RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

Venezuela : élements de réponse aprés la défaite de Chavez au référendum



Consultation dans un service d’ ophtalmologie, photo Vive






Eléments de réponse à l’analyse collective de la défaite au Referendum sur la Réforme constitutionnelle.



Caracas, 5 décembre 2007.


Les résultats du référendum sur la Réforme partielle de la Constitution de la République bolivarienne sont désormais connus de tous. Le "Non" l’a emporté de peu. Devant la surprise de ces résultats, diverses analyses ont été publiées. Nous y ajoutons ici la notre.


A propos de Podemos, de Baduel et du "mouvement étudiant virtuel".

Comment interpréter leur poids dans l’élection de dimanche ?

Si l’on regarde les chiffres de l’élection, on peut noter que l’opposition augmente son score de 211.888 électeurs (soit 1.3% du corps électoral). Où sont donc passés les 759.826 électeurs qui avaient choisi de voter pour Podemos à l’élection présidentielle de décembre 2006 ? Où sont passés les soit disant partisans du général Baduel ? Où sont "les multitudes" d’étudiants surgis lors de la non-rénonvation de la concession hertzienne publique à RCTV et qui manifestaient contre la Réforme de la Constitution ?

Il n’est point né de nouvelle force politique au Venezuela. L’opposition a réussi à mobiliser son habituel potentiel électoral. En fait, c’est plus l’apparition médiatique de ces "nouveaux acteurs" de l’opposition, qui a eu pour tache de faire douter les électeurs chavistes. Il en est de même pour les anarchistes libertaires ou une fraction minoritaire du trotskysme. Leurs appels à l’abstention ont été immédiatement relayés dans les media de droite. C’est l’utilisation de nouvelles têtes ou de dissidents revenus à la Raison par les anciens partis et les media commerciaux qui a permis une forte mobilisation de l’opposition et une apathie des secteurs chavistes.

Donc, pas nouveaux leaderships au sein de l’opposition. Au contraire, dans l’Etat d’Aragua, le "Oui" l’a emporté avec plus de 52%, en dépit du fait que le gouverneur soit de Podemos, que le secrétaire général de Podemos soit élu député dans une circonscription de l’Etat d’Aragua, et surtout que le général Baduel soit originaire de cet Etat et fut longtemps commandant de la base de parachutistes basée dans la capitale de l’Etat.

Quant au "mouvement étudiant virtuel" formé pour les coups d’Etat soft, leur popularité ne survit jamais à l’échéance politique pour laquelle ils ont combattu. Rappelons par exemple que Pora, l’élève ukrainien d’Otpor n’a totalisé que 1.47% des voix aux élections législatives qui ont suivi la Révolution Orange.



Derrière l’arbre, une forêt de problèmes à régler.

Si l’opposition peut compter sur tout le potentiel électoral qu’elle avait capitalisé en décembre 2006, en revanche dans le camp chaviste, il y a une différence de 2.929.688 voix entre l’élection présidentielle et celle du referendum pour le bloc A, dont la majorité des articles furent proposés par le président Chavez. Constat : les chavistes sont restés chez eux. Pourquoi ?

Premièrement, un certain triomphalisme régnait dans le camp du président Chavez depuis sa récente élection. Certain ne se sont pas déplacé sûrs de la victoire du "Oui".

Deuxièmement, certains électeurs qui avaient voté Chavez ne se sont pas déplacés car le gouvernement n’a pas donné de réponses à un problème concret : l’insécurité. Bien que l’insécurité au Venezuela ne soit pas arrivée avec Chavez, et bien que celle-ci était tout aussi élevée lors des élections présidentielles, l’opposition a su particulièrement bien utilisé ce facteur pour assimiler le "Non" à l’insécurité au "Non" à la réforme constitutionnelle. Plus généralement, une partie du chavisme a décidé de ne pas aller voter pour exprimer son mécontentement sur la lenteur de certains changements, sans pour autant voter pour une opposition qu’ils détestent. C’est ce qui a permis à deux grands quartiers populaires (Petare et Caricuao) de Caracas de donner le "Non" vainqueur.

