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Démocratie Impériale Instantanée... (2eme partie)

(IIeme Partie)

Lors d’une mise au point avec la presse avant l’invasion de l’Irak, le
Général Tommy Franks annonça, "cette campagne ne ressemblera à aucune autre
de toute l’histoire". Il a sûrement raison.

Cela dit, je ne suis pas une spécialiste des affaires militaires, mais quand
est-ce qu’on a déjà vu une guerre similaire à celle-ci ?

Après avoir eu recours aux "bons offices" de la diplomatie Onusienne (les
sanctions économiques et les inspecteurs) afin de s’assurer que l’Irak était
à genoux, son peuple affamé, un demi-million d’enfants morts, son
infrastructure sévèrement endommagée, après s’être assuré que la plupart des
armes avaient été détruites, et dans un acte de lâcheté certainement sans
pareille dans l’histoire, la ’coalition’ envoya une armée d’invasion !

Opération "liberté pour l’Irak" ? Je ne crois pas. Ce serait plutôt
"opération faisons la course mais permettez-moi d’abord de vous briser les
genoux".

Dès le début de la guerre, les gouvernements de France, d’Allemagne et de
Russie, qui avaient refusé la résolution finale qui devait légitimer la
guerre au Conseil de Sécurité de l’ONU, se sont précipités pour clamer haut
et fort combien ils souhaitaient la victoire des Etats-Unis. Le Président
Jacques Chirac offrit l’espace aérien français aux forces aériennes
anglo-américaines. Les bases militaires US en Allemagne ont été ouvertes
pour faire leurs affaires. Le ministre des affaires étrangères allemand,
Joschka Fischer, a publiquement souhaité "l’effondrement rapide" du régime
de Saddam Hussein. Vladimir Poutine fit de même. Voici des gouvernements qui
ont participé au désarmement forcé de l’Irak avant de se précipiter aux
côtés de ceux qui l’ont attaqué. A part le fait qu’ils espéraient obtenir
une part du gâteau, ils espéraient aussi que l’Empire honorerait les
contrats pétroliers contractés avec l’Irak avant la guerre. Seuls le naïfs
sont surpris de constater que les Impérialistes se comportent d’une autre
manière.

Sans parler des effets de manches gratuits et les discours chargés de
moralité prononcés à l’ONU pendant la phase de préparation à la guerre, au
moment de la crise, les gouvernements occidentaux ont fini par se ressouder
et ce malgré l’opposition écrasante de leurs opinions publiques.

Lorsque le gouvernement turque céda temporairement devant 90 pour cent de
son opinion publique, et déclina l’offre états-unienne de plusieurs
milliards de dollars tachés de sang en échange d’une mise à disposition du
territoire turc, il fut accusé de manquements aux "principes démocratiques".
Selon un sondage international effectué par Gallup, il n’y avait pas un seul
pays européen où le soutien à la "guerre unilatérale des Etats-Unis et de
ses alliés" dépassait les 11 pour cent. Mais les gouvernements de la
Grande-Bretagne, de l’Italie, de l’Espagne, de la Hongrie et d’autres pays
de l’Europe de l’est ont été félicités pour avoir ignoré l’opinion de la
majorité de leurs peuples et en soutenant l’invasion. Ce qui apparemment ne
constitue pas un manquement aux principes démocratiques. Comment
appellent-ils cela ? La Nouvelle Démocratie ? (comme la Nouvelle Gauche
britannique ?).

Contrastant avec la vénalité affichée par leurs gouvernements, le 15
février, plusieurs semaines avant l’invasion, dans la plus spectaculaire
démonstration de moralité publique que le monde ait jamais vue, plus de 10
millions de personnes sur les cinq continents ont manifesté contre la
guerre. Beaucoup d’entre vous, j’en suis certaine, y étaient.

Ils-nous-vous ont été ignorés avec un dédain total. Lorsqu’on lui demanda un
commentaire sur les manifestations anti-guerre, le Président Bush a déclaré
"c’est comme si on décidait, et bien, comme si je devais prendre des
décisions en fonction d’un groupuscule. Le rôle d’un dirigeant est de
décider d’une politique basée sur la sécurité, en l’occurrence la sécurité
du peuple."

La démocratie, la vache sacrée des temps modernes, est en crise. Et cette
crise est profonde. Toutes les formes d’outrages sont commises au nom de la
démocratie. Le mot sonne creux, une coquille vide, vidée de son contenu et
de son sens. La démocratie peut être ce que vous voulez qu’elle soit. La
Démocratie est la putain du Monde Libre, prête à s’habiller, à se
déshabiller, prête à satisfaire toute une variété de demandes, à être usée
et abusée selon leur bon vouloir.

