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Avec toutes nos excuses

Le Monde gronde. Un peu partout des peuples se lèvent que l’on opprime. Le Nucléaire explose. Partout, les peuples se demandent si leurs dirigeants vont avoir le courage politique d’en sortir ou de ne pas y entrer. Le Climat s’emballe. Les peuples savent qu’ils en pâtiront et n’en peuvent mais. Le Marché tue. Et les peuples de trinquer pour le maintien d’un système moribond aux mains d’oligarchies aveugles. Ces quatre maîtres mots et la cohorte des maux qui les accompagnent emplissent les colonnes de nos journaux et saturent les canaux de l’information audiovisuelle. C’est dans ce terrible paysage que de timides voix isolées tentent de se faire entendre en France pour soulever un problème minuscule : la défaillance crasse de l’État quant à l’intégration des professeurs et élèves handicapés dans l’École de la République. Crasse ? Oui ! Et le mot est faible.

Il nous faut bien nous excuser de vouloir, avec des moyens dérisoires, construire une revendication sur un thème si fastidieux quand tant de choses plus importantes sont ignorées de la puissance publique. Défendre les retraites est plus important. S’attaquer aux règles mortifères de la finance internationale est plus important. Réclamer la fermeture des paradis fiscaux est plus important. Lutter contre le réchauffement climatique est plus important. Colmater les brèches que les politiques néolibérales creusent dans notre société déjà si fragmentée est plus important. Endiguer la vague xénophobe et raciste qui submerge progressivement notre pays est plus important. Tout est donc plus important que le confort des professeurs et élèves handicapés. Ils sont pourtant tous capables de dispenser leur enseignement pour les premiers, de suivre une scolarité heureuse pour les seconds, pourvu que l’on consente à leur attribuer les moyens techniques et humains nécessaires à une intégration réussie dans les établissement scolaires qui les accueillent. Cependant, à l’heure où les progrès de la Technique sont si formidables et les déclarations gouvernementales sur le handicap si tonitruantes, l’incurie règne encore pour l’essentiel de ce problème comme dans la plupart des domaines où des luttes citoyennes portent aujourd’hui des revendications légitimes au nom du bien commun.

Une grand-messe vient encore de se tenir à Paris en la matière. Le 8 juin dernier, Mme Roseline Bachelot, notre ministre de la Solidarité, organisait au Centre Beaubourg une nouvelle Conférence nationale sur le handicap. On avait convoqué pour cette manifestation fermée au public 750 représentants officiels du « monde du handicap ». La journée d’intense cogitation a été clôturée comme il se doit par M. Nicolas Sarkozy soi-même. Il y fut décidé courageusement de ne pas changer grand-chose au sort des handicapés. On leur concède tout au plus quelques broutilles dont il conviendra de surveiller encore la mise en oeuvre future. Notamment, on se garde bien de créer enfin l’indispensable statut d’assistant de professeur ou d’élève handicapé. Le désastreux bricolage qui prévaut en ce domaine depuis des années va demeurer : assistants non qualifiés car non formés préalablement ou en cours de route, apprenant sur le tas ce que la personne pour laquelle ils ont été recruté attend de cette collaboration, rémunérés au SMIC pour une durée ne pouvant excéder six ans, obtenant comme validation d’acquis professionnels, à l’issue de ces six longues années riches de contenu, le titre suprême de… moniteur de colonie de vacances. Pourtant, nous tenons là un vrai métier : ce n’est pas parce que les « autorités compétentes » ne le reconnaissent pas qu’il n’existe pas. Un nombre très élevé d’élèves attendent leur hypothétique AVS (Auxiliaire de vie scolaire) bien que la loi de février 2005 affirme la volonté d’intégrer le plus grand nombre possible d’enfants handicapés dans des établissements scolaires non spécialisés. Nombre de professeurs ou de candidats professeurs renoncent à ce métier - pour lequel ils disposent pourtant de toutes les qualités humaines sans doute même renforcées par leur handicap - faute du confort suffisant permettant de donner libre cours à ces qualités. Seulement voilà  : notre société ne parvient pas à construire une représentation positive du handicap, à voir ce moins apparent comme un plus évident.

Citoyens, engagés à fond dans de grands combats ou simplement attentifs à la marche du monde, vous devez bousculer, si ce n’est déjà fait, la table de vos diverses négociations et la perception de votre environnement immédiat. C’est à sa capacité à porter vraiment attention aux plus fragiles des siens que l’on juge une société. Il ne vous servira de rien que tous vos combats soient victorieux si la victoire est au prix du mépris de la richesse en humanité de tous ceux que la vie en société ou l’inégale distribution de la bonne santé a fragilisés. Un autre monde est possible mais n’est pas souhaitable sans eux. Osons un lien que vous ne ferez pas tant que vous ne changerez pas de lunettes : combien d’assistants de professeurs ou d’élèves handicapés pourrait-on recruter et rémunérer décemment avec le salaire que M. Luc Ferry a abusivement perçu pour un emploi imaginaire de professeur d’université ? Il paraît qu’ils sont des milliers dans son cas. Ca fait des sous ! Où sont les profiteurs dénoncés récemment par un éminent représentant de l’UMP ? Du côté de ceux qui n’ont que le RSA pour survivre ? Du côté des professeurs handicapés qui souhaitent poursuivre honnêtement leur mission éducative et à qui on reproche leur ténacité à réclamer ce qui leur est légitimement dû ? Non, les profiteurs sont ceux qui piquent allègrement dans la caisse commune à la première occasion. Non, la notoriété n’autorise pas tout, surtout quand il s’agit par contrecoup de causer préjudice à d’autres qui travaillent discrètement dans l’ombre, à l’abri des feux de l’actualité. M. Ferry est philosophe et ancien ministre de l’Éducation nationale. A ce double titre il pourrait s’autoriser à prendre la parole pour défendre notre juste cause. Il semble affectionner les plateaux de télévision : que ne s’en sert-il pas à meilleur escient ? A son corps défendant, soyons réaliste : notre cause, hélas, ne fait pas recette. Ceux qui devraient parler ne le faisant pas, nous continuerons sans eux. On ne nous fera pas taire car nous sommes dans notre bon droit. Et nous n’accepterons jamais que l’on nous dise, quand notre pays compte autant de chômeurs, que le ministère de l’Éducation nationale n’a pas le droit de créer des emplois stables d’assistants de professeurs. Cet argument est tout bonnement minable. Que penser alors de ceux qui le profèrent ?

Yann Fiévet

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