Troisièmement, la guerre psychologique et médiatique menée par les media commerciaux fut particulièrement forte et les moyens de communication du gouvernement ou du Parti Socialiste Uni du Venezuela n’ont pas été à la hauteur. Les messages de l’opposition et des media commerciaux étaient généralement courts, basé sur leur interprétation des articles, et très chargés émotionnellement. En résumé, c’était "avec la Réforme, c’est la fin de la liberté et de la démocratie", "l’Etat sera propriétaire de ta maison, ton téléviseur, tes enfants, etc...". Au lieu de répondre sur le même registre, la télévision d’Etat a fait défilé un grand nombre d’intellectuels certes passionnant mais présentés de manière très ennuyeuse, pour venir expliquer pendant des heures la réforme constitutionnelle, texte en main.

Explication rationnelle Vs. Conquête émotionnelle : les vénézuéliens ont exprimés dans les urnes quelle fut la meilleure stratégie. Dans les témoignages que nous avions pu recueillir peu avant le vote, nous avions noté que l’appel à la réaction émotionnelle fait par l’opposition entraînait un vote contraire aux propres intérêts de l’électeur. Ainsi, une ouvrière agricole de l’Etat du Tachira allait voté "Non" par peur de voir ses jeunes enfants enlevés par des fonctionnaires pour les emmener à Cuba. S’il n’y avait évidemment rien de tel dans la proposition de Réforme partielle de la Constitution, en revanche l’article 307 interdisait le latifundio, et ouvrait donc la voie à une possible propriété pour cette ouvrière agricole. Dans un autre registre, cet homosexuel du centre de Caracas, qui a voté "Non" pour défendre la liberté. Moins vague que la défense de la liberté, l’article 21 interdisait toute discrimination en raison de l’orientation sexuelle. Ou encore cette personne d’un quartier populaire de Caracas qui n’allait pas aller voter par peur que le gouvernement lui enlève sa maison, sans vouloir se rendre compte que le titre de propriété du terrain de sa maison lui a été donné par ce même gouvernement, ou que la réfection de sa maison a été rendu possible par un micro-crédit donné par...le gouvernement. Le résultat de l’élection de dimanche met en évidence une mauvaise gestion communicationnelle de la part du gouvernement dès lors qu’il ne s’agit pas de Hugo Chavez en tant que personne.

Ce que met aussi en lumière le résultat du 2 décembre 2007, c’est la confusion qui règne au Parti Socialiste Uni du Venezuela. Plus de 6.000.000 de militants, et à peine 2/3 qui se retrouvent dans les urnes (car n’oublions pas les apports des sympathisants et des militants du Parti Communiste et du parti Patrie Pour Tous). Où sont donc passés ces militants ? Quel est le nombre réel de militants sincères ?

Certains élus de municipios, dont l’élection s’explique seulement parce qu’ils sont membres du Parti du président Chavez, appelaient ouvertement à voter "Non". Une certaine clarification devrait être nécessaire dans le camp de la Révolution pour continuer à approfondir la transition vers le Socialisme. C’est ce que demandait, dés le lundi après-midi, environ 2000 manifestants concentrés au pied du Palais Présidentiel, aux cris de "Dehors les traîtres à la Révolution", ou encore "Nettoyage général". [1]



Deux pièges à éviter

Certaines analyses montrent que la réaction du président Chavez empêchera désormais les entreprises de communications internationales de le traiter de dictateur. Rien n’est moins sûr ! Il n’y a qu’à regarder comment Courrier International en France préparait une victoire du "Oui" au référendum. Quelques jours plus tard, dans son émission "Tout le Monde en parle", Laurent Ruquier s’enthousiasmait de la défaite des chavistes au motif que "la réforme constitutionnelle donnait les pleins pouvoirs à Chavez et lui permettait de devenir président à vie" (sic). Si ces réactions nous montrent comment aurait été reçu la décision du Peuple vénézuélien si celui-ci avait majoritairement voté pour le "oui", elles nous indiquent surtout que les entreprises médiatiques continueront leurs entreprises de désinformation sur le Venezuela. De la même manière qu’elles ont oubliés le coup d’Etat, le lock-out et le sabotage de l’économie pétrolière dans l’explication du contexte vénézuélien, elles oublieront bien vite le résultat défavorable des urnes accepté par un président démocratiquement élu, pour présenter un dictateur assoiffé de pouvoir au fur et à mesure que le gouvernement continuera sur la voie du Socialisme.

