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La métaphysique bourgeoise

La critique de la religion a les traits à première vue d’un combat d’arrière-garde. On imagine que la religion a perdu toute emprise en se recroquevillant dans la sphère privée. En se dissociant de l’Etat, la religion se serait repliée dans le monde intime, dans la vie intérieure et ne concernerait plus la politique. Il est vrai que la fonction politique de la religion a mué depuis l’époque des théocraties du Moyen-âge mais sa présence ne s’est pas étiolée pour autant. En se diffusant dans la société, son influence n’en est que plus pernicieuse.

Il faut distinguer la religion comme phénomène psychique et comme phénomène politique. En tant que phénomène psychique, l’expression religieuse est un fait et constant et incontestable dans l’histoire de l’humanité. L’idée de la religion se trouve en-deçà de l’intellect, dans l’inconscient. C’est un archétype de l’inconscient qui ne peut en cette qualité être ébranlé par la raison critique. Il ne sert à rien donc de mettre en relief les incohérences et limites historiques des récits religieux. L’éducation et la raison n’y peuvent rien.

Le politique s’appuie sur ce processus psychologique et l’utilise à son avantage ; il préserve le cadre mais modifie le contenu en fonction des intérêts de la classe dominante. Les religions s’adaptent à la réalité et évoluent avec le temps. Les commandements religieux suivent pour l’essentiel les prescriptions économiques. Dieu n’est plus l’être suprême. Le pouvoir ultime est l’ordre en place et dieu en est le serviteur. Le pouvoir s’emploie à stimuler la passion religieuse en tant qu’élément de légitimation de l’ordre. La bourgeoisie n’a pas créé le phénomène religieux mais elle s’en est emparée, telle le diable s’empare des âmes, pour assurer un meilleur contrôle social.

La religion est le premier voile d’idéologie à arracher pour développer une conscience de classe. Celui qui remet en cause la religion est sur le chemin de la subversion politique. La satisfaction obtenue par la religion est un leurre, une consolation projetée dans un au-delà incertain. C’est une fausse solution qui entrave l’exploration de voies effectives. L’émancipation suppose un mouvement conscient vers une fin assignée alors que le dogme religieux est un exercice de foi irrationnel.

La communauté des croyants se trouve un lien à travers la médiation de la divinité. Cette attache les empêche de s’unir sous la bannière de points de convergence pertinents telles que la condition sociale, la dépendance, l’exploitation,... En se décentrant du monde terrestre, le prolétariat se condamne à l’inaction et l’impuissance.

En compensation de l’hypermatérialisme ambiant s’est développée une nouvelle métaphysique. Cette spiritualité postmoderne dont les sectes sont une expression est une émanation directe la production matérielle qui glace les rapports humains et désenchante le monde.

La spiritualité se saisit de l’homme dans son être (esprit ou âme) et non dans ses relations avec les autres et le monde concret. Chacun est invité à trouver un sens à la vie par soi et se réaliser dans des actions de proximité. Peu importe la portée des actes pourvu qu’ils améliorent notre bien-être personnel. L’intervention se fait exclusivement en amont sans interroger les causes profondes. Cette spiritualité n’a pas en cette qualité d’aspiration politique : on doit se réformer individuellement en dépit du monde extérieur qui est tenu pour un donné intemporel.

On verse de facto dans l’ancien idéalisme qui pose la vie réelle pour une détermination secondaire et la conscience comme souverain absolu. Culture, morale et religion sont déliées du substrat économique. En accordant la prééminence à la morale individuelle sur les structures sociales, l’émancipation individuelle sur l’émancipation collective, cette métaphysique constitue un allié objectif de l’ordre en place.

Il ne s’agit pas de lutter contre dieu (on ne peut lutter contre quelque chose qui n’existe pas) mais contre les procédés de l’exploitation de ce phénomène. Il faut que le phénomène religieux soit compris pour ce qu’il est c’est-à -dire un phénomène psychique inconscient et irrationnel. Ce n’est pas parce que l’idée de dieu est irrationnelle qu’on ne peut pas l’appréhender rationnellement dans ses diverses dimensions. De même que d’autres constructions mentales du même type (le héros, les mythes), la religion doit être démystifiée.

L’émancipation individuelle est rendue possible par l’émancipation collective qui en est le véritable incubateur. Il n’existe pas d’homme en soi mais seulement un homme réel, concret qui vit en interrelation avec la société.

Le changement de la société n’est pas suffisant mais est une condition incontournable de la rénovation des moeurs et des rapports humains.

Emrah KAYNAK

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