Encore récemment, jusqu’aux années 80, la démocratie semblait pouvoir
aboutir à une véritable justice sociale.

Mais les démocraties modernes existent depuis suffisamment longtemps
maintenant pour que les capitalistes néo-libéraux aient appris à les
subvertir. Ils ont maîtrisé les techniques pour infiltrer les instruments de
la démocratie, la justice "indépendante", la presse "libre", les parlements,
pour les adapter à leurs politiques. Le projet de globalisation des
multinationales révèle le code secret : les élections libres, une presse
libre et une justice indépendante ne signifient rien lorsque le marché libre
les réduit à des biens de consommation à vendre au plus offrant.

Pour bien comprendre à quel point la démocratie est attaquée, il serait
peut-être bon d’observer ce qui ce passe dans quelques unes de nos
démocraties modernes. La Plus Grande Démocratie du Monde : l’Inde, dont j’ai
déjà longuement parlé et que j’aborderai pas ce soir. La Démocratie la Plus
Intéressante : l’Afrique du Sud. La Démocratie la Plus Puissante : Les
Etats-Unis. Et, encore plus révélateur, les plans prévus pour la Démocratie
la Plus Récente : l’Irak.

En Afrique du Sud, après 300 ans de domination brutale sur la majorité noire
par la minorité blanche via le colonialisme et l’apartheid, une démocratie
non-raciale, pluripartite vit le jour en 1994. Ce fut un événement
considérable. Après deux ans de pouvoir, le Congrès National Africain
s’agenouilla devant le Dieu Tout Puissant du Marché. Ses programmes massifs
d’ajustements structurels, de privatisations et de libéralisation n’ont fait
qu’accroître les disparités entre riches et pauvres. Plus d’un millions de
personnes ont perdu leur emploi. La privatisation des services de base,
l’eau et le logement, au profit des multinationales a eu pour résultat que
10 millions de sud-africains se sont vus couper l’eau et l’électricité. Deux
millions ont été expulsés de leur maison.

Pendant ce temps, une petite minorité blanche qui a été historiquement
privilégiée par des siècles d’exploitation brutale se porte mieux que
jamais. Ils continuent de contrôler la terre, les fermes, les usines et les
ressources abondantes du pays. Pour eux, le passage de l’apartheid au
néo-libéralisme s’est déroulé sans heurts. C’est l’apartheid avec une
conscience tranquille. Et on appelle ça la Démocratie.

La Démocratie est devenue un euphémisme de l’Empire pour désigner le
capitalisme néo-libéral.

Dans les pays développés aussi l’appareil démocratique a été efficacement
subverti. Les politiciens, les barons des médias, les puissants lobbies des
multi-nationales et les officiels du gouvernement sont étroitement liés par
des relations subtiles et sophistiquées qui sapent totalement l’équilibre
des contre-pouvoirs entre la constitution, la justice, le parlement,
l’administration et, peut-être le plus important, les médias indépendants,
tout ce qui constitue les fondements d’une démocratie parlementaire. Et ces
relations sont de moins en moins subtiles et de moins en moins
sophistiquées.

Le premier ministre Italien, Silvio Berlusconi, par exemple, contrôle la
majorité des journaux italiens, des magazines, des télévisions et des
maisons d’édition. Le Financial Times a indiqué qu’il contrôlait environ 90
pour cent des téléspectateurs italiens. Récemment, au cours d’un procès sur
une affaire de corruption, tout en insistant qu’il était la seule personne
susceptible de sauver l’Italie de la gauche, il déclara "combien de temps
encore devrais-je supporter cette vie de sacrifices ?". Ce qui n’annonce
rien de bon pour les 10 pour cent de téléspectateurs qui restent. Quelle
Liberté d’Expression ? Liberté d’Expression pour qui ?

Aux Etats-Unis, les mécanismes sont plus complexes. La société Clear Channel
Worldwide Incorporated et le plus grand propriétaire de stations de radio du
pays. Elle contrôle 1.200 radios, qui représentent 9 pour cent du marché. Sa
direction a offert des centaines de milliers de dollars à la campagne
électorale de Bush. Lorsque des centaines de milliers de citoyens états-unis
manifestèrent pour protester contre la guerre en Irak, Clear Channel
organisa des "Rassemblements pour l’Amérique" patriotiques en soutien à la
guerre. Elle eut recours à ses stations de radio pour annoncer les
événements et envoya des correspondants pour les couvrir comme s’il
s’agissait d’un scoop. L’ère de la fabrication du consentement
["manufacturing consent" - cf Noam Chomsky - NDT] a cédé la place à l’ère de
la fabrication de l’information. Bientôt les rédactions feront tomber les
masques et commenceront à embaucher des directeurs de théâtre à la place des
journalistes.

