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Cuba : Sur la route du Malecón


La Havane, 16 février 2007.


« Pierre, un français rentrant de Cuba m’a envoyé un texte. Puisque tu vas là -bas, peux-tu en vérifier la véracité ? » me dit un ami. Soit ! On va en lire ici quelques extraits, précédés de « Touriste », suivis de mes réponses : « R ».


Touriste : A La Havane, nous étions logés dans une casa particular (sans licence d’ailleurs) a proximité de l’ambassade américaine et des "drapeaux noirs".On dit qu’ils servent a masquer les messages diffusés sur des écrans géants depuis l’ambassade. Toutes les routes permettant de passer en voiture pour lire ces messages sont barrées, et un grand nombre de policiers patrouille devant l’ambassade pour empêcher les cubains/touristes de s’en approcher. Ils nous ont forcés à circuler.

R. Cher Pierre, j’écris ces lignes de La Havane, logé dans une casa particular (déclarée au fisc) dont le balcon du 9 ème étage donne sur ce qu’on va appeler, pour faire court, « l’ambassade américaine » (c’est la Section des Intérêts Nord-Américains : SINA), laquelle est un grand bâtiment parallélépipédique. La façade, dont un étage supérieur est occupé par des messages lumineux défilants est perpendiculaire au Malecón (le boulevard qui longe la mer). Ces messages (politiques) ( N.d.l.r et hostiles au gouvernement cubain) ne sont guère visibles du tronçon du Malecón condamné par des barrières de travaux, mais bien du Malecón ouvert à la circulation dans le sens Vedado/Miramar et par une partie de La Havane. Je les vois très bien de mon immeuble. Quant aux drapeaux noirs, dire qu’ils cachent les immenses messages est aussi juste que de prétendre que dix chiures de mouches dans le coin de l’écran d’une télé censurent les émissions. Ils sont une réplique politique aux messages lumineux et symbolisent des victimes cubaines du terrorisme états-unien.


Ambassade US à La Havane. On aperçoit des drapeaux noirs à sa droite. Au fond, la mer.



Le deuxième jour de mon arrivée, pour aller à Miramar, j’ai pris un taxi qui a pesté contre les barrières obligeant à faire un détour. J’ai constaté QU’AUCUNE DES AUTRES ROUTES autour de l’ambassade n’était barrée. Le lendemain, j’ai décidé d’aller voir, à pied, s’il y avait ou pas des travaux. Surprise ! Le tronçon du Malecón était rouvert à la circulation. J’ai pu constater de mes yeux que la voie avait été goudronnée de frais. C"est bête, hein ?
Tout autour des grilles de l’ambassade, des policiers en faction (et non patrouillant), un tous les 20 ou 30 mètres.

De l’autre côté du Malecón, côté mer, en face de la façade la plus étroite et aveugle de l’ambassade, a été apposé un grand panneau figurant une affiche de cinéma annonçant la sortie d’un film : « Proximamente en las cortes norteamericanos » On y voit Bush avec des dents de vampire et ce titre : « EL ASASINO ». Le L est représenté par un pistolet, canon dressé. En dessous, le nom des acteurs : « Con Posada Cariles y George Bush » (Cariles est le terroriste réfugié aux USA qui fit exploser en vol un avion de ligne cubain). C’est de ce panneau-là qu’ont été privés des Habaneros avec les travaux.

Quand j’ai sorti mon appareil photo, un policier m’a fait signe de la main que je ne pouvais pas. Par signes (plusieurs voies de circulation nous séparant), je lui ai indiqué que je ne voulais pas photographier l’ambassade, mais le panneau. Il m’a donné son accord d’un hochement de tête.

Puis, j’ai fait tout le tour de l’ambassade, mais sans essayer de la longer côtés grilles (et encore moins de les escalader : c’est mon côté un peu couard). Toujours des policiers en faction. Je crois savoir que l’ambassade américaine à Paris et tous les bâtiments officiels « sensibles » sont aussi gardés. Ceux qui ne veulent pas voir à tout prix un Etat policier à Cuba, comprendront que les Cubains ne peuvent se permettre la moindre provocation contre ce bâtiment-là . Lequel, lui, provoque La Havane. ET J’AJOUTE QUE JE NE CONDAMNERAIS PAS CUBA SI ELLE PRETEXTAIT FAUSSEMENT DES TRAVAUX POUR RENDRE INOPERANTE UNE PROPAGANDE AGRESSIVE ET HOSTILE QU’ON NE TROUVE SOUS CETTE FORME DANS AUCUNE AUTRE AMBASSADE AU MONDE. EN PRINCIPE, CE SONT DES LIEUX DE DI-PLO-MA-TIE.


