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« Du code d’Entrée au code de Sortie » : la forteresse U.E.

La mondialisation du système capitaliste a profondément transformé le rôle des Etats et le système interétatique sous la domination économiques, voire militaire, des pays industrialisés du nord. Une des conséquences est la dérégulation économique dans les pays du Sud entraînant dans son sillage la destruction des réseaux sociaux de solidarité.
Une dérégulation imposée grâce à un moyen de chantage efficace : la ligne de crédit est suspendue si les autorités refusent les conditions du FMI et de la Banque Mondiale tels l’ajustement structurel et la libéralisation des services publics. Leurs effets sociaux et économiques sont désastreux : affaiblissement, sinon disparition du rôle distributeur de l’Etat, baisse de la production nationale dans les secteurs agricole et semi industriel, dégradation des conditions de vie de la majorité de la population.

Les conséquences prévisibles de ces mesures économiques conjuguées à une économie de marché, libérée de toute contrainte, ne se sont pas fait attendre : exode des paysans pauvres et chômage de dizaines de milliers de jeunes. A ces causes économiques, s’ajoutent les guerres, la crise alimentaire et la fuite des capitaux du Sud vers le Nord.
En effet, chaque année, 500 milliards de dollars (325 milliards d’euros) sortent des pays en développement d’Afrique pour se réfugier dans des paradis fiscaux, estime l’expert Raymond Baker, dont les chiffres ont été repris par plusieurs organisations internationales. (1)

C’est cinq fois plus que l’aide publique annuelle que leur apportent les pays de l’OCDE. Sur ce montant, 50 milliards de dollars (32,5 milliards d’euros) proviennent de la corruption, soit le montant dont la Banque mondiale et le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) ont besoin chaque année pour réaliser les « Objectifs du millénaire » visant à éradiquer la pauvreté dans le monde. Toutes les études faites sur ce point aboutissent au même constat : le montant des capitaux qui fuient les pays pauvres est nettement supérieur à celui qu’ils reçoivent de l’aide humanitaire.

« La charge fiscale est en train d’être transférée des riches aux pauvres », prévient Bruno Gurtner, auteur d’une étude intitulée Le monde à l’envers : le Sud finance le Nord, rédigée pour l’ONG Alliance Sud.

Dans son article, qui synthétise les données existantes sur les flux de capitaux entre pays industrialisés et en développement, l’économiste genevois décrit comment les populations des pays pauvres « voient leur argent quitter le pays, sous forme d’intérêts et d’amortissement de leurs dettes publiques ou en raison du rapatriement d’importants profits de multinationales, du versement de coûteuses licences sur des brevets ou de la fuite des capitaux de leurs propres élites.

Autant d’argent qui aurait pu servir au développement du pays et au financement de services sociaux. En 2006, une commission britannique avait estimé que l’élite africaine détenait entre 700 et 800 milliards de dollars (450 et 520 milliards d’euros) dans les centres financiers de la planète. D’après le Fonds Monétaire International, le solde des transferts financiers est négatif depuis 1997 pour les pays en développement. De ce constat, une conclusion s’impose : l’immigration humaine est le symptôme d’une politique économique et financière mondiale tournée vers la spéculation sans limite au détriment de l’intérêt général. Sur ce point, la Commission Européenne estime qu’entre 1,5 et 2 millions d’immigrants gagnent chaque année par des voies légales le territoire de l’Union européenne. Le nombre de « clandestins » est estimé à huit millions. Plus de 200.000 immigrants illégaux ont été arrêtés dans l’UE pendant la première moitié de 2007 mais moins de 90.000 ont été expulsés. Il faut souligner qu’à l’échelle mondiale, les pays riches du Sud attirent 60% des migrants (2).

La pénurie de main d’oeuvre dans certains secteurs économiques des pays industrialisés a tôt fait de « tordre le cou » au concept démagogique de l’immigration « zéro » des années 80 pour imposer l’immigration utilitariste.

