Révolution, c’était le livre d’Emanuel Macron pour dévoiler ses analyses et son programme. Révolution oui, toutes les décisions prises par Jupiter, sont révolutionnaires… mais dans quel sens ??? Dans le sens de l’émancipation ou dans le sens inverse à l’évolution historique, telle est la question ???
Du code du travail : Le premier code du travail, en France date de 1910 et les députés sous contrainte des réalités, suite au rapport du docteur « Villermé » [1] et des 1.300 grèves de 1906, a généré le fondement du principe de la hiérarchie des lois. Toute entreprise avait l’obligation au minimum de respecter le code du travail enrichi par les luttes sociales (1936-1944-1968). Les accords de branche ou d’entreprise pouvaient aller au-delà, dans le sens d’un plus social. Que fait Macron dans son « nouveau monde », certes le « code du travail » existe toujours formellement, mais son principe d’inversion de la hiérarchie des normes (accord d’entreprise pouvant générer une dérogation au code du travail) signifie de fait la suppression des protections collectives, comme fondement de la protection de chacun. Or, depuis Néandertal, dans un environnement hostile, et la mondialisation fabrique un environnement hostile, la meilleure des sécurités individuelles, c’est la sécurité collective. Hier, c’était la tribu, aujourd’hui c’est la société et la sécurité sociale.
De fait la décision du gouvernement Macron nous renvoie donc à avant 1910…
Du statut des cheminots : Pour construire son « nouveau monde », en s’appuyant sur la dette des apparences, Macron veut imposer la suppression du statut, donc renvoyer le chemin de fer à l’époque où il n’y avait pas de statut. Et là surprise, le premier des statuts des cheminots ne date ni de 1945, ni de 1968, mais de 1920 alors que des sociétés privées existaient encore. L’objectif du statut, étant alors de fidéliser les catégories ouvrières à un métier pénible. Pense-t-on aujourd’hui que le métier n’est pas pénible ??? Pourquoi autant de démissions de cheminots dans une période de chômage élevé ??? Il reste cependant au-delà de la dette, avancée comme causalité expiatoire, que la suppression du statut nous renvoie à avant 1920…Telle est, là aussi, la réalité de l’Histoire.
L’Eglise et l’Etat : C’est en 1905, après tant de guerres de religion, tant de morts et de massacres, que sous l’impulsion d’un député [2], la loi visant définitivement la séparation de l’église et de l’Etat, fut votée, créant de fait la laïcité. La République se libère de toute religion visant à justifier par une croyance, quelle qu’elle soit, une politique publique, car tel est le soubassement de cette séparation. Auparavant, les lois devaient pour pouvoir s’appliquer convenir à Dieu, ou plus exactement à ses représentants sur terre…. Confronté aux grèves de « luttes de classe » renvoyant à l’hérétique « Karl Marx », voilà que de l’olympe, Jupiter nous fait une crise de religiosité : « Pour nous retrouver ici ce soir, Monseigneur, nous avons, sans doute, vous et moi bravé, les sceptiques de chaque bord. Et si nous l’avons fait, c’est sans doute que nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Église et l’État s’est abîmé, et qu’il nous importe à vous comme à moi de le réparer ». Ce constat établi signifie que dans son esprit la séparation de l’église et de l’Etat est une faute. Et que de fait, il s’agit de revenir au temps béni où le royaume de France était « la fille ainée de l’église » [3] …. Justifiant croisades en Galilée… D’où la modernité d’un retour à avant 1905… Soulignons que le propos de Jupiter va plus loin et qu’il s’agit pour Jupiter de se mettre sous l’autorité de l’Eglise : « Ce dialogue est indispensable, et si je devais résumer mon point de vue, je dirais qu’une Église prétendant se désintéresser des questions temporelles n’irait pas au bout de sa vocation ; et qu’un président de la République prétendant se désintéresser de l’Église et des catholiques manquerait à son devoir » [4]. Soulignons que la seule église invoquée est celle des catholiques générant de fait un classement, support à toutes les exactions possibles conte les autres religions et je ne parle pas du mécréant athée que je suis…
