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La transition vers l’oligarchie : planifier la recolonisation de Cuba (Dissident Voice)


Traduction "au sein de la torpeur médiatique de l’été" par CSP http://viktor.dedaj.perso.neuf.fr
Diffusion autorisée et même encouragée
Merci de mentionner les sources






Mein Kampf Revisité


Dissident Voice, 10 juillet 2006.


Le Plan

La "Commission d’Assistance à une Cuba Libre" de l’administration Bush, dirigée conjointement par les secrétaires d’Etat et du Commerce, a présenté cette semaine un nouveau rapport à notre président. Il s’agit d’un plan volumineux et détaillé qui énumère les mesures que le gouvernement des Etats-Unis et d’autres "acteurs essentiels" prendront pour ramener Cuba dans le giron des colonies des Etats-Unis qui comprennent, entre autres, les Iles du Pacifique, Porto Rico, Kaboul, et la Zone Verte de Bagdad.

L’Administration a été largement critiquée pour n’avoir pas prévu un tel plan pour l’Irak. Certains affirmèrent même qu’il s’agit là de la raison principale de l’échec de l’occupation. Un des objectifs de ce plan pourrait être de couper court à de telles critiques en ce qui concerne Cuba.

Cela dit, ce plan est assez similaire à celui pour l’Irak (qui n’avait pas été rendu public). En privatisant les secteurs gérés par l’état, ce plan prétend ramener Cuba dans un monde moderne et civilisé en créant une utopie capitaliste où des entrepreneurs privés issus de la "communauté internationale" (principalement les entreprises américaines) et de la "communauté cubaine en exil" (principalement des citoyens américains), et libérés de toutes les entraves sociales, pourront mettre pleinement en oeuvre tout leur génie créative afin de sauver le peuple Cubain de la tyrannie et de la misère tout en se remplissant les poches au passage.

Les préconisations déstabilisatrices anticubaines présentés par ce plan proposent de poursuivre ou de renforcer toutes les mesures existantes, particulièrement les projets de transmissions télévisées illégales à partir d’avions US, et le refus de devises à Cuba par le renforcement du blocus, c’est-à -dire par l’imposition d’amendes aux banques cubaines qui effectueraient des transactions pour Cuba, en punissant et récompensant les gouvernements étrangers qui augmenteront ou diminueront les échanges commerciales avec Cuba, et en limitant encore plus et en punissant encore plus sévèrement les voyages à Cuba. Et nous dépensons déjà trois fois plus pour tracer les fonds cubains que pour tracer les fonds d’Al Qaeda.

Le financement de ces nouvelles mesures sera assurée par un nouveau budget de 80 millions de dollars augmenté de 20 millions de dollars par an, sans parler de tout l’argent sale (des millions par an) actuellement dépensés via AID, NED et les soi-disant ONG en Floride ainsi que la Section des Intérêts US à la Havane.

Selon ce plan, à Cuba seront privatisés les Communications, l’Electricité, les Transports, les Mines, l’Agriculture, la Santé, et d’autres secteurs juteux. Les "acteurs essentiels" (les Etats-Unis et ses entreprises) construiront et créeront pour Cuba un tout nouveau système de distribution des eaux, d’égouts, de santé, de transport, de communication, et des logements (un foyer pour tous), un système d’aide alimentaire (une poule au pot pour chaque foyer). Le tout avec probalement la même efficacité qu’en Irak. En fait, le plan propose de faire bien plus pour Cuba que ce que nous faisons pour la Nouvelle Orléans.

Cependant, notre générosité à l’égard des Cubains est conditionnée par leur acceptation d’une nouvelle politique économique qui ressemblerait à la nôtre. Le plan ne dit pratiquement rien sur ce qui existe déjà à Cuba, et rien sur les effets du blocus et du terrorisme contre les Cubains. C’est comme si les institutions, les infrastructures et les filets de sécurité qui ont été crées ces 45 dernières années d’indépendance étaient tellement insignifiants qu’il était inutile de les mentionner.

Sans surprise, le plan est bourré du jargon habituel employé par l’Administration pour manipuler l’opinion publique, des terms comme "démocratie" (oligarchie commerciale), "liberté" (celle du renard dans le poulailler), de "dissidents" (quelques centaines de mercenaires cubains payés par les Etats-Unis). Le plan est aussi rempli de déclarations sur les changements que les cubains appellent de leurs voeux (une affirmation non étayée), mais parle peu de leur rôle éