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Les évènements d’Amsterdam et le retour à l’Inquisition

Les derniers évènements d'Amsterdam, autour du match de football entre le club Ajax et le club Maccabi de Tel-Aviv, sont significatifs en cela qu'ils illustrent bien le détournement du thème de l'antisémitisme pour en faire un instrument idéologique et de propagande.

Considérons les faits. Ils parlent d’eux-mêmes.

Les supporters israéliens du club de Tel-Aviv sont des hooligans. Ils sont connus pour être violents, racistes, par leurs manifestations anti arabes et anti palestiniennes en Israël même.

Dès leur arrivée à Amsterdam, le 7 Novembre, ils envahissent les rues. Ils crient ""Vivement que les soldats israéliens tuent tous ces pu... d’arabes", Et "Pourquoi il n’y a pas école à Gaza, c’est parce qu’il n’y a pas d’enfants là-bas" et d’autres slogans aussi "pacifiques". Ils arrachent et brûlent deux drapeaux palestiniens mais aussi des drapeaux hollandais. Ils tabassent un chauffeur de taxi marocain et détruisent son véhicule. Au stade, ils sifflent la minute de silence en hommage aux victimes des inondations de Valence et crient que "l’Espagne est antisémite", pour avoir reconnu l’Etat de Palestine.

L’affaire aboutit donc finalement, à la sortie du match, à des échauffourées. Des vidéos montrent des supporters israéliens poursuivis dans les rues. On ne sait d’ailleurs pas qui les poursuit. L’enquête le déterminera. La principale vidéo, celle qui va être utilisée intensément par les médias, montre un supporter israélien mis à terre. Il crie à son agresseur (étrangement qu’on ne voit pas) qu’il n’est pas juif, lui propose de l’argent tandis que celui qui le brutalise lui crie "tu veux donc tuer des enfants !" Rien n’indique la provenance de cette vidéo.

Ce serait donc une bagarre entre supporters comme il y en a eu beaucoup si ce n’est qu’ici elle a pris une tournure politique, par la politisation faite du match, dès le départ, par les supporters israéliens qui ne se doutaient pas de la riposte qu’ils allaient causer. Cette riposte, prend aussi, par le miracle des médias pro-israéliens, la signification d’un "pogrom antisémite". Tout tend, d’ailleurs, à être qualifié de "pogrom", dans la bouche d’Israël et de ses protecteurs, depuis le 7 Octobre 2023. On ajoute même, ces derniers temps, "ratonnades", expression de l’Algérie coloniale, pour désigner la "chasse à l’Arabe dans les rues, et les lynchages de masse d’Algériens pratiqués alors par les "pieds noirs", nom de la population des européens et juifs d’Algérie.

Les non-dits

Particulièrement intéressants sont les non-dits des médias israéliens et de ceux qui reprennent leurs propos en Occident. Le mensonge par omission est d’ailleurs une des techniques principales de la propagande.

Ainsi, ils ne disent pas, du moins au début de leur compte rendu des faits, que ce sont les supporters israéliens qui ont commis des violences, à la fois physiques et verbales, par le contenu de leurs slogans. On ne le saura que peu à peu lorsque que ces médias se résoudront à dire quelques bribes de vérité sur ce point vu la diffusion des images sur les réseaux sociaux et dans les premières informations de la police hollandaise.
Il n’y a aucune trace d’antisémitisme dans les propos diffusés. S’il y a bien de "l’anti-quelque chose", c’est chez les supporters israéliens, avec des slogans anti arabes, avec leurs appels à tuer les Arabes et plus monstrueusement encore d’achever le massacre des enfants de Gaza. Même la scène du supporter israélien qui crie qu’il n’est pas juif, laquelle est supposée être un document antisémite à charge, se retourne en réalité contre les propagandistes puisqu’elle permet de savoir qu’il a crié à l’assassinat des enfants palestiniens.

Rien ne permet de dire "qu’il y a eu dans les rues une chasse aux juifs". Des Juifs d’Amsterdam ont-ils été visés ? Il s’agit de supporters israéliens, d’une équipe israélienne, agressés en tant que tels.

