le christianisme s’inscrivait dans l’ADN du pays. Pour Diatala, le problème est ailleurs et l’Islam sert de repoussoir commode et adaptable à toutes les situations. Ecoutons le (...) Le vrai sujet qui se cache derrière tout ceci concerne les quartiers populaires et les banlieues. Cela s’appelle de l’ostracisme, c’est la détestation des pauvres qui est mise en avant et le racisme. Une liste maccarthyste d’une partie des plus défavorisés et des moins représentés politiquement et médiatiquement. Leur stigmatisation sert de bouclier pour éviter de recevoir les coups d’un peuple entier qui se mettrait en colère demain. Mais si hier les révolutions se faisaient parce que le peuple avait faim, aujourd’hui elles se feront, non pas par manque de vivres dans une société consumériste et productiviste, mais par l’élargissement de la conscience du peuple qui anticipera lui-même cet état de manque pour se réapproprier ses biens et ses droits. Voilà la vraie révolution. L’Islam reste malgré tout un sujet qui est à des années-lumière des réelles inquiétudes et des réels dangers qui menacent l’avenir des Français et de leurs enfants, mais il est devenu une affaire d"Etat. La démarche est démagogique certes, mais surtout malsaine, perverse. Alors peut-on réduire tous les problèmes de la France, les broyer et en ressortir un bloc compact, ou un pavé islamisé que l’on jette ensuite sur la foule en lui disant : Ce n’est pas nouuuuuuuus ! C’est l’Islam le responsable. C"est de sa faute si tout va mal ? En décodé : courage ne fuyons pas, gardons nos privilèges et nos statuts, mais nions nos responsabilités. » (5)

« L’Islam serait donc un danger ; admettons. Mais j’aimerais voir un journaliste interroger par exemple Jean-François Copé sur le Coran pour qu’il nous dise si celui-ci est plus violent ou moins violent que la Bible judéo-chrétienne, le Tanak ou le Talmud ? Qu’il lui demande si l’extrémisme juif avec ses milices n’est pas également un vrai problème en France ? Si certains prêches fondamentalistes et racistes dans nos synagogues ne sont pas inquiétantes pour la sécurité ? Si le principe de laïcité que JF Copé défend bec et ongles n’est pas remis en cause ou piétiné quand un grand nombre de personnalités politiques fait allégeance au Crif ? Si l’amalgame entre culture et religion musulmanes n’est pas fait pour induire volontairement en erreur ? Car la jeunesse issue de l’immigration n’est que très peu pratiquante. La France, Terre d’accueil, a évolué aussi grâce à ce brassage d’identités ; se repli ethnocentrique n’est-il pas une porte béante ouverte sur l’extrémisme, un recul, une involution et non une évolution ? (...) Chacun sait pourtant que les grands criminels, les grands trafiquants, dealers, fraudeurs et pilleurs ne se trouvent pas dans les banlieues ni dans les mosquées. Mais le projecteur est braqué à ces endroits pour que nos sociétés continuent de s’enfoncer inexorablement dans la corruption et que les coupables ne soient jamais inquiétés. (...) Sans parler du post-colonialisme, la France a bien usé de ces travailleurs issus de l"immigration. Ils permettent encore de maintenir des salaires bas, de créer un chômage indispensable pour les profits générés par les grandes entreprises, ils servent de boucs-émissaires pour voter des lois de plus en plus sécuritaires et liberticides et à faire croire aux classes intermédiaires qu’elles sont encore privilégiées. » (5)

D’où vient cet acharnement antimusulman, cette islamophobie qui connaît un regain ? Il faut, d’après Samuel Vasquez, déconstruire le mot Islamophobie qui est devenu un mot « valise » une éponge, un fourre-tout bien pratique et qui permet de donner corps à tous les amalgames et à toutes les haines. Ecoutons-le : « (...) De Riposte laïque au Bloc Identitaire, les préjugés nourris envers la religion musulmane sont drapés des plus belles toges républicaines, de la défense de l’égalité homme-femme en passant à celle de la laïcité ; pour autant, ces subterfuges ne sauraient dissimuler le fond des discours, à savoir une lente mais sûre dégénérescence de la critique de l’Islam vers une stigmatisation de ses pratiquants. Ainsi, l’islamophobie apparaît être un concept suffisamment malléable à tout type d’extrémisme pour qu’il soit justifié de le récuser. » (6)