L’autre piège est de croire que l’opposition est soudainement devenue démocratique car elle accepte le résultat des urnes. Dés le début de l’après midi du 2 décembre, de nombreux leaders de l’opposition, dont le général parachutiste Raul Baduel, appelaient à ne reconnaître les résultats qu’en cas de victoire de l’opposition. Drôle de vision de la démocratie. On ose imaginer ce qui se serait passé si Chavez ou un membre du gouvernement bolivarien eut tenu un tel discours. Comme nous l’avions déjà montré, l’opposition au gouvernement bolivarien n’est démocratique que lorsque cela arrange son image internationale.(Voir par exemple "La Contre-révolution endogène unifié", "Le Rose Brun" , ou plus récemment "Réforme Constitutionnelle ou Déstabilisation" ).

Toute une infrastructure était prête pour lancer une Révolution colorée en cas de victoire du "Oui". On peut même avancé que l’intense campagne médiatique nationale et internationale contre la Réforme, l’action des étudiants du "mouvement étudiant virtuel" qui ont bien réussi à imposer une vision d’un gouvernement "répressif" et "totalitaire", le blocus organisé sur des aliments de première nécessité, la guerre psychologique, ont réussi leur objectif d’empêcher l’approbation de la Réforme constitutionnelle. Pour être démocratique, il serait aussi bon de laisser la démocratie se développer sans influer de manière anti-démocratique sur une élection.

L’acceptation des résultats par le président Chavez juste après leur annonce officiel va permettre de desserrer un instant l’étau médiatique autour du Venezuela. Un cours instant puisque le président a annoncé le 5 décembre 2007, qu’il ne pouvait plus présenter de réforme constitutionnelle durant son mandat mais que le Peuple le pouvait. En effet, l’article 342 de la Constitution (défendue désormais par l’opposition "démocratique") prévoit que si 15% du registre électoral présente une proposition de réforme à l’Assemblée Nationale, celle-ci peut décidé l’organisation d’un référendum. On peut donc s’attendre à ce qu’une deuxième version de la Réforme constitutionnelle soit proposée aux vénézuéliens dans les années qui viennent. Nous verrons alors la posture des entreprises de communication internationales et l’attitude de l’opposition vénézuélienne.

Pour le reste, le président Chavez reste au pouvoir jusqu’en 2012 malgré la demande de démission lancé par certains membres de cette opposition "démocratique". Le Socialisme vénézuélien a encore plusieurs années d’approfondissement devant lui. En espérant que les erreurs qui ont conduit à la défaite du 2 décembre sauront être analysées par le gouvernement et les militants révolutionnaires pour pouvoir pallier à certaines défaillances et éviter ainsi une répétition du scénario du 2 décembre 2007.

Romain Migus




Les principaux points de la réforme proposée par Hugo Chavez.


Voici les principaux points du texte qui fait l’objet du référendum au Venezuela dimanche 2 décembre. Ces nouvelles dispositions modifient 69 des 350 articles de la Constitution vénézuélienne.



