Il semble que la proportion soit plus grande encore dans la guerre actuelle, au retour d’Irak ou d’Afghanistan dans ce conflit tellement asymétrique mais pourtant déjà deux fois plus long que la deuxième guerre mondiale…
Et pour ceux qui survivent et rentrent au pays, nul doute que le cauchemar soit présent dans ces esprits broyés par les atrocités vues ou commises...
Une nouvelle série US, que verront tous ceux-là , met en jeu les "zombies", ces morts venus de l’enfer et qui envahiraient les USA… Métaphore terrible de cette angoisse de trouver à leur retour ’au pays’ ce qu’ils ont laissé derrière eux ’là bas’... Des morts, encore des morts… Hostiles, vengeurs, qu’il faudra exterminer une deuxième fois… Sans fin..
Ces images terribles ne les quitteront jamais sans doute ; comme avant eux ceux qui avaient participé à des opérations "spéciales" au Vietnam, en Algérie pour les Français, ou ailleurs ; partout où la vie de l’autre ne vaut rien...
Ce cauchemar est le prix à payer de la guerre des civilisations, l’enfer nous rattrapera sans difficulté, il est en nous ; les tueurs le ramènent à la maison dans leur tête...
Cette série s’annonce dévastatrice pour les esprits. Peut être servira-t-elle d’exorcisme pour certains, ce n’est pas sûr ; pour beaucoup elle réveillera dans une fiction ce qu’eux seuls sauront avoir fait partie du réel...
Ce qui est montré, c’est aussi que la violence après le retour peut se retourner vers ceux que l’on avait quitté et qui paient eux aussi le prix fort... Eux aussi n’auront plus le droit de vivre comme avant…
Une séquence choisie parmi d’autres disponibles en ligne : The walking dead-Barn scene (3’06)
Ce n’est pas en condamnant à la prison à vie le soldat Bradley Manning dont le seul crime fut de diffuser des images insupportables, que le cauchemar de ceux qui ont commis des crimes de guerre en nombre considérable sera atténué. (1)
La pulsion de mort a encore un bel avenir… On l’habille d’un uniforme, d’une cause et parfois de médailles… Cela s’appelle la guerre ! (2)
Ceux qui la refusent font le seul choix possible qui les conserve encore en humanité. Aucun alibi fut-il humanitaire (3) ne résiste à la réflexion qui doit déboucher sur un refus. Il en faut du courage pour dire non, c’est dire oui qui est facile… Saluons et soutenons ceux qui résistent à la déshumanisation programmée qui commence avec l’acceptation d’un uniforme et d’un drapeau. "Je refuse de faire disparaître des gens qui ont peut-être raison" a plaidé le citoyen Moriel Rothman (4). Dans le même conflit Judith Butler ne disait pas autre chose dans sa lettre en réplique a l’assaut d’infamie versé sur elle : « Oui je revendique un judaïsme qui n’est pas associé à la violence de l’Etat ». (27 8 2012) (5). Mais nous savons déjà que ces propos ne seront pas entendus (6) … Nous approchons d’un nouvel épisode de cette "guerre éternelle’, celle proclamée ainsi par Georges Bush un soir de 2001… Il est vrai qu’à l’époque "Nous étions tous américains’ disait notre quotidien de référence …
Du côté des victimes d’autres métaphores illustrent l’indicible (7) ; je l’évoquais récemment. La poésie survit toujours aux cendres…
Nous n’en finirons pas, nous n’en finirons jamais, de reproduire les terreurs du XXe siècle. Il suffit chaque fois d’essentialiser et de déshumaniser l’adversaire, comme le fit si bien le IIIe Reich. Le monde a payé de soixante millions de morts, dans la seule guerre sinon juste au moins inévitable et donc légitime, de ce siècle, l’éradication du pire ; hélas d’autres se sont emparés des manettes du même processus de conditionnement au pire dont le totalitarisme a démontré l’efficacité terrifiante.
Un inconnu sur la place Tien An Men avait bloqué un temps court, de sa fragilité, une colonne de chars ; Bradley Manning nous a dit "Regardez ceci !’ ; le citoyen Moriel Rothman dit simplement "Non’… Où est la multitude des hommes et des femmes ?
« Le sol sur lequel vous vous trouvez est en feu » disait August Spies à ses juges (8)
Jacques Richaud
9 10 2012