On peut classer de même dans les non-dits, le silence médiatique occidental incroyable sur le fait qu’Israël, Etat situé au Proche-Orient, participe aux compétitions européennes. C’est donc une anomalie géographique. C’est la définition même de la colonie. C’est reconnaitre, de fait, qu’Israël est étranger au Proche-Orient, qu’il est un élément de l’Occident. Quel aveu ! L’anomalie n’est même pas relevée, pire on n’y pense même pas en Occident. Le matraquage propagandiste et la vision sioniste sur la question ont fini par faire perdre le sens des choses, ou plus exactement le bon sens même.

Mais Israël et ses soutiens semblent, désormais, après le génocide de Gaza, pris à leur propre piège puisque d’évidence les équipes d’Israël ne sont pas les bienvenues dans les capitales européennes. Cela a été déjà le cas en septembre, en Belgique où le match Belgique-Israël a été annulé par la ville de Bruxelles pour "raisons de sécurité".

Tags, Tifo, "l’antisémitisme d’atmosphère"

Le 10 novembre, une manifestation de protestation des étudiants a lieu à l’Université de Lyon contre la visite de la présidente de l’Assemblée nationale française Mme Yaël Braun-Pivet aux cris de "Israël assassin", "Yaël complice" . On se souvient que c’est elle qui avait exprimé, à l’Assemblée française, "son soutien inconditionnel" à Israël qu’elle visite le 20 Octobre, pour lui exprimer ce soutien, et ceci en plein massacres à Gaza.

A l’Université de Lyon III, des tags ont été peints sur les murs, dénonçant ce "soutien inconditionnel". Ils rappellent le nombre de 40 000 morts, les milliers d’enfants tués à Gaza. C’est donc la stricte vérité. Mais il n’en faut pas plus aux médias pour y lire de "l’antisémitisme". On suggère même que c’est parce que la présidente de l’Assemblée française est d’origine juive qu’elle est ainsi prise à partie. C’est ce qu’elle dit aussi. Sur un plateau de la chaine d’information LCI, un commentateur demande à un vice-président du CRIF en quoi ces tags peuvent être considérés comme spécifiquement antisémites. Il répond que "c’est l’intention qui est antisémite, car elle est de détruire Israël".

Dans la même veine, un autre argument de propagande a désormais cours, celui d’un "antisémitisme d’atmosphère". C’est dire le délire ambiant.

Dans le même contexte, le 8 novembre, un Tifo, une immense banderole "Free Palestine" avait été déployée au stade du "Parc des princes" à Paris, pour un match du club PSG. Le Tifo demandait la paix. Le même vice-président du CRIF, interrogé aussi à ce sujet sur la même chaine, refuse d’y voir un appel à la paix pourtant écrit en lettres géantes et il y perçoit, de nouveau, une volonté de détruire Israël à travers l’expression "Free Palestine" et le croquis, dessiné sur la Tifo, d’une Palestine aux couleurs du célèbre foulard palestinien, le "keffieh".

"Ils veulent détruire Israël"

Parlons justement de ce thème sans cesse rabâché de volonté de "détruire Israël". C’est un élément central de la propagande sioniste au côté de la dénonciation de l’antisémitisme. Il est brandi pour tout : pour justifier le refus d’un Etat palestinien , celui de négocier ( "on ne négocie pas avec qui veut nous détruire") , les guerres pour "assurer la sécurité d’Israël", le nettoyage ethnique etc.

La vérité est que la seule réalité de destruction à laquelle on assiste, c’est la destruction des Palestiniens et de la Palestine. Israël n’est, elle, en aucune situation d’être détruite. Et puis quelle est la rationalité d’un tel argument qui se veut définitif, sans appel, dans une propagande qui veut décidément obscurcir jusqu’au bon sens et s’emparer des esprits. Combien de pays ont des adversaires qui rêveraient les détruire. Et parmi les plus grands. Et pourtant ils coexistent. Dans la propagande israélienne l’intention vaut l’action. Reprocher à un autre d’avoir des intentions hostiles est une chose, refuser pour cela de négocier avec lui en est une autre. Car, à ce titre, il n’y aurait que la guerre et aucune solution diplomatique. N’est-ce pas ce que veulent les dirigeants israéliens ? Et puis il est bien étrange cet Etat qui vit en permanence dans la hantise d’être détruit. C’est peut-être qu’il sent qu’il se détruit lui-même. Que Hamas ou le Hizbollah veuillent détruire l’Etat Israélien, peut-être. Mais refuser de négocier avec eux c’est ne leur laisser qu’une seule solution pour que la Palestine existe c’est détruire Israël. Et c’est justement ce dont Israël les accuse tout en refusant de négocier. Que d’incohérences.

