Bien commun, productivisme et mode de vie.
Suite d’un débat sur le "capitalisme vert" avec Susan George (1) et Cédric Durand (2) à l’Université d’été d’ ATTAC d’Arles 2010
http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1213
Le bien commun de l’humanité passe-t-il par un changement du mode de vie dans les pays développés ? L’idée évoqué par certains écologistes de droite s’affichant tiers-mondiste est que "les riches du nord doivent réduire leur pouvoir d’achat y compris les couches moyennes inférieures". Voilà un radicalisme contre les couches moyennes qui va plaire au patronat ! On ne saurait dire sans être irresponsable que les couches moyennes doivent d’emblée réduire leur pouvoir d’achat quand tout le système qui est devant eux est marchandisé, y compris ce qui est public. Pour vivre avec un moindre pouvoir d’achat il faut plus de biens en service public gratuit. On en est loin !
Une vie meilleure des peuples du Sud est une aspiration légitime. Faut-il qu’ils adoptent notre mode de production productiviste pour autant ? Ce n’est pas souhaitable.
Biens à obsolescence rapide.
Le capitalisme a pour spécificité de produire pour le profit quitte à produire des biens à obsolescence rapide. Auparavant une machine à laver durait quinze ans, désormais elles tombent en panne au bout de trois ans et elles sont quasiment irréparables. Aujourd’hui, on ne change pas de machine à laver pour son "look" démodé ou parce que des caractéristiques techniques supérieures apparaissent sur le marché. On achète une nouvelle machine car la précédente a cassé.
La solution n’est pas collective contre individuelle par exemple en proposant la machine à laver pour tous les habitants d’immeubles divisés en appartement. Là ou cela est possible et dans la mesure ou cela n’est pas imposé pourquoi ne pas essayer. Mais c’est une solution défaitiste qui ne combat pas la racine du mal qui est que les entreprises privées capitalistes produisent des objets à durabilité restreinte et à réparation de plus en plus impossible.
Dispositifs couteux à réparation impossible
Sur les automobiles l’automatisation tend d’une part à se perfectionner à un niveau élevé qui oblige souvent le remplacement de l’ensemble plutôt que le remplacement d’une partie. Cette évolution coute chère et incite à demander plus de pouvoir d’achat dans un contexte ou les transports collectifs sont chers alors que peu attractifs sur plusieurs aspects . Ce n’est pas le seul inconvénient car l’automatisation tend aussi à s’imposer au détriment des mécanismes manuels . Certaines voitures ne sont plus équipées de serrures ordinaires mais seulement de dispositifs électroniques d’ouverture à distance.
Pour des transports collectifs déployés et gratuits !
Ceux qui disent que la voiture doit disparaître oublient que l’on ne prend pas uniquement sa voiture par plaisir mais très souvent par nécessité (pour aller travailler ou aller voir sa famille, etc...) et que les transports collectifs n’ont pas toujours la souplesse ou le confort de l’automobile. Dès lors, pour compenser les inconvénients des transports collectifs et les rendre attractifs il serait bon de les rendre gratuits. Cela suppose une entreprise publique fonctionnant sur des logiques non commerciales, non marchandes (3) . Aujourd’hui la SNCF "marchandisée" tend trop à s’adresser à des clients aisés et non des usagers .
Jalons vers le socialisme
Contre le capitalisme productiviste l’alternative forte passe par la réappropriation publique puis par la démarchandisation et la démocratisation des entreprises publiques. La démocratisation est à la fois à la source du mouvement (registre de l’émancipation) et en objectif à atteindre (projet de transformation politique des institutions et entreprises publiques). Cette démocratisation peut se faire à deux niveaux : d’une part en démocratie déléguée par introduction de représentants d’usagers spécialisés pour un champ d’activité donné, là ou une certaine expertise technique est nécessaire d’autre part en démocratie directe par intervention des citoyens sur des grands choix d’investissement.
Le marché des biens et service ne doit pas disparaitre mais il doit être circonscrit. L’économie sociale et solidaire a sa place à côté de l’économie publique qui peut faire place à la planification des grands choix de production soutenable. Rien d’exceptionnel. Et rien à voir avec la détermination bureaucratique de la couleur de petits produits pouvant rester au marché.
Christian DELARUE
1) Leur crise, nos solutions Susan George Albin Michel 2010
2) Le capitalisme est-il indépassable ? Cédric Durand Textuel 2010
3) Sur la production de valeur d’usage différente de la valeur d’échange lire Jean-Marie HARRIBEY ou Stéphanie TREILLET .