Du retour des corvées : Voilà que dans les pistes envisagées pour financer la dépendance, un jour de repos de plus [5] serait mis à contribution, en vue de financer le vieillissement de la population [6]. Cette solution d’un « jour de travail gratuit » étant présentée comme la solution d’avenir. Pourtant donner une journée de congé obtenus par et dans le cadre de mouvements sociaux visant à faire du droit à congés payés, un droit inaliénable du travail vise bien à revenir en ces temps ancestraux, où pour réparer les douves du château du seigneur et saigneur, il fallait que les paysans qui cultivaient déjà la terre du domaine, donnent aussi du « temps gratuit » pour l’entretien de la propriété qui accueillait ripailles et orgies auxquelles, de plus, ils n’étaient, nullement conviés…Pour ces « modernes », le retour à la corvée du moyen-âge, imposé aux seuls prolétaires (journée de travail gratuit), leur semble préférable à la cotisation, car là, le Patronat serait obligé de cotiser…
Un nouveau monde ressurgi du passé : Décidemment, ce jeune Président au sourire bon-enfant, aux tenues impeccables et au verbe sucré renvoie notre société dans un passé, dont l’Histoire nous apprends qu’il n’était doré que pour les possédants. La fin du code du travail nous renvoie à 1910, la fin du statut des cheminots nous renvoie à 1920, le « dialogue » avec la seule église catholique nous renvoie à 1905 et enfin le retour des corvées nous renvoie au moyen-âge…. Triste « nouveau monde » qui au-delà des mots nous renvoie au siècle passé… et ses violences guerrières et « révolutionnaires » (j’y reviendrais).
L’épisode Macron un resucé historique : On peut considérer que l’action politique du gouvernement Macron est moderne, tant que l’on n’est ignorant de l’Histoire, mais il suffit de connaitre notre histoire dans ses dramaturgies profondes, pour comprendre qu’il n’est que l’avatar d’un épisode déjà ancien. Karl Marx ne fut pas qu’économiste, philosophe et historien, il faut aussi journaliste, notamment à Paris au moment de la Révolution de 1848 et il nous a laissé un ouvrage « Les luttes de classes en France » qui sont cette trace du passé qui ressurgit sous l’ère Macron : « Après la révolution de Juillet, lorsque le banquier libéral Laffitte conduisit en triomphe son compère le duc d’Orléans à l’Hôtel de ville 1 , il laissa échapper ces mots : « Maintenant, le règne des banquiers va commencer. » [7] Faut-il ici rappeler l’origine professionnelle du Président Macron ??? au point que comme en 1848, il fait lui aussi appel à la dette, pour justifier la suppression du statut…
Du rôle de la dette : Il faut dénoncer cette phraséologie de la dette dite publique, non en soi, mais du fait qu’elle a toujours servi de paravent aux exactions financières du moment. Ce fut déjà le cas en 1789, mais plus encore en 1848, où déjà la dette dite publique devient le support à l’enrichissement de la bourgeoisie. Redonnons la parole à Karl Marx : « « L’endettement de l’Etat était d’un intérêt direct pour la fraction de la bourgeoisie qui gouvernait et légiférait au moyen des Chambres. C’était précisément le déficit de l’Etat qui était l’objet même de ses spéculations et la source principale de son enrichissement. A la fin de chaque année, nouveau déficit. Au bout de quatre ou cinq ans, nouvel emprunt. Or, chaque nouvel emprunt fournissait à l’aristocratie une nouvelle occasion de rançonner l’Etat, qui, maintenu artificiellement au bord de la banqueroute, était obligé de traiter avec les banquiers dans les conditions les plus défavorables. Chaque nouvel emprunt était une nouvelle occasion de dévaliser le public, qui place ses capitaux en rentes sur l’Etat, au moyen d’opérations de Bourse, au secret desquelles gouvernement et majorité de la Chambre étaient initiés. (...) » [8]. L’on voit donc qu’en France, la dette « dite publique » est une caractéristique majeure de la « lutte des classes ».