Tandis que le monde du spectacle aux Etats-Unis devient de plus en plus
violent et guerrier, et que les guerres des Etats-Unis deviennent de plus en
plus un monde du spectacle, certains phénomènes intéressants de vases
communicants se produisent. L’artiste qui a conçu le décor de 250.000
dollars au Qatar, d’où le Général Franks dirigeait le spectacle de
l’information sur la guerre en Irak, travaille aussi pour Disney, MGM et
Good Morning America.

Ironiquement, aux Etats-Unis, où on trouve les plus farouches et vociférant
défenseurs de la Liberté d’Expression et, jusqu’à récemment, la législation
la plus sophistiquée pour la protéger, l’espace accordée à la liberté
d’expression a été sérieusement réduite. D’une manière étrange et indirecte,
les vociférations qui accompagnent la défense légale et conceptuelle de la
Liberté d’Expression aux Etats-Unis ne servent qu’à masquer le processus
d’érosion rapide des possibilités d’exercer cette même liberté d’expression.

L’industrie du divertissement et de l’information aux Etats-Unis est en
majorité contrôlée par quelques multinationales - AOL, Time Warner, Disney,
Viacom, News Corporation. Chacune de ces multinationales possède et contrôle
des chaînes de télévision, des studios de cinéma, des maisons de disques et
d’édition. Toutes les issues sont gardées.

L’empire médiatique des Etats-Unis est contrôler par une minuscule garde
rapprochée. Le Président de la Commission Fédérale des Communications,
Michael Powell, fils du secrétaire d’Etat Colin Powell, vient de proposer
une dérégulation encore plus grande de l’industrie de la communication, ce
qui aboutira à encore plus de concentrations.

Voici donc la Plus Grande Démocratie du Monde, dirigée par un homme qui n’a
même pas été légalement élu. La Cour Suprême des Etats-Unis lui fit cadeau
du poste. Quel en a été le prix à payer pour le peuple états-unien ?

Au cours des trois années de mandat de George Bush le Médiocre, l’économie
des Etats-Unis a perdu plus de 2 millions d’emplois. Des dépenses militaires
somptueuses, l’accumulation des richesses pour les multinationales et les
cadeaux fiscaux pour les riches ont crée une crise financière pour le
système éducatif des Etats-Unis. Selon une étude du National Council of
State Legislatures, les états des Etats-Unis ont procédé à des coupes
budgétaires de 49 milliards de dollars dans les services publics, santé,
sécurité sociale et éducation en 2002. Ils prévoient une nouvelle réduction
de 25.7 milliards de dollars pour cette année. Ce qui fait un total de 75
milliards de dollars. Le budget initial présenté par Bush devant le Congrès
pour financer la guerre en Irak s’élevait à 80 milliards de dollars.

Alors qui finance cette guerre ? Les états-uniens pauvres. Ses étudiants,
ses chômeurs, ses mères isolées, ses hôpitaux et les malades à domicile, ses
enseignants et ses travailleurs de la santé. Et qui combat dans cette guerre
 ?

Encore une fois, les pauvres des Etats-Unis. Les soldats qui cuisent dans le
désert Irakien ne sont pas des enfants de riches. De tous les élus du
Congrès, Représentants et Sénateurs confondus, un seul a un fils en Irak.
Les "volontaires" de l’armée états-unienne sont en fait des appelés de la
misère blanche, noire, latino et asiatique qui cherchent un moyen pour
subsister et avoir une éducation. Les statistiques fédérales indiquent que
les afro-américains composent 21 pour cent des forces armées et 29 pour cent
de l’armée états-unienne. Ils ne sont que 12 pour cent de la population.
Ironique, n’est-ce pas, cette sur-représentation des afro-américains dans
l’armée et les prisons ? Peut-être devrions nous regarder les choses du bon
côté et considérer qu’il s’agit là d’une manière extrêmement efficace de
promouvoir les minorités. Près de 4 millions d’états-uniens (soit 2 pour
cent de la population) ont perdu le droit de voter suite à des
condamnations. Parmi eux, 1.4 millions sont des afro-américains, ce qui
signifie que 13 pour cent de tous les noirs en age de voter se sont vus
retirer leur droit de vote.

Pour les afro-américains, il y a aussi la promotion des minorités dans la
mort. Une étude dirigée par l’économiste Amartya Sen montre que les
afro-américains ont une espérance de vie inférieure aux Chinois, ou à l’état
Indien du Kerala (d’où je viens), du Sri-Lanka ou du Costa-Rica. Les hommes
du Bengladesh ont plus de chances d’arriver à l’age de 40 ans que les
afro-américains de Harlem.