Touriste : Les explications des chauffeurs de taxis étaient toutes différentes : rénovation de la route, danger dû aux vagues de l’océan, sécurité de l’ambassade. Un seul nous a explique (à demis mots) que le "Mitterrand cubain" ne voulait pas que les messages de l’ambassade soient lus. En fait, les cubains ne parlent jamais spontanément de Fidel Castro.

R. Et c’est le quatrième, cher Pierre, que vous avez « spontanément » cru, celui qui accusait. Il eut fallu, cher monsieur, aller y voir à pied. La route était barrée aux automobilistes, pas aux piétons, si ?

Dire que les Cubains ne parlent jamais de Castro est faux. J’en discute avec eux.
Le 8 février, lors de la soirée inaugurale de la gigantesque foire du livre, quand Abel Prieto, le jeune (et chevelu) ministre de la Culture a évoqué dans son discours « nuestro querido Fidel », des applaudissements ont jailli de la foule, si longs qu’il a dû renoncer à plusieurs reprises à reprendre sa phrase. Et il n’y avait pas de policier dans le dos de chacun des invités. Mieux, quand, trouvant que cinq mètres de distance c’était trop pour réussir une bonne photo de Raúl Castro, j’ai voulu aller jusqu’à lui, un agent de sécurité en polo, armé d’un redoutable badge en carton épinglé sur sa poitrine, m’a gentiment dit de ne plus approcher. J’en déduis que l’économie est en telle faillite qu’ils ne peuvent même pas se payer des uniformes bleus, des matraques, des rangers, des chiens dressés et des vigiles aux mâchoires carrées et aux chevalières de même forme. J’en ris encore : la sécurité du dirigeant N° 1 est assurée par des mous du biceps, incapables de me jeter à terre et de me menotter dans le dos après avoir piétiné mon appareil numérique et en me savatant le pif au passage.


Touriste : Les Cubains veulent-ils tuer Fidel Castro ? Aucun n’osera vous l’avouer en face !

R. J’ai un trou : c’est dans quel pays, déjà , que les citoyens rencontrant un touriste osent « lui avouer en face » qu’ils veulent tuer leur chef d’Etat ?


Touriste : De toute façon, ils savent que la mort de Castro risque de ne rien changer à leurs problèmes.

R. La mort de Bush, peut-être ?


Touriste : Les Cubains ont peur de parler de politique, même dans l’intimité d’un taxi.

R. Dans l’intimité d’un taxi cubain, j’ai parlé de politique et j’ai été scié par la connaissance du chauffeur sur les choses du monde. Idem à la terrasse d’un restaurant, dans une bibliothèque publique, etc. Par contre, lisant Libération dans l’avion, j’ai vu une longue enquête sur la peur des Français à se situer politiquement devant leurs collègues de travail. Mais, dès qu’ils voient un touriste curieux, les Français brandissent leur carte de l’UMP ou du PS et adorent raconter au premier venu ce qu’ils font derrière ce paravent ridicule appelé isoloir, pas vrai ?


Touriste : La Cuba révolutionnaire est très "pesima" comme ils le disent eux même.

R. Moi, j’ai rencontré des Cubains qui, en réponse à la question (dont ils doivent avoir marre) : « Et après Castro, que va-t-il advenir ? » disent : « Nada, il y a Raúl et tous les autres ».
Et puis, cher touriste, évitez de vous contredire. Tantôt ils ne veulent pas parler politique, tantôt ils en parlent pour critiquer (« pesima » : très mauvaise). Aller à Cuba et ne pas rencontrer un Cubain en accord avec son gouvernement, c’est un exploit dont je vous félicite, tout en rechignant à vous délivrer le diplôme de politologue.


Touriste : Les policiers sont bien payés car très peu de Cubains veulent jouer le rôle du méchant flic....

