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Colombie : La nuque de Cano

La patience n’est sans doute pas la première vertu des dirigeants colombiens. Empressés d’annoncer à qui le plus fort la fin des FARC, ils encourent le risque de se ridiculiser si ces dernières parviennent, une nouvelle fois encore, à déjouer les tentatives militaires de leurs adversaires. Mais peut être bien que le ridicule n’effraie pas un gouvernement qui n’hésite pas à habiller des cadavres de civils assassinés avec des tenues de guérilleros afin de les exposer comme trophées de la lutte "anti-terroriste" ; poussant la gaffe jusqu’à leur mettre des bottes neuves et à l’envers (1). Non, le ridicule ne gêne pas un gouvernement dont l’armée déclarait, il y a quelques années, la mort de trois chefs guérilleros et qui, le 8 mars 2011, reconnaissait qu’ils « sont vivants et avec plus de pouvoir qu’avant » (2) (il s’agit d’Albeiro Cordoba" , de "Byron Yepes" et de "Campesino" ). Non, décidément le ridicule n’a pas sa place au sein des autorités colombiennes qui, en mars 2006, organise la mise en scène d’une démobilisation fictive du Front Cacica Gaitana des FARC et dont les fuites éclaboussent l’armée aujourd’hui. Selon des témoins, sur les 66 supposés guérilleros, seules 14 étaient réellement membres de la guérilla. Pour le reste il s’agissait de vagabonds et marginaux recrutés pour l’occasion (3). L’armée colombienne a néanmoins réussi à porter des coups durs considérables à la guérilla grâce aux bombardements ciblés, enfin, même si parfois dans la foulée c’est une jeune adolescente qui périt sous les bombes (4). La mort de Jorge Briceño, alias Mono Jojoy, le 22 septembre 2010, a été amplement exploité comme le signe de la phase descendante de la guérilla.

Dans ce jeu du chat et de la souris, la jeune combattante hollandaise Tanja Nijmeijer, alias "Alexandra" , reste introuvable (5). Mis en échec sur leur propre sol, les services de renseignements colombiens s’en vont chasser les souris en Europe. Le 15 février 2011, Leyla Ordoñez, militante du Parti Communiste de Colombie, réfugiée politique vivant à Madrid, est arrêtée par les autorités espagnoles et risque l’extradition. Le gouvernement colombien l’accuse d’appartenir au groupe insurgé et d’en être le contact européen. Rapidement l’info circule et les dénonciations se multiplient de la part des groupes politiques de gauche radical. Le lendemain, Leyla Ordoñez est mise en liberté par la justice espagnole avec l’assurance qu’il « n’existe pas de risque de fuite » (6) de la jeune femme de 39 ans.

Mais le record en matière de chasse à l’homme revient à Victor Ramon Vargas, 36 ans, qui a réussi à ce qu’Interpol déclenche, mercredi 9 mars 2011, le "code rouge" (son plus haut niveau d’alerte) pour sa capture, selon Semana.com (7). Accusé d’entretenir des liens avec le groupe séparatiste basque ETA pour le compte de la guérilla colombienne, Ramon Vargas, alias "El Chato" , aurait tenté de planifier des attentats en Espagne notamment contre les anciens présidents colombiens Andrés Pastrana et Alvaro Uribe.

Tout ceci n’effrite en rien l’optimisme des autorités colombiennes. Le 7 mars dernier le ministre de la Défense, Rodrigo Rivera, a annoncé que mars « sera un mois noir » pour les FARC (8). L’armée colombienne a récemment accentué son offensive à l’encontre du "Bloque Central" où se trouve, selon eux, le principal dirigeant guérillero, Alfonso Cano. A son propos le président Santos avait déclaré en février : « nous savons exactement où il se trouve (...) il a notre souffle sur sa nuque » (9). Le tout étant de savoir si cette proximité résulte d’un rapprochement de la part des militaires colombiens ou, à l’inverse, de celui des guérilleros qui, selon le général Henry William Torres, entament des opérations afin de se réinstaller dans la province de Cundinamarca (au centre du pays) où se trouve la capitale, Bogota (10).

Loïc Ramirez

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Arundhati Roy - Capitalism : A Ghost Story (2014), p. 37

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