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Israël/Palestine à Madrid : « La solution des deux états est morte, un seul état pour tous ».


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« Solution unique en Palestine : un seul état pour tous »


Il manifesto, jeudi 5 juillet 2007, Madrid.


Repartir de Madrid, mais en changeant de cap. Si en 91, s’étaient déroulées dans la capitale espagnole des rencontres entre l’OLP et les leaders israéliens qui devaient conduire à la naissance d’un état palestinien, aujourd’hui (début juillet 2007, NDT) des universitaires et intellectuels s’y retrouvent pour relancer dans l’agenda politique le débat sur un état binational, une entité unique à l’intérieur de laquelle israéliens, palestiniens, juifs, arabes et chrétiens, auraient les mêmes droits de citoyenneté.

Organisé par la Universidad Nò mada, le cours « Palestine /Israël, un pays , un état » accueille la participation, entre autres, de l’historien Ilan Pappé, de la sud-africaine Virginia Tilley (sciences politiques) et d’Omar Barghouti, promoteur de la campagne palestinienne pour le boycott universitaire et culturel d’Israël. Nous en parlons avec Ali Abunimah, palestino étasunien et auteur de « One country », publié en anglais chez Metropolitan Books.



Quelle est l’idée de base de votre « état unique » ?

L’état unique est une vieille proposition de l’OLP mais aussi de certains membres du mouvement sioniste avant la naissance d’Israël, comme le philosophe Martin Buber et l’ex-président de l’université hébraïque Judah Magnes. La nouveauté aujourd’hui se trouve dans la nécessité de remettre cette proposition au coeur de l’agenda politique. La réalité sur le terrain rend impossible le fonctionnement d’un état palestinien. En même temps, l’idée d’un état ethnique n’est plus soutenable : à 60 années de la naissance de l’état d’Israël, l’Etat juif a échoué à la fois à obtenir une légitimation de la part de sa population - je fais référence aux Palestiniens qu’il occupe et à ceux de l’intérieur des frontières d’état, qui représentent ensemble environ la moitié des habitants et deviendront rapidement la majorité des habitants - et à arrêter la résistance palestinienne. En outre, il est inacceptable moralement que dans un état les droits de citoyenneté dépendent de l’ethnie ou de la religion.


Vous parlez de nombreux éléments communs avec l’expérience irlandaise ...

Là aussi, tout a commencé avec une démarche coloniale qui a pris des caractères ethniques et religieux. L’Irlande du Nord a été créée en 1921 comme une partition de l’Irlande exactement pour créer un territoire où les protestants unionistes -qui étaient minoritaires dans toute l’île- représentent la majorité. Créer une majorité artificielle dans une partie de l’Irlande pour justifier et perpétuer le pouvoir de l’occupant. C’est à cela que nous assistons en Israël : la tentative de définir un état territorial où les juifs soient majoritaires.


Croyez-vous que les Israéliens soient prêts à accepter de diviser le pouvoir avec les Palestiniens ?

Il y a deux étapes à dépasser pour arriver à cette conscience. Primo : reconnaître ses difficultés à garder le pouvoir. Deuxièmement : il est nécessaire d’accepter de partager avec la contrepartie. Les Israéliens ne sont en aucune manière prêts à ce dernier passage mais ils admettent qu’ils ont un problème de légitimation dans l’exercice du pouvoir et de sa conservation. C’est ce qu’on entend quand Tel Aviv parle de « menace démographique ». Un discours raciste : les palestiniens sont en train de devenir majoritaires, donc nous devons nous séparer pour garder l’état juif. Mais il s’agit en même temps de la reconnaissance qu’un état où le pouvoir est dans les mains de la minorité est illégitime. Et ils sont donc en train d’essayer de créer une situation -exactement comme les bantoustans sud-africains- où apparemment Israël ne gouverne pas les Palestiniens, dans lequel ceux-ci auraient un état « fantoche » sans pouvoirs et qu’ils n’aient ainsi pas de droits à demander à Israël.


A quel niveau de maturation en est ce débat chez les Palestiniens ?

Il s’élargit beaucoup, à la fois chez ceux qui vivent en Israël et ceux qui sont en Cisjordanie et à Gaza. Même les sondages de ces dernières années le montrent, entre 1/4 et 1/3 des Palestiniens de Cisjordanie et Gaza sont pour cette solution. Fait extraordinaire si on pense qu’aucun parti palestinien n’en fait la publicité. Dans le mouvement de solidarité international, pour qui le slogan des deux états est un mantra, en commence à prendre en considération l’état unique.


Et que faits-vous du Hamas, qui vise un état islamique ?

