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Radicalisation des États-Unis contre le Venezuela ?

Tandis que le Venezuela du président Maduro - réélu depuis 2013 - semble sortir de l’ornière sur le plan économique, les agressions étasuniennes au faux-nez démocratique se multiplient contre l’Etat pétrolier. A tel point que les autorités vénézuéliennes ont récemment dénoncé une nouvelle tentative de coup d’Etat invariablement financée et pilotée par les Etats-Unis.

Si la guerre d’Ukraine et le génocide en Palestine sont les deux points brûlants de la situation mondiale, le conflit qui caractérise notre planète est d’ampleur mondiale. La crainte des puissances occidentales de perdre leur hégémonie mondiale et avec elle les surprofits qui l’accompagne, les pousse à multiplier leurs ingérences et agressions sur tous les points stratégiques de la planète.

Le Venezuela est depuis longtemps dans le viseur de Washington en raison de sa situation géographique, de ses prises de position tant au niveau de la politique économique interne qu’au niveau international et enfin de ses alliances stratégiques avec les BRICS, la Chine, la Russie, l’Iran, Cuba, etc.

Le dernier épisode des agressions contre le Venezuela a été révélé par l’annonce, le 14 septembre, de l’arrestation de sept ressortissants étrangers, quatre étasuniens, deux espagnols et un Tchèque, accusés de préparer un coup d’Etat en faveur de la cheffe de l’opposition Maria Corina Machado et la saisie de 400 fusils de marque étasunienne.

Actes terroristes

Le ministre de l’Intérieur Diosdado Cabello explique comme suit ces arrestations : « Les services de renseignement espagnol et étasunien ont contacté des mercenaires d’Europe de l’Est et ils sont en train de mener une opération pour tenter d’attaquer notre pays. Les 400 fusils saisis étaient destinés à des actes terroristes ici, au Venezuela, un terrorisme encouragé par des secteurs politiques. Nous savons même que le gouvernement des EU est lié à cette opération ».

En attendant une documentation de ces faits permettant de se faire une opinion définitive, force est de rappeler qu’ils ne sont pas improbables compte-tenu à la fois de l’utilisation fréquente de ce type de moyens par Washington sur l’ensemble de la planète ; en particulier en Amérique Latine, d’une part, et de l’enjeu que constitue le contrôle du Venezuela pour le contrôle de la région, d’autre part.

De la tentative d’invasion de la baie des Cochons à Cuba en avril 1961 au coup d’Etat contre Salvador Allende en septembre 1973 en passant par le coup de force contre Evo Morales en 2019 et par une multitude d’autres exemples.

Surtout une telle tentative est cohérente avec la stratégie étasunienne de pressions sur le Venezuela depuis l’arrivée au pouvoir de Chavez en 1998 allant des sanctions économiques, à la tentative de l’isoler continentalement en passant par le soutien à la tentative de coup d’Etat en 2002.

Sanctions sur sanctions

Pour ne prendre que l’exemple des sanctions économiques, rappelons que les EU et leurs alliés occidentaux les imposent dès décembre 2014 à la suite de l’adoption par le Congrès de la « loi publique de défense des droits de l’homme et de la société civile vénézuélienne ».

Depuis lors les sanctions économiques n’ont fait que se renforcer.

Ainsi par exemple, en 2017, les Etats-Unis et l’Union Européenne décrète un embargo sur les importations d’armes, de matériels électroniques et des mesures interdisant l’accès aux marchés financiers internationaux, ce qui conduit rapidement les principales agences de notations internationales à déclarer le pays en défaut partiel de paiement.

En 2019, des sanctions sont décidées contre la société publique de pétrole et de gaz, la PDVSA, l’empêchant d’être payée pour ses exportations de pétrole aux Etats-Unis et gelant 7 milliards d’actifs sur le territoire étasunien. Arrêtons ici l’énumération de la longue liste de sanction visant à asphyxier économiquement le pays et à susciter des révoltes de la misère contre le gouvernement.

Hypothèse d’une radicalisation des EU

Le dernier épisode d’ingérence étasunienne au Venezuela est l’imposition d’une série de sanctions supplémentaires à la suite de l’invalidation de la candidature présidentielle de 2024 de l’ultralibérale Maria Corina Machado soutenue par Washington et qui avait approuvé les sanctions occidentales qui plongeaient son peuple et son pays dans d’énormes difficultés économiques et dans la pénurie.

La victoire de Nicolas Maduro lors de ces présidentielles a bien entendu été contestée, non seulement par l’opposition vénézuélienne, mais également par Washington et l’Union Européenne. Cette dernière votait même le 19 septembre dernier une résolution reconnaissant le candidat de l’opposition, Edmundo Gonzales Urrutia comme vainqueur.

L’argument de défense de la démocratie, de riposte à la violation des droits humains, de réaction à la violation de la transparence d’un scrutin électoral, est désormais devenus un classique pour mettre en difficulté et pour éliminer les chefs d’Etat et les organisations politiques refusant de faire allégeance aux Etats-Unis. Ces ingérences politiques et ces pressions économiques ayant été insuffisantes au Venezuela, il n’est pas dénué de tous sens de penser que les stratèges étasuniens envisagent de revenir à des moyens plus directs et plus militaires.

Si, depuis longtemps, les puissances impérialistes utilisent le « soft power » ou la stratégie d’influence pour parvenir à leur fin, elles n’hésitent pas à revenir au « hard power » ou puissance dure lorsque leurs intérêts sont en jeu. Les résultats économiques du Venezuela indiquent, en effet, un échec complet du « soft power », de la pression économique et de la stratégie d’isolement du pays. La publication des chiffres du Programme des Nations Unies pour le développement, le PNUD, annonce ainsi une prévision de croissance de 4.2 % pour 2024. A titre comparatif, la Banque de France annonçait, à la même date, une croissance autour de 1 % pour la France.

Le document du PNUD porte un titre éloquent : « Performances macro-économiques du Venezuela au premier trimestre 2024 et perspectives pour l’année ». Le même rapport, publié en juin 2024, annonçait « une inflation considérablement ralentie..., une hausse de la consommation privée de 2.5% et une hausse de la formation de capital fixe de 14.9 % ».

Ces chiffres sont avérés car les calculs du PNUD sont basés sur la compilation et le croisement des données économiques fournies par les statistiques officielles vénézuéliennes et celles du Fond Monétaire International, de l’OPEP, des cabinets spécialisés et des agences de notation internationales. Ils indiquent nettement que le Venezuela est sorti de la spirale économique régressive qu’avaient enclenché les sanctions économiques depuis 2017. Les choix économiques et politiques du Venezuela, l’ont rendu moins dépendant des économies occidentales et lui permettent d’envisager plus sereinement son avenir.

Cette dépendance moindre à l’égard de Washington et de l’Union Européenne n’est, bien entendu pas du goût de ces derniers et pourrait les inciter à des modes d’interventionnisme plus classique en termes de soutien à des rebellions armées et à des coups d’Etat d’une part, en termes d’intervention militaire directe d’autre part et en termes d’articulation des deux pour une troisième part, toujours bien sûr pour « défendre la démocratie ».

Saïd Bouamama

Pour aller plus loin :

« Desempeño Macroeconómico de Venezuela Primer Trimestre 2024 y Perspectivas del Año », PNUD, juin 2024.

« Le Venezuela accuse les Etats-Unis de complot contre le président Maduro, Washington rejette des allégations “catégoriquement fausses” », Le Monde, 15 septembre 2024.

»» https://investigaction.net/radicalisation-us-contre-le-venezuela/
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