En effet, tenant compte de l’impact du déclin démographique et du vieillissement sur l’économie européenne, la Commission Européenne a initié une politique d’harmonisation de la gestion de l’immigration à l’échelle de l’Union Européenne. Elle souligne la nécessité de revoir les politiques de l’immigration pour l’avenir, à la lumière des implications que la stratégie de migrations aurait sur la compétitivité et la réalisation des objectifs de la Stratégie de Lisbonne (2001). Les conséquences dues aux nouveaux régimes de retraite et de sécurité sociale sont prises en compte dans cette nouvelle politique de l’immigration. Il s’agit pour l’U.E de contrôler et de gérer les « stocks de main d’oeuvre et le flux migratoires. » Il revient à chaque membre de mettre en place un « Code d’Entrée » des Etrangers). La loi « Code d’Entrée et de Séjour et le droit d’Asile » (CESEDA) est la version française des recommandations de la Commission. Celle-ci, comme les différents ministres des finances, a clairement identifié les secteurs où les entreprises ont besoin de main d’oeuvre : BTP, hôtellerie, restauration, agriculture. Intitulée par la suite « Immigration choisie et Intégration », la loi CESEDA « met en place une vraie politique de quotas pour maîtriser les flux migratoire » comme l’a déclaré le Président N. Sarkosy lors de la conférence de presse du 8 janvier 2008.

Dans cette loi, deux catégories d’étrangers sont définies.

- La catégorie « talents et compétences » qui donne droit à un titre de séjour de trois ans et le droit au regroupement de famille au bout de six mois.

- celle « des bras » soumise aux besoins du patronat et aux aléas de l’activité économique. Un immigré appartenant à cette catégorie est soumis à une avalanche de statut, selon les secteurs qui l’emploieront. Dans tous les cas, contrat de séjour et contrat de travail sont interdépendants (une première depuis 1937). Le contrat de travail peut être interrompu sans justification par l’employeur, ce qui entraînera immédiatement l’invalidité du titre de séjour.

La disparition de la notion de plein droit et la combinaison de critères particulièrement restrictifs a pour effet de renvoyer à la clandestinité la plupart des personnes, aujourd’hui, régularisées pour raison médicale. En relevant les conditions du regroupement familial (ressources, logement, avis du maire sur l’intégration), le gouvernement a réduit le droit de vivre en famille pour les étrangers, même en situation régulière. Dans tous les cas de figure, ces femmes et ces hommes constitueront une « main-d’oeuvre bon marché », expulsables à tout moment.

Mais un « Code d’entrée » aussi régressif ne va pas sans un « Code de sortie » plus répressif. C’est le sens de la directive « Retour » adopté par le parlement européen le 18 juin 2008.

Cette directive définit des « normes communes pour une politique efficace d’éloignement et de rapatriement. »

Notamment, elle fixe à 18 mois la durée maximale de placement en rétention des étrangers susceptibles d’être expulsés et crée un fond européen pour le transport des expulsés. Avant l’expulsion effective, la rétention est la deuxième étape d’une décision administrative ou juridique dans le cas où le retour volontaire n’est pas suivi d’effet. « L’acte retour » est assorti d’une interdiction de séjour de cinq ans.

Pour ce faire, grâce au système d’information Schengen de deuxième génération (SIS II), un État membre dispose d’un accès rapide aux informations relatives aux interdictions d’entrée imposées par les autres États membres. En adoptant le pacte sur l’immigration, l’U.E s’attaque aux symptômes alors que les causes sont passées, au nom de la sacro - sainte loi du marché, sous silence.

Enfin, l’ensemble de ces outils juridiques et policiers combiné aux dispositifs de surveillance électronique et aux barrières terrestre et maritime mis en place aux frontières extérieures de l’Union Européenne transforme l’espace européen en une véritable forteresse avec comme conséquence probable, entre autres, l’organisation à grande échelle de la traite d’êtres humains.

Pour Louise Arbour, Haut commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, ceux qui fuient la misère ou la famine doivent bénéficier des mêmes garanties que les demandeurs d’asile(3) car cette directive « retour » rabaisse les normes de protection des droits de l’Homme dans le monde.

(1) Raymond W. Baker, Marie-Blanche Daigneault (Traductrice) : Le talon d’Achille du capitalisme : L’argent sale et comment renouveler le système d’économie de marché. Broché, paru le : 24/09/2007. Editeur alTERRE

(2) Monde Diplomatique : ERIC TOUSSAINT : Sortir du cycle infernal de la dette, octobre 1997, Pages 16 et 17

(3) Directive retour : première pierre de la "forteresse Europe" ? Caroline de Camaret, http://www.france24.com/fr/20080618-immigration-europe-caroline-camaret-texte

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