R. Je n’ai pas encore réussi à voir les policiers cubains en situation de méchants. Je les vois polis et respectueux de leurs compatriotes. On devrait envoyer les nôtres en stage ici. Voir dans un attroupement, une vieille dame poser la main sur l’épaule du policier et lui demander : « Dis-moi, petit frère (hermanito), qu’est-ce qui se passe ? », c’est pas très parisien. Dommage !


Touriste : A La Havane, les policiers sont faciles à acheter.

R. Les chauffeurs de taxis qui m’invitaient à mettre ma ceinture et qui vérifiaient que je l’avais bien fait à l’approche des carrefours où se trouvaient des policiers m’ont paru semblables aux nôtres : évitons un PV.


Touriste : A Santa-Clara, les Cubains qui fréquentent des étrangers risquent jusqu’à trois ans de prison.

R. Trois ans ? Je croyais que c’était 30 (incompressibles) et pendaison en public si récidive.


Touriste : En tout cas, ils auront beaucoup plus de mal dans les démarches administratives.

R. L’Etat se venge par des mesquineries. Quand je pense au nombre de Cubains à qui mon inconscience va nuire ! Blague à part, la pratique du harcèlement des touristes est effectivement combattue. Et c’est bien.


Touriste : C’est ce que je reproche le plus au régime cubain :

R. Pourquoi écrire « régime cubain » ? Qui écrit « régime français, états-unien... » ?


Touriste : Il empêche les citoyens d’avoir des contacts avec l’extérieur ou de voyager, Internet est très surveillé.

R. Aller griller des devises à l’étranger quand le pays en manque est en effet un luxe dont sont privés trop de Cubains. Ce n’est pas un choix politique, mais une nécessité économique. Les dizaines de millions de latino-américains qui vivent en bidonvilles sont eux aussi privés d’aller voyager à l’étranger (et de quelques broutilles en plus). Un peu comme nos jeunes de banlieue dont 40 % sont chômeurs et qui sont privés de visiter Cuba, voire la France.
Sortir du pays ? Il y a plus de médecins cubains en mission à l’étranger que de médecins de tous les autres pays réunis. Pareil pour les enseignants et autres corporations (entraîneurs sportifs, etc.).
Les contacts ? Cuba reçoit 2 millions de touristes qui vont et logent où ils veulent (vous l’avez fait, en fraudant).
Quant à Internet, il est surveillé partout dans le monde. Par les Ricains. Vous l’ignoriez ? Pour Cuba, c’est un peu différent puisque c’est le seul pays au monde à qui la connexion par câble est interdite. Par les Ricains. Du coup, Internet est hors de prix et les usages professionnels sont priorisés (réseaux de médecins, chercheurs, enseignement...). Mais je vous concède que dans la lutte médiatique à mort que les USA doivent d’abord gagner pour assouvir leur rêve ancestral - s’emparer de l’île- Internet souffre de restrictions gouvernementales qui n’auront plus lieu d’être quand la menace qui pèse sur l’île sera levée. Mais à ce jour et sur ce point, les USA sont deux fois coupables et quiconque le passe sous silence l’est aussi.


Conclusion : Pierre, vous êtes partis à Cuba en y emportant votre vision de ce pays. En cherchant à la vérifier, vous nous racontez Haïti et Saint-Domingue. Nombre de vos affirmations sont des interprétations et quelques-unes sont fausses. J’en témoigne d’ici.
En tout cas, merci de me conforter dans ce constat : les amis de Cuba n’ont besoin que des arguments de la vérité pour justifier leur soutien à ce peuple et à ses dirigeants.

Maxime Vivas



Pourquoi les arrestations à Cuba ? par Wayne Smith, ancien responsable la section des intérêts US à la Havane.

Fidel Castro malade, Miss Monde acnéique, presse métastasée, par Maxime Vivas.






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Le plus troublant pour moi était la soif de meurtre témoignée par les membres de l’US Air Force. Ils déshumanisaient les personnes qu’ils abattaient et dont la vie ne semblait avoir aucune valeur. Ils les appelaient "dead bastards" et se félicitaient pour leur habilité à les tuer en masse.

Chelsea (Bradley) Manning

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