Le Hamas a pris beaucoup de distance avec son idéologie d’origine et n’a plus comme objectif un état islamique ; il n’est plus une simple émanation des Frères musulmans égyptiens. Il s’agit d’un mouvement en perpétuel changement, qui incorpore certains principes libéraux, comme le montre la déclaration en faveur de la liberté de la presse faite à l’occasion de la libération du reporter de la BBC Alan Johnston.

Michelangelo Cocco


 Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio




« La solution des deux états est morte »


Il manifesto, samedi 7 juillet 2007.


« Palestine/Israël, un pays, un Etat » s’est conclus hier (6 juillet) à Madrid, par l’approbation d’un document dont les promoteurs - dont l’historien Ilan Pappé, des universitaires et militants étasuniens, sud-africains, israéliens et palestiniens- s’engagent à mettre au point la solution d’un état démocratique comme issue unique et urgente à l’impasse des négociations que la question palestinienne vit depuis des années. Nous en parlons avec une des rédactrices, Leila Farsakh, enseignante en Sciences politiques à l’Université du Massachusetts (Boston), et auteur de « Independence, cantons or bantoustans. Whiter the palestinian state ? » et d’une série de publications sur l’économie israélo-palestinienne.



Vous avez déclaré que le nationalisme palestinien est mort.

Je n’ai pas dit cela. Je dis que la bataille de notre peuple pour obtenir un état indépendant est finie. Nous devons repartir avec la résistance à l’occupation et au colonialisme, mais en formulant une nouvelle stratégie qui se fonde sur le concept de citoyenneté, et non plus ancrée sur l’idée de partition de la Palestine historique. Quarante ans de lutte -depuis l’occupation des territoires en 1967- méritent peut-être un état qui serait autre chose qu’un ensemble de bantoustans en territoire israélien, sans continuité territoriale ?


Quelle est la différence entre état binational et état unique ?

Dans l’état binational les groupes (ici israélien et arabe) conservent une série d’institutions, par exemple le système éducatif, séparées. Séparées et garanties par la constitution. Par état unique on entend au contraire un état laïque et démocratique dans lequel aucune identité particulière n’est protégée par la loi. Reconnaître que l’état n’est pas homogène, mais mettre au centre du discours le citoyen, pas les ethnies. Chez ceux, comme nous, qui considèrent désormais comme impossible la partition de la Palestine, il y a encore des divergences sur lequel de ces deux modèles, ou leurs variantes, serait le plus opportun d’adopter.


La perspective d’un état unique ne vous semble-t-elle pas très lointaine ?

La réalité territoriale, économique et démographique de la Palestine montre que nous n’avons jamais été aussi proches de l’état unique. Le territoire de la Cisjordanie n’a jamais été aussi fragmenté, les bantoustans sont de fait déjà là , les Palestiniens dépendent d’Israël pour leurs déplacements, ils n’ont aucune souveraineté sur la terre. La force de travail de la West Bank dépend de l’état occupant. Et d’un point de vue démographique nous en sommes quasiment à la parité avec les Israéliens. D’ici 5 ans, les Palestiniens seront majoritaires. Les deux états sont morts, il faudra au moins une génération pour réaliser l’état unique, mais il n’y a pas d’alternative.


Et si au contraire ceux que vous appelez les bantoustans fonctionnaient ?

Israël ne voulait pas créer la politique d’apartheid à laquelle nous sommes arrivés maintenant, il visait le transfert (l’expulsion, NDR) des Palestiniens. Il l’a en partie réalisé avec la guerre de 1948, mais en 1967 il a occupé la terre palestinienne et en a exploité la force de travail, sans par ailleurs l’annexer. Les bantoustans à quoi on est arrivé ne peuvent pas durer : la politique des permis de travail pour les Palestiniens est insoutenable, tout comme le financement, par l’Union européenne, de centaines de millions d’euros par an pour les salaires de l’Autorité palestinienne, que l’état d’Israël, en tant qu’occupant, devrait prendre à son compte sur la base de ce qui est prévu par le droit international.


Oui, mais ces éléments là sont objectifs. Et les éléments subjectifs, à commencer par Israël où la très grande majorité des partis est sioniste, qu’indiquent-ils ?

Ils sont rivés à la vision de deux états. Et Israël. La direction palestinienne -que ce soit pour une nécessité de durer, ou par fidélité à la stratégie de ces 40 dernières années - est aussi ancrée sur les deux états. Ce qui me préoccupe le plus c’est la dimension internationale : depuis la résolution 181 des Nations Unies, la vision dominante a de fait été celle de la partition de la Palestine historique. Et, pour la première fois, dans le discours du Jardin des roses de la Maison Blanche (2003) le président Bush a parlé de nécessité de l’Etat palestinien, avec des frontières provisoires, en essayant de cette façon de légitimer les bantoustans.


Peut-on faire abstraction de ce contexte international ?