Déjà les chemins de fer : L’histoire ne se répète, elle bégaie mais à ce point-là, c’est vraiment « pur et parfait », au sens du marché libéral, car déjà en 1848, les chemins de fer étaient l’objet d’un affrontement politique : « De même que les dépenses publiques en général et les emprunts publics, la classe dominante exploitait aussi les constructions de lignes de chemin de fer. Les Chambres en rejetaient sur l’État les principales charges et assuraient à l’aristocratie financière spéculatrice la manne dorée. On se souvient des scandales qui éclatèrent à la Chambre des députés lorsqu’on découvrit, par hasard, que tous les membres de la majorité, y compris une partie des ministres, étaient actionnaires des entreprises mêmes de voies ferrées, à qui ils confiaient ensuite, à titre de législateurs, l’exécution de lignes de chemins de fer pour le compte de l’État » [9].
La domination de la Finance : La financiarisation de l’économie et de la société est un concept nouveau et pourtant son mécanisme est aussi vieux que le capitalisme. Là encore, il faut lire ce qu’en écrivait Marx : « Pendant que l’aristocratie financière dictait les lois, dirigeait la gestion de l’État, disposait de tous les pouvoirs publics constitués, dominait l’opinion publique par la force des faits et par la presse, dans toutes les sphères, depuis la cour jusqu’au café borgne se reproduisait la même prostitution, la même tromperie éhontée, la même soif de s’enrichir, non point par la production, mais par l’escamotage de la richesse d’autrui déjà existante » / « Les luttes de classes en France ». L’on voit ici à quel point l’analyse est actuelle.
La violence révolutionnaire : Il est toujours dénoncé la violence révolutionnaire au sens où les Révolutionnaires seraient par nature violents. Renvoient à cette image d’Epinal, la guillotine et les massacres de 1793. A chaque Révolution le sang a coulé c’est vrai, mais jamais la question qui fâche n’a été posée : « Pourquoi ? ».
- Jamais la jeune Révolution de 1789 ne voulait faire la guerre. Robespierre disait : « « La plus extravagante idée qui peut naître dans la tête d’un politique est de croire qu’il suffise à un peuple d’entrer à mains armées chez un peuple étranger, pour lui faire adopter ses lois et sa constitution. Personne n’aime les missionnaires armés… ». La guerre fut donc voulue et déclenchée par les autres royaumes qui ne voulaient surtout pas que les principes de la République s’étendent…
- Jamais la Révolution de 1871 (La commune) ne voulut faire la guerre, préoccupé qu’elle était de construire l’émancipation. Ce fut Adolfe Thiers [10] qui décida du massacre des communards et il était déjà là en 1848 pour imposer la haute bourgeoisie dans le cadre de la Révolution.
- La Révolution de 1917 [11] avait autre chose à faire que la guerre, elle qui est survenu derrière le S.M.S le plus performant au monde : « La paix, du pain ». Pourtant dès 1918, des contingents de soldats anglais et français furent envoyés pour soutenir les blancs de la contre révolution bolchévique…
- La Révolution Chilienne fut aussi noyée dans le sang en 1973…sans oublier Cuba …
Les « violences révolutionnaires » n’existent que comme le seul moyen pour se protéger des retours en arrière possibles. Rappelons ici qu’après 1793, ce fut le retour de l’Empire (Napoléon) puis du Royaume (Louis XVIII) et il fallu trois autre révolutions sanglantes (1830, 1848 et 1871) pour qu’enfin plus personne ne demande le retour de la royauté… La matrice historique de l’évolution humaine n’est pas celle qui nous montre l’histoire comme une suite de quotidiens au jour le jour… car à la fin c’est l’homme qui fait l’histoire : « « L’histoire ne fait rien, c’est l’homme, réel et vivant, qui fait tout ». Karl Marx et il le fait dans des conditions historiques qu’il n’a pas choisies mais qui lui sont imposées : « Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas de leur propre mouvement, ni dans des conditions choisies par eux seuls, mais bien dans les conditions qu’ils trouvent directement et qui leur sont données et transmises. » [12].Les Révolutions sont donc violentes du fait des conditions qui leur sont imposées par ceux qui ont peur de tout perdre. Et pour revenir vers leur monde ancien, les « contre révolutions agissent de même, expliquant les violences des réformes actuelles (« code du travail », « statut », « laïcité » etc.).