POLITIQUE :

- droit de se présenter indéfiniment à la présidentielle
- allongement du mandat présidentiel qui passe de 6 à 7 ans
- création d’un "état d’exception" illimité qui suspend le droit à l’information, en cas de putsch, invasion, guerre ou désastre naturel
- possibilité de "désigner et démettre" les vice-présidents et les autorités de nouvelles entités régionales en cas de crise
- création de conseils communaux décentralisés pour exercer le "pouvoir populaire"
- abaissement de l’âge de la majorité électorale à 16 ans


ECONOMIE :

- promotion de l’activité "sous les principes de l’économie socialiste"
- fin de l’autonomie de la Banque centrale, gestion par le président des "réserves internationales" et de "la politique monétaire".
- garantie d’une part majoritaire de l’Etat dans le secteur pétrolier du 6e pays exportateur mondial
- interdiction de privatiser les entreprises publiques
- droit de procéder à des expropriations pour assurer la "sécurité alimentaire", prohibition du "latifundisme" (système de grands domaines agricoles privés).


SOCIAL :

- réduction de la journée de travail de 8 à 6 heures
- sécurité sociale garantie pour les travailleurs non déclarés, soit près de la moitié de la population active.
- institutionnalisation des "missions bolivariennes", nom donné aux programmes sociaux du régime, financés par la rente pétrolière.

 Source : Nouvelobs.com, 3 décembre 2007.




Venezuela : que signifie la défaite de Chavez au référendum ? par Alan Woods.



Venezuela - défaite de Chavez au référendum : un camouflet ? Critique du processus, par Christophe Ventura, David Litvak.




Reporters sans frontières contre Hugo Chávez, Salim Lamrani.


Venezuela : Les paradoxes de la révolution bolivarienne, par Pierre Beaudet.



Mensonges médiatiques Venezuela : réponse à l’article « L’opportunisme humanitaire de Chávez » publié par Libération, par G. Brustier et C. Ventura.


Venezuela, référendum du 2 décembre - De l’intelligence des ânes, par Thierry Deronne.

Hugo Chávez et la réforme constitutionnelle, par Salim Lamrani.


Venezuela Référendum 2 décembre. Réforme Constitutionnelle et Déstabilisation : Chronique(s) d’une Révolution en marche, par Romain Migus.



Enfin ! TOUTE la vérité sur l’affaire Chavez / Zapatero / Ortega / Juan Carlos, par Romain Migus.


Le livre est arrivé : La face cachée de Reporters sans frontières (De la CIA aux Faucons du pentagone), par Maxime Vivas.






[1Voir la video : www.aporrea.org.


URL de cet article 5788
   
Même Thème
Code Chavez - CIA contre Venezuela
Eva GOLINGER
Code Chavez présente des documents secrets de la CIA et d’autres organismes des Etats-Unis, obtenus par l’avocate Eva Golinger. Son investigation passionnante révèle le mode opératoire de la CIA pour déstabiliser et renverser un pouvoir trop indépendant. Là où le Chili d’Allende avait été assassiné, le Venezuela de Chavez a réussi à résister. Pourtant, Bush, par l’odeur du pétrole alléché, met le paquet : coup d’Etat militaire en 2002, coup d’Etat économique et sabotage en 2003, campagne (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

Depuis 1974 en France, à l’époque du serpent monétaire européen, l’État - et c’est pareil dans les autres pays européens - s’est interdit à lui-même d’emprunter auprès de sa banque centrale et il s’est donc lui-même privé de la création monétaire. Donc, l’État (c’est-à -dire nous tous !) s’oblige à emprunter auprès d’acteurs privés, à qui il doit donc payer des intérêts, et cela rend évidemment tout beaucoup plus cher.

On ne l’a dit pas clairement : on a dit qu’il y avait désormais interdiction d’emprunter à la Banque centrale, ce qui n’est pas honnête, pas clair, et ne permet pas aux gens de comprendre. Si l’article 104, disait « Les États ne peuvent plus créer la monnaie, maintenant ils doivent l’emprunter auprès des acteurs privés en leur payant un intérêt ruineux qui rend tous les investissements publics hors de prix mais qui fait aussi le grand bonheur des riches rentiers », il y aurait eu une révolution.

Ce hold-up scandaleux coûte à la France environ 80 milliards par an et nous ruine année après année. Ce sujet devrait être au coeur de tout. Au lieu de cela, personne n’en parle.

Etienne Chouard

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.