Israël et les Juifs

On peut remarquer que le discours de propagande pro-israélienne est tenu de plus en plus souvent par un personnel d’origine juive dans les médias mainstream. C’est le signe indirect d’un isolement de ce discours. Mais c’est aussi dangereux car cela aboutit, dans l’opinion, à un amalgame entre l’identité juive et le discours pro-Israël dans les moyens d’information. Beaucoup de juifs ont senti le danger et se sont démarqués de ce raccourci.
Les évènements d’Amsterdam, bien qu’il ne s’agisse pas d’un affrontement identitaire puisqu’ils concernent des supporters israéliens, en anticipent pourtant le danger. Tout le monde le sent, les Juifs les premiers, qui sont effrayés par ces dérives dangereuses qu’a accéléré le génocide de Gaza. On peut craindre qu’ils se multiplient un peu partout en Occident au détriment des communautés juives dans le monde. En d’autres termes, Netanyahou, dans la pure idéologie sioniste, veut "mouiller" les Juifs, tous les Juifs et ses actes en sont d’autant plus néfastes.

Jacques Attali, brillant intellectuel lorsqu’il a l’audace de se détacher d’une certaine dictature communautaire et de lui dire quelques vérités, signalait déjà en 2007, dans un texte intitulé "l’avenir incertain" , "le déclin de la communauté juive dans le monde". Il écrivait alors " Nous avons donc à affronter le fait, souligne-t-il, que la population juive est de plus en plus minoritaire, faible et en voie de disparition". En Europe, poursuivait-il, "Il y aura un jour, 3 millions de juifs et 50 millions de musulmans". Et il concluait, "par rapport à cela, il faut tout faire pour que cette relation soit positive et non antagonique". Il liait même ce déclin à un "déclin intellectuel".

Un mouvement de juifs antisionistes s’est développé de plus en plus aux Etats Unis et en Occident.

Un autre match, mais à Paris

Après les incidents d’Amsterdam, le président Macron annonce, le 10 novembre, qu’il va assister au match France-Israël qui doit avoir lieu le 14 Novembre à Paris, "afin d’envoyer un message de fraternité et de solidarité après les actes antisémites intolérables" survenus à Amsterdam.

Le président Macron avait fait l’objet d’intenses critiques du système médiatico-politique français pour ne pas avoir participé à la manifestation très officieuse "contre l’antisémitisme" organisée, l’an passé, le 12 novembre 2023 , en réponse aux grandes manifestations de solidarité avec la Palestine.

Au CRIF (le puissant et influent Conseil Représentatif des Institutions Juives de France), le 8 Octobre, le nom du président Macron est hué lorsqu’il est prononcé par le nouveau Premier ministre français qui était venu se présenter à cette organisation. Puis, plus récemment, le président français fait l’objet de vives attaques des médias lourds français et de personnalités politiques même proches de son camp pour avoir évoqué la contradiction entre " préconiser un cessez le feu et continuer de fournir des armes à Israël" et pour ses reproches faits à Netanyahu de mener une "guerre barbare".

Beaucoup interprètent donc l’annonce qu’il vient de faire d’assister au match comme le résultat de toutes ces pressions politiques et comme une manière de rattraper son absence à la manifestation contre l’antisémitisme. C’est dire l’influence d’Israël dans la vie politique française.

Mais, Netanyahou est peu sensible apparemment au geste du président Macron d’assister au match. Le premier ministre israélien demande aux supporters israéliens de ne pas y assister pour leur sécurité, ce que ceux-ci avaient d’ailleurs anticipé.

Il avait annoncé qu’il avait donné le 8 novembre des instructions au Mossad pour protéger les supporters israéliens en Europe, sans se soucier que cela soit interprété comme une atteinte à la souveraineté des Etats européens. D’ailleurs on annonce que des policiers israéliens seront présents le jour du match. Une véritable exterritorialité pratiquée par Israël qui la refuse, coïncidence des évènements, à la France dans la gestion d’un lieu de culte chrétien, le domaine Eleona, domaine national français à Jérusalem. Le 7 Novembre, deux gendarmes français qui surveillent le lieu sont molestés et arrêtés, puis relâchés.
Netanyahou, et les médias français, concernant ce match France-Israël, parlent tantôt de sécurité des Israéliens, tantôt de celle des "Juifs de France". On ne sait plus à qui les consignes de sécurité données sont adressées. C’est une confusion, une assimilation, un amalgame permanents entre juifs et israéliens et ensuite il est reproché aux autres de le faire.