Ce « nouveau monde » tellement ancien : La « Révolution » proposée par le Président Macron est donc bien un retour réactionnaire vers le passé. Aucun progrès social, aucune émancipation n’est à attendre de ce processus, bien au contraire. Toute son analyse est fondée sur la nécessité de revenir en arrière, car s’appuyant sur le dogmatisme du marché selon lequel l’équilibre économique et social d’une société dépends de forces naturelles dont la « loi de l’offre et de la demande » forme l’ossature et qu’aucune politique ne peut modifier. Aucune loi humaine venant modifier ces forces, pour les rendre plus humaines et plus sociales, ne peuvent fonctionner, car telles sont les « lois du marché », qu’il nous faut accepter d’en payer le prix (le prix de marché). Prix de marché régulé par la « main invisible » du dieu Marché, expliquant en retour pourquoi Jupiter a tellement besoin des religions pour justifier les souffrances sociales imposées : « ’La religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit des conditions sociales d’où l’esprit est exclu. Elle est l’opium du peuple.’ [13] .
Dans ce cadre, la politique n’a plus de sens, ou plutôt si, un seul sens, configurer la société, tel que la théorie libérale le stipule, l’enseigne, le catéchise et le professe. La politique suivie depuis trente ans, et que le gouvernement Macron perpétue en l’amplifiant, ne vise qu’à forcer l’humanité à s’adapter aux forces naturelles du marché, là où depuis Spartacus, visant l’émancipation, il s’agit de briser les chaines de l’esclavage. Trente ans de politique qui vise à nous faire baisser les yeux pour regarder nos pieds de plus en plus enchainés…et nos cerveaux de plus en plus conditionnés par les écoles, les universités, et les médias dominants (compétitivité, concurrence, flexibilité, mobilité etc…).
Embraser l’avenir : L’illusion du système consiste à se persuader lui même, que les reculs sociaux successifs et cumulatifs de ce « capitalisme à cliquet » [14], est tellement puissant du fait de sa domination médiatique [15], que les soubresauts de résistance, ne peuvent que s’épuiser. Mais chaque défaite sociale effective, entraînant un recul social, s’accompagnant de l’affaiblissement des organisations de « lutte de classe » [16], rapprochent du moment, où ce système devenu insupportable, au commun des mortels, engendrera une réaction collective inarrêtable. A ce moment-là, la lame des révoltes accumulées, sortira de son lit et inondera le monde. C’est ce moment particulier qui porte le nom de Révolution. De ce fait, ce qui déclenche fondamentalement les Révolutions est plus à rechercher dans les situations historiques d’affrontement (« lutte des classes »), que dans les mouvements révolutionnaires…car, « On ne fait pas bouillir les marmites de l’Histoire » / K. Marx.
Notre Pays a cette histoire faite de Révolutions (1789, 1830, 1848, 1871, 1944) et de mouvements sociaux de luttes (1906, 1936, 1968, 1995) qui toujours, ont su, sur des temps courts, renverser les régimes les plus réactionnaires et initier des avancées sociales historiques marquant l’espace et le temps
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Le gouvernement Macron peut encore gagner contre les cheminots, brisant ainsi les dernières digues de protection collectives, mais les révoltes sociales reviendront encore plus fortes, encore plus puissantes et encore plus massives, pour enfin briser l’encerclement et les chaines.
Alors depuis les chaines de Spartacus, me vient cette phrase qui n’arrête pas de déferler : « A force de regarder ses pieds, on ne peut y voir pousser que des chaines, c’est en levant les yeux et en regardant l’horizon, que l’on embrase l’avenir ». C’est à cette matérialité exigeante que l’humanité est confrontée.
Fabrice AUBERT
17 Avril 2018