A partir de l’Afrique du Sud, le 29 juin, il déclare : "à l’évidence, nous suivons la situation avec inquiétude". Il n’en dit pas plus, d’après ce qui a été rapporté de sa conférence de presse. Jusque-là, il n’y a rien à dire, il a le droit d’être inquiet et nous savons pourquoi. Les Frères musulmans sont en mauvaise posture et les Egyptiens, par dizaines de millions, en ont contre Mohamed Morsi pour son allégeance obséquieuse aux desiderata de Washington.
Le 29, c’est aussi la veille de la manifestation annoncée, dont tout le monde prédisait qu’elle serait grandiose. Et elle le fut, phénoménale et unique dans l’Histoire de l’Humanité, par son ampleur. Le 30 juin ce sont entre 20 et trente trois millions de personnes qui sont sorties dirent leur hostilité au bradage de leur pays, dans des slogans sans équivoques aucune.
L’Egypte ne devrait obéir qu’à elle-même dans la gestion de ses affaires. Le Frère président est fustigé pour sa rupture des relations avec la Syrie et pour ses bassesses à l’égard des puissances occidentales et des monarchies du Golfe. Devant ce cauchemar éveillé, Barak Obama voit crouler le sol sous ses pieds. Il devient moins loquace, mais ses mots trahissent la panique qui prévaut à la Maison-Blanche où l’on doit s’écharper à propos du choix de soutenir les Frères, que certains voyaient comme de mauvais chevaux. "On ne peut pas parler de manifestation pacifique quand il y a des agressions contre des femmes", bredouille le Potus arrivé en Tanzanie, en brodant sur un mensonge, alors qu’il avait pris fait et cause pour les très violentes manifestations qui ont fait déboulonner Hosni Moubarak. Celles-là ne l’agréent pas, elles compromettent mortellement le travail accompli, depuis que Hillary Clinton, son ex-chef de la diplomatie, est partie se faire filmer sur la place Tahrir.
Il a tout tenté pourtant. Il a envoyé John Kerry, son nouveau responsable du département d’État, faire peur aux contestataires, il a fait donner de la voix à son ambassadrice au Caire, sans autres résultats que de les exaspérer, en leur confirmant la nature de supplétifs des Frères. Pis, il a exacerbé le patriotisme égyptien, renforcé le sentiment anti-étatsunien et provoqué la réminiscence du fier passé de l’Egypte, quand Gamal Abdenasser défiait l’OTAN. Dernière cartouche, il appelle "toutes les parties doivent faire preuve de retenue", avec la tenace illusion de compter, tout en faisant faire un communiqué à Kerry, où il rappelle que "Morsi est le président démocratiquement élu et le reste jusqu’à présent". Ceci en réponse à un ultimatum des Forces armées qui donnent 48h au Frère raïs pour répondre au "dégage" du peuple. Très peu de chance que le message passe, même auprès de l’armée pour laquelle ses accointances avec les Étatsuniens doivent peser beaucoup moins lourd que le péril qui la guette à demeure.
On dit, enfin, que les lignes téléphoniques sont saturées entre le Caire, Washington et Tel-Aviv. Il se concocte certainement une "sortie de crise" sur fond d’entourloupe qui a de forte chance de compliquer la situation, tant les Egyptiens ont atteint un niveau de conscience inégalé. A l’heure où s’écrivent ces lignes, les Frères ne désarment pas et crient au complot contre l’Islam, ce qui a peut-être quelque chose à voir avec quelque assurance donnée par Obama. Ils devront pourtant très vite se faire à l’idée qu’ils ont perdu leur aura et plus encore.