Le nouveau débat concernant l’Islam, faut-il le préciser, a redémarré en octobre 2010 avec le constat d’Angela Merkel puis en février avec David Cameron et Sarkozy sur l’échec du multiculturalisme « Il est légitime écrit Michel Wieviorka et souhaitable qu’un chef d’Etat s’en prenne au terrorisme, à la violence, agisse pour mettre fin à la domination des groupes et de leurs leaders sur les individus relevant de minorités, à commencer par les femmes. Mais imputer ces maux au multiculturalisme, c’est en faire un bouc émissaire trop commode, ou, au mieux, ne s’intéresser qu’aux dérives des modèles qu’il promeut, et non à ces modèles eux-mêmes. Que signifie l’injonction de l’intégration des immigrés ? La critique du multiculturalisme par les droites et les extrêmes droites comporte une dimension qui mérite d’être soulignée : elle va de pair avec l’appel à l’intégration des immigrés. Cet appel est toujours présenté comme une nécessité pour la nation, pour la société dans son ensemble, et jamais du point de vue des immigrés. » (7)

Brassage d’identités

« Nicolas Sarkozy semble renouer, écrivent Samuel Laurent et Alexandre Picquart du Monde, avec les accents de sa campagne de 2007, où il avait déjà joué sur les symboles pour séduire l’électorat catholique, mais aussi les tenants d’une certaine forme de républicanisme. "L’héritage de civilisation" chrétienne évoqué au Puy était déjà présent dans un discours de campagne prononcé à Metz fin 2006. Sarkozy y invoque deux icônes de la droite nationaliste, Jeanne d’Arc et l’avocat du "culte du moi", Maurice Barrès, avant de revendiquer "deux mille ans d’héritage de civilisation chrétienne". On se souvient aussi du premier déplacement du candidat après son investiture, au Mont-Saint-Michel, ou de son discours du Latran, en 2008, sur la "laïcité positive". En janvier 2010, Sarkozy a de nouveau réutilisé les propos de Lévi-Strauss sur l’identité et la diversité lors d’un colloque organisé par Eric Besson, chargé du débat sur l’identité nationale. » (8)

Résultat des courses : Les sondages donnent Marine Le Pen en tête au premier tour et gagnante au deuxième tour des élections présidentielles. Ce sera une réédition de 2002 ! On l’aura compris, dans la nouvelle configuration qui se dessine de ce futur débat voulu par l’UMP l’Islam servira encore une fois, de repoussoir pour des considérations électorales et le musulman, même avec une foi incolore, devra continuellement donner des preuves de son rejet de sa foi pour pouvoir survivre. Il arrivera un jour prochain où le racisme antimusulman servira d’exutoire à une mal-vie dont les racines sont ailleurs. Les Européens de confession musulmane se doivent d’être exemplaires et montrer que ce sont des citoyens à part entière qui respectent les lois de la République qui doit montrer sa forte volonté d’intégration en combattant l’intolérance et les discriminations.

Que l’on ne s’y trompe pas ! Les ennemis des Français d’en bas ne sont pas les étrangers, les mélanodermes et les musulmans qui, les premiers, servent de variables d’ajustement en temps de crise ou à la veille d’élection. C’est justement, la crise générée par un libéralisme sauvage, une mondialisation-laminoir qui ne fait pas de places aux plus faibles qui rend ces derniers sensibles à la diversion du discours de la haine. Nous ne pouvons qu’appeler à une tolérance de la fille ainée de l’Eglise envers ces Français musulmans scories de l’histoire qui ne demandent qu’à vivre à l’ombre de la laïcité et des lois de la République.

Pr Chems Eddine CHITOUR
Ecole Polytechnique enp-edu.dz

1. http://www.basile-y.com/historiettes/ h13.html

2. Nicolas Sarkozy vante l’héritage de la chrétienté. Le Point.fr 03/03/2011

3. Le débat sur l’islam est « désastreux », Devedjian. LeMonde.fr avec AFP | 23.02.11

4. C.W. Ce pour quoi la laïcité, justement, avait été inventée. Le catho-laïcisme selon Sarkozy site Nouvel Obs. 3.03.2011

5. Diatala : Débat Sur l’Islam : bien secouer avant de s’en servir. Site Oulala:3 mars 2011

6. S.Vasquez : http://www.legrandsoir. info/L-islamophobie-un-concept-a-deconstruire. Html

7. Michel Wieviorka http://www. rue89.com/wieviorka/2011/02/12/quand-la-gauche-va-t-elle-defendre-le-multiculturalisme-190273

8. Samuel Laurent, Alexandre Piquard « Héritage chrétien de la France » LeMonde.fr 03.03.11

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