Le CRIF se sent impliqué par cette rencontre de football parce qu’elle va avoir lieu avec Israël, une équipe qui n’en reste pas moins, du moins théoriquement, étrangère pour lui. Et pourtant, il intervient officiellement pour que la rencontre ne soit pas reportée ou annulée en France. Et c’est lui, et les médias et politiciens français qui l’appuient, qui reprochent à ceux qui manifestent leur solidarité avec la Palestine "d’importer le conflit israélo- palestinien en France". Mais qui le fait, si ce n’est eux, en agissant comme cela en permanence ? Et au bout de ces arguments, ils proclament que toute hostilité à Israël a un contenu antisémite.

L’accusation d’antisémitisme, arme ultime

Finalement on peut se demander pourquoi Israël, les médias, le sionisme et les hommes politiques qui lui emboitent le pas, utilisent sans cesse l’argument de l’antisémitisme alors qu’Israël pourrait, comme tout Etat, comme tout pays, dénoncer l’hostilité de ses ennemis. La réponse est toute simple : c’est parce qu’Israël, et ses soutiens inconditionnels, n’ont pas d’autre argument. Quel argument pourrait, en effet, permettre de justifier le génocide de Gaza, la colonisation de la Palestine, le martyre palestinien depuis plus de 7 décennies ?
Il faut donc que la propagande pro-israélienne, l’idéologie sioniste, transforment les victimes en coupables. La propagande affirme alors que si, à Amsterdam, les supporters israéliens ont été agressés, ce n’est pas parce qu’ils ont scandé des slogans monstrueux et qu’ils ont agressé en premiers, mais c’est parce qu’ils sont Juifs.

Pour Israël, Hamas et Hezbollah ne sont pas des organisations nationales, l’une palestinienne et l’autre libanaise, ce sont des "organisations terroristes antisémites qui veulent la destruction d’Israël". Les 15 000 enfants assassinés de Gaza aussi, des futurs antisémites. Les Juifs antisionistes des Etats unis et ailleurs, aussi ! Les millions qui dénoncent, partout dans le monde le génocide à Gaza, aussi, tous antisémites ! Le monde est antisémite !

L’antisémitisme permet, à la fois, de tout expliquer et de ne rien expliquer. La rationalité des arguments de ceux qui dénoncent les crimes d’Israël est remplacée par l’accusation qu’il y a, tapi en eux, un sentiment vieux comme le monde, qui les habite, qui dirige leurs actions et dont ils n’ont pas peut-être conscience : la haine du Juif, l’antisémitisme. L’argument de l’antisémitisme permet de placer la question israélienne hors du temps, hors de toute logique. Refuser le génocide, accuser Israël de commettre des crimes contre l’humanité, est devenu un délit d’antisémitisme. Chaque critique d’Israël est devenue un crime.
Le monstre a été sacralisé. L’Occident a abandonné Dieu mais il l’a remplacé par Israël. Israël est devenu un dieu sioniste, un dieu païen qui demande toujours plus de victimes, toujours plus de sang, toujours plus de sacrifices humains.

L’accusation d’antisémitisme joue le rôle que jouait celle d’être apostat. Elle est destinée à terroriser les gens, à les empêcher de dire toute vérité sur les crimes d’Israël. Chaque mot à ce sujet est devenue un blasphème. On projette même en France et aux Etats Unis de faire une loi spéciale sur la question du rapport entre l’antisémitisme et l’hostilité à Israël. Les mots n’ont plus de sens. La liberté d’expression aussi. Israël, dans son délire meurtrier, veut entrainer tout l’Occident dans son sillage, et le faire retourner à l’Inquisition.

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Un futur présent, l’après-capitalisme, de Jean Sève
Michel PEYRET
Une façon de dépasser le capitalisme Le livre de référence L’essai de l’historien Jean Sève intitulé Un futur présent, l’après-capitalisme (La Dispute, 2006). Ce livre propose une interprétation du mouvement historique actuel dans le sens du dépassement possible du capitalisme. Il énonce ce qu’il envisage comme des preuves de l’existence actuelle de « futurs présents » qui seraient autant de moyens de ce dépassement du capitalisme déjà à l’oeuvre dans le réel. Sur la question (…)
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