
DE LA NECESSITE DE SORTIR D’UNE CONCEPTION FERMEE DE L’ETAT-NATION
AU REGARD DE LA QUESTION DES MIGRANTS,ALLONS VERS PLUS DE LIBERTE, PLUS D’EGALITE, PLUS DE FRATERNITE (1)
mardi 3 novembre 2009
Face aux processus inégaux et inachevés de mondialisation des migrations humaines, des échanges économiques marchands, des investissements productifs, de la finance, etc... les libéraux voudraient opérer un tri : distinguer d’une part ce qui relève de l’économie qui doit obéïr au marché et au principe de la libre concurrence et d’autre part ce qui relève des compétences de police de l’Etat . A ce titre, les migrations deviennent alors objet de gestion étatique. La dite "gestion des flux migratoires" se résume alors en une politique de police (2) de la main d’oeuvre internationale sur la base d’une sélection utilitariste des immigrés ; et ce au profit du patronat national.
Pour faire passer une telle politique - "de classe " - particulièrement inhumaine et meurtrière (de nombreux noyés en mer) qui risque de choquer une majorité de français le recours à la thèmatique "l’identité nationale" (proposition de M Sarkozy reprise par Eric Besson) a l’avantage de ressouder les salariés sur les intérêts du patronat français au détriment de la solidarité avec les travailleurs immigrés. Ce faisant le tryptique national constitutionnalisé (1) est rabaissé car la France offre moins de liberté, moins d’égalité, moins de fraternité. Pire, c’est une logique de bouc émissaire, porteuse de racisme et de xénophobie qui se met en place en masquant la responsabilité du patronat et des politiques sur le maintien du chômage et de la précarité.
Affirmons ici au passage que vouloir retrouver à tout prix la confiance des marchés financiers c’est perdre la confiance du peuple. De la société civile nait un mouvement de sympathie et de solidarité qui va vers le peuple migrant en souffrance mais pas vers les spéculateurs de la finance.
L’identité nationale subsiste comme référent culturel résiduel, notamment pour l’économie non marchande et la constitution de services publics si utiles en temps de crise. Cette compréhension là se combine avec d’autres identités et appartenances . L’Etat-nation et l’identité nationale ne fait plus vibrer le peuple dès lors qu’un projet de libération solidaire n’est plus en perspective. Pierre FOUGEYROLLAS (3) a montré son ascension puis son apogée puis son actuel déclin. L’identité nationale qui célèbre la colonisation ne saurait offrir une perspective pour la jeunesse. En ce sens la conscience nationale liée à un projet de domination des peuples décline au profit d’appartenance multiples et d’un souci de justice sociale mêlé de conscience universaliste : on se sent apatride ou citoyen du monde, ou - comme salarié - membre du prolétariat mondial, altermondialiste, etc.
Une compréhension ouverte et plurielle de l’identité nationale et de son tryptique amène à défendre la citoyenneté pour tous les résidents étrangers durablement présents sur le territoire national . Il faut sortir du modèle étroit de l’Etat-nation.
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I - UNE COMPREHENSION ISSUE DU MILITANTISME EN DEFENSE DES MIGRANTS
* La situation présente et historique
L’immigration est une manière de vivre, une manière douloureuse d’être au monde s’agissant de l’immigration subie. La condition d’immigré au plan juridique et social - donc existentiel - est un mélange d’être et de néant. Plus précisément il est un être en chemin, en chemin vers la naturalisation, l’insertion, l’intégration. Du coup l’immigration peut se définir à la fois comme transition et comme fragilité.
La conception de la nationalité comme condition de la citoyenneté fait de l’immigré un être illégitime : il n’est pas le national dans lequel l’immigration l’a placé et l’a amené à vivre. Il est présent exclus.
* Le mouvement pour en sortir
Le national est le produit historique de l’Etat-nation. Au national le mouvement antiraciste et pour l’égalité oppose le résident, celui qui vit sur un territoire donné, qui produit et paie des impôts. Le résident a vocation a disposer des droits étendus de la citoyenneté. Il circule librement, il s’installe et passé un certain temps - de 3 à 5 ans - il revient pleinement citoyen . C’est une revendication que les citoyens rabougris que nous sommes aussi ont intérêt à soutenir.
II - DE L’ETAT-NATION A LA CITOYENNETE
* Etat-nation à nationalité
C’est l’Etat qui confère la nationalité et donc l’étrangeté soit en vertu du jus sanguinis, soit en vertu du jus solis. Le droit du sang détermine l’appartenance à la communauté sociale et politique par la filiation. Le droit du sol opère cet effet d’appartenance -exclusion par la naissance de l’individu sur le territoire (français).
* Nationalité à citoyenneté
L’attribution de la nationalité confère des droits civiques et politiques qui caractérisent la citoyenneté stricto sensu. Mais la citoyenneté lato sensu comprends trois niveaux distingués par Danièle Lochak :
– Citoyennté-égalité dans l’exercice des droits
– Citoyenneté-participation à la vie sociale
– Citoyenneté-exercice de la souveraineté nationale
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III - ELARGIR L’IDENTITE NATIONALE VERS LA CITOYENNETE DE RESIDENCE
La défense de la liberté de circulation et d’installation (4) doit s’accompagner d’une politique de citoyenneté de résidence. Dès qu’un migrant se transforme en résident par l’effet du temps - par exemple par une présence de 5 ans sur le territoire national - il devient citoyen. Il peut voter, se présenter comme candidat aux élections. Il peut aussi et surtout faire acte de candidature aux emplois publics (5).
Faut-il d’autres critères que le l’effet du temps. On aimerait moins de racisme et de sexisme. Mais ce n’est pas aux beaufs de la république (6) qu’il revient de donner la leçon.
Christian DELARUE
Membre du BE et du CA du MRAP, membre du CA d’ATTAC France, et de sa commission Migrations, s’exprimant à titre personnel.
1) Ce texte complète Le carré républicain : Liberté, Egalité, Adelphité, Laïcitéou sur http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article911
et va dans le sens de celui de JJ Lakrival : Identité nationale : E Besson poursuit la "démocratisation" du racisme et du sécuritarisme.
http://www.legrandsoir.info/Identite-nationale-E-Besson-poursuit-la-democratisation-du.html
2) GISTI : Politique du chiffre et police des étrangers . C Mouhanna
3) Relire "La Nation" de Pierre FOUGEYROLLAS 20 ans après ! Il y une part de la nation française liée à la colonisation qui est sur le déclin. Il faut enterrer cette part et faire vivre l’autre part.
4) Notre économie ne pâtirait pas d’une ouverture des frontières. Philippe LIPPENS
5) Pourquoi il est important de donner le droit de vote aux résidents étrangers.Paul ORIOL
6) BEAUFS DE LA REPUBLIQUE : Ces hommes publics qui jouent avec le racisme !
Lire ici le livre d’ ATTAC "Pour une politique ouverte de l’immigration" en librairie depuis le 31 octobre 2009.