Ce cours conférence représente le premier pas pour l’élaboration de stratégies politiques et universitaires. Il s’agit d’expliquer au monde que l’idée de deux états est morte. La prochaine étape sera une rencontre beaucoup plus importante, auquel nous sommes en train de travailler, qui se tiendra dans quelques mois dans une capitale européenne. C’est la précipitation des événements sur le terrain qui nous aidera. L’Occident, avec le dit « front modéré » Egypte-Jordanie, est en train d’accélérer pour la proclamation de l’Etat palestinien fantoche, dont il compte déclarer les frontières provisoires dans quelques mois. Mais il s’agira de quelque chose, qui se réfère à la réalité qui s’est créée sur le terrain, que ni le président Abu Mazen ni aucun palestinien ne pourra jamais accepter. C’est là que les jeux vont se rouvrir. Et que « notre » proposition entrera en jeu.

Michelangelo Cocco


 Source : il manifesto www.ilmanifesto.it

 Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio




Palestine/Israël : Un Pays, Un Etat.
Communiqué de presse.


El Escorial, 6 juillet 2007.


Pendant des décennies les efforts pour arriver à une paix juste pour les Palestiniens et les Israéliens ont échoué. La crise en cours a éloigné ultérieurement les espoirs pour une solution politique du conflit.

Dans ce contexte un groupe d’universitaires, de journalistes et de militants se sont rencontrés à Madrid pour examiner, pendant cinq jours d’intenses discussions, des alternatives à l’impasse actuelle, dans le cadre de leur conviction qu’un état démocratique sur toute la Palestine historique est la seule base, morale et politique, pour une paix juste et durable.

Les interventions ont été marquées par la conviction que la tentative de diviser la Palestine historique, considérée par les plus grandes puisssances comme une solution du conflit, a échoué à assurer justice et paix et à offrir un véritable processus qui puisse aller dans cette direction. Il a été affirmé que l’approche "two-states" encourage la séparation là où au contraire l’égalité et la coexistence sont impératives. Les participants ont décrit l’approche "two-states" comme désastreuse pour prendre en considération les réalités physiques et politiques sur le terrain, et hypothiser une fausse parité dans les revendications morales et de pouvoir entre les deux peuples.

Les discussions ont abordé de nombreux autres sujets parmi lesquels les formes de domination qu’Israël exerce sur les Palestiniens et les pratiques racistes que cela comporte, comme l’épuration ethnique, les formes d’apartheid, un système juridique en Israël fondé sur la discrimination ethnique, et le refus du droit au retour pour les réfugiés, comme aussi la définition des droits des juifs israéliens. Les discussions ont pris en considération les voies pour reformuler la question en termes de lutte pour l’égalité et la justice, pour une citoyenneté égale pour tous les peuples sur cette terre, et la décolonisation. Les participants ont discuté des interprétations du droit international, de la nature du conflit, du sionisme, du rôle de la religion, et comment re-imaginer les identités nationales.

Au cours des discussions, actions et recherches, de nombreux problèmes ont été abordés, dont les formes de la solidarité interne et internationale avec les Palestiniens (tels que boycott, désinvestissement et sanctions), les leçons d’autres conflits structurés similaires, comme ceux de l’Afrique du Sud et de l’Irlande du Nord, la réflexion pour repenser les relations entre états et citoyens, et comment organiser une société, après la fin du conflit, qui soit en mesure d’assurer une vie digne et sûre aux Palestiniens et aux juifs israéliens.

Les participants ont partagé l’engagement d’affronter en profondeur chacun de ces problèmes, dans le contexte de leur engagement pour une solution démocratique qui offre une paix juste et durable dans un seul état, et invitent à la plus ample participation possible dans cette recherche.


Les promoteurs de cette conférence ont été :

Ali Abunimah, Omar Barghouti, Oren Ben-Dor, George Bisharat, Haim Bresheeth, Pedro Chavez Giraldo, Jonathan Cook, Leila Farsakh, Steven Friedman, Islah Jad, Joseph Massad, IIan Pappé, Carlos Prieto Del Campo, Nadim Rouhana , Michael Tarazi, Virginia Tilley.


 Traduit de la version italienne par Marie Ange Patrizio.




Ilan Pappé : je quitte Israël, par Michele Giogio.


La crise de Gaza et la faillite du nationalisme palestinien, par WSWS.

Israël : voyage en terre promise. Promise pour qui ? par Pierre Stambul.

Palestine : diviser pour régner, dans le style israélien, par Jonathan Cook.






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"Lorsque les missionnaires chrétiens blancs sont allés en Afrique, les blancs possédaient des bibles et les indigènes possédaient la terre. Lorsque les missionnaires se sont retirés, ce sont les blancs qui possédaient la terre et les indigènes les bibles."

Dick Gregory (1932-2017)

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