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Éric le brun

Les époques noires ont leurs serviteurs volontaires. L’actuel ministre français de l’Immigration et de l’Identité Nationale est de ceux-là sans l’ombre d’un doute. Il ne fait non plus aucun doute que l’Europe entre aujourd’hui de nouveau dans une des périodes les plus sombres de son Histoire moderne. Il se pourrait bien que sur cette pente inexorable vers l’abîme les évènements du vendredi 8 janvier dernier à Rosarno marquent une étape décisive. M. Eric Besson est l’un des plus ardents partisans de « l’Europe forteresse » et de ses conséquences funestes pleinement assumées. En même temps, il est l’une des figures les plus emblématiques de la crise morale et politique que traverse l’Europe - et en particulier la France - depuis deux décennies.

Qui peut décemment nier que « la bête immonde » est de nouveau bien vivante en des endroits du « vieux continent » de plus en plus nombreux ? Non contentes d’être déjà impuissantes à porter remède à la crise économique, les classes politiques européennes jouent dangereusement avec le penchant populaire consistant à accuser l’étranger pauvre de tous les maux. Elles ne le font pas toutes au dernier degré mais toutes le font. On a commencé par affirmer qu’il existait en nos sociétés éminemment démocratiques des profiteurs. Des riches s’enrichissant sur le dos courbé des pauvres ? Que nenni ! Des pauvres privés d’emploi prétendument responsables de leur inactivité, négligeant de se lever tôt comme les gens honnêtes et courageux, osant pourtant se servir des protections de l’État social en perte de vitesse programmée. Une fois que les opinions publiques sofressement et chazalement influençables sont majoritairement convaincues que la société entretient une foule de profiteurs, le discours sur le Profiteur venu d’on ne sait où passe comme une lettre à la poste. Sans effort, on affirme ensuite que l’identité nationale est en péril et qu’il est urgent et vital d’en débattre. Il faudrait pourtant se souvenir d’un ancien appel à l’idée d’espace vital. C’était un autre avatar de notre Histoire. C’était déjà en Europe. L’issue en fut fatale pour des millions d’hommes, de femmes et d’enfants.

M. Besson épouse consciencieusement son époque, au prix du mensonge et de la malhonnêteté. Mais pas au prix du renoncement d’idées premières comme certains observateurs mal avisés le supposent en référence à son ancienne appartenance au Parti Socialiste. Cet homme n’a renoncé à rien. Il n’a jamais été généreux. Il attendait son heure. Elle est enfin venue. Ce qui est troublant dans sa parenthèse « socialiste », c’est qu’on le laissa faire, se construire une personnalité grâce à des fonctions respectables au sein du deuxième parti de France. Il y était l’un des économistes en chef, en charge de l’importante question de l’emploi. Et personne n’aurait rien remarqué de sa posture plus que droitière ? Un parti franchement ancré à gauche n’aurait assurément pas laissé passer ça. C’est bien qu’il y avait là des identités de vues sur des sujets essentiels. Ainsi naît et prospère une crise morale, par contagion des idées sales et affaiblissement progressif des capacités à y résister. C’est d’abord à l’aune de l’indifférence au chômage et à la souffrance au travail que le tribunal de l’Histoire jugera un jour ces hommes-là pour comprendre comment ils purent dans une Europe potentiellement riche établir un tri mortifère entre des êtres humains.

Un jour du début de l’année 2010 vint Rosarno. Dans cette ville de Calabre où la "Ndrangheta, la plus sanglante des mafias italiennes, organise la totalité du travail au noir de l’agriculture, la population autochtone s’est déchaînée contre des travailleurs immigrés ayant osé se rebeller contre leur sort misérable. Cette chasse à l’étranger a fait des dizaines de blessés parmi les immigrés. Des centaines d’autres ont fui la région avant que Roberto Maroni, le Ministre de l’Intérieur issu de l’extrémiste Ligue du Nord, annonce l’expulsion des travailleurs étrangers impliqués dans les évènements. Payés vingt euros par jour pour douze ou quatorze heures de travail à récolter les agrumes, ce sont eux que l’on désigne comme les coupables. Bien sûr, la plupart des Italiens sont traumatisés par l’affaire. Certes, Benoît 16 a protesté. Mais, cette affaire dépasse de loin la Calabre, elle concerne tous les Européens. Sur fond de délitement social généralisé, on n’osera pas mettre sa main au feu que cela ne puisse se produire ailleurs demain. Chez nous, les travailleurs sans papiers surexploités sont pour l’instant plus que dociles. Qu’il leur prenne la mauvaise idée de perdre leur calme… M. Besson saura leur rappeler que les lois de la République que le patronat ne respecte que trop peu ne sauraient être transgressées par des individus que la France ne fait que tolérer sur son sol.

Le débat officiel sur l’identité nationale orchestré depuis deux mois par M. Besson a libéré la parole, souvent pour le pire des discours. Le risque est grand désormais que la parole ne suffise plus aux franges de la population « blanche » les plus promptes à châtier les coupables qui leur sont désignés.

Yann Fiévet

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Jay Taylor, responsable de la section des intérêts américains à Cuba entre 1987 et 1990, in "Playing into Castro’s hands", the Guardian, Londres, 9 août 1994.

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