Cette année où Martin Luther King Jr aurait fêté son 74ème anniversaire, le
Président Bush dénonça les actions de l’université du Michigan en faveur des
minorités noires et latinos. Il a prononcé les mots de "division",
"injustice", et "anticonstitutionnelle". L’effort couronné de succès qui a
consisté à éloigner les noirs des listes électorales de l’état de la Floride
afin de faire élire George Bush n’était bien sûr ni injuste ni
anticonstitutionnel. Je suppose que ce n’est jamais le cas lorsqu’il s’agit
d’hommes blancs ayant fréquenté l’université de Yale.

A présent nous savons qui paie pour cette guerre. Nous savons qui combat
dans cette guerre. Mais qui en tirera les bénéfices ? Qui se présente pour
décrocher les contrats de reconstruction estimés à 100 milliards de dollars
 ? Serait-ce les pauvres des Etats-Unis, les chômeurs et les malades ?
Serait-ce les mères isolées des Etats-Unis ? Ou les minorités noires et
hispaniques des Etats-Unis ?

L’opération Liberté pour l’Irak, nous affirme George Bush, est destinée à 
rendre le pétrole Irakien au peuple Irakien. C’est-à -dire, rendre le pétrole
Irakien au peuple Irakien en passant par les multinationales, telles que
Bechtel, Chevron ou Halliburton.

Une fois de plus, nous avons affaire à un petit groupe de personnes qui ont
des liens étroits entre eux. Cette promiscuité, cette pollinisation croisée
est scandaleuse.

Ecoutez ceci : le Defense Policy Board est un groupe nommé par le
gouvernement et qui conseille le Pentagone pour sa politique de défense. Ses
membres sont désignés par le sous-secrétaire à la défense et approuvés par
Donald Rumsfeld. Ses réunions sont classées secret-défense. Aucune
information n’est communiquée au public.

L’organisation basée à Washington, "Center For Public Integrity", a
découvert que neuf des trente membres du Defense Policy Board sont liés aux
entreprises à qui ont été confiées les contrats militaires d’un montant de
76 milliards de dollars pour 2001 et 2002. Un d’entre eux, Jack Sheehan, un
général à la retraite, est vice-président de Bechtel, la gigantesque
multinationale. Riley Bechtel, président du groupe, est membre du Conseil à 
l’Exportation du Président. L’ancien secrétaire d’état George Shultz, qui
est aussi membre du conseil d’administration de Bechtel, est président du
conseil de la Commission pour la Libération de l’Irak. Le New York Times lui
demanda s’il était préoccupé par un éventuel conflit d’intérêts. Il répondit
"Je ne vois pas en quoi Bechtel pour profiter. Mais s’il y a un travail à 
faire, Bechtel est le genre de société qui en a les compétences."

Bechtel s’est vu accorder un contrat de 680 millions de dollars en Irak.
Selon le Center for Responsive Politics, Bechtel a contribué à la hauteur de
1.3 millions de dollars aux campagnes électorales des Républicains entre
1999 et 2000.

Traduction : CSP

The Outlook India Magazine 26 mai 2003

Texte de la conférence tenue à Harlem, New-York, le 13 Mai 2003

Démocratie Impériale Instantanée

Pour tout achat, une deuxième vous sera gracieusement offerte.

par Arundhati Roy

Source : CUBA SOLIDARITY PROJECT
http://viktor.dedaj.perso.neuf.fr/html/

"Lorsque les Etats-Unis sont venus chercher Cuba, nous n’avons rien dit,
nous n’étions pas Cubains."

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DE QUOI SARKOZY EST-IL LE NOM ?
Alain BADIOU
« Entre nous, ce n’est pas parce qu’un président est élu que, pour des gens d’expérience comme nous, il se passe quelque chose. » C’est dans ces termes - souverains - qu’Alain Badiou commente, auprès de son auditoire de l’École normale supérieure, les résultats d’une élection qui désorientent passablement celui-ci, s’ils ne le découragent pas. Autrement dit, une élection même présidentielle n’est plus en mesure de faire que quelque chose se passe - de constituer un événement (tout au plus (…)
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Toute manifestation à Cuba (ou à Miami, d’ailleurs) qui ne commence pas par "Abajo el bloqueo" (quoi qu’on dise ensuite) est une escroquerie ou une croisade de fous. Et brandir un drapeau états-unien à Cuba, c’est comme brandir un drapeau israélien à Gaza.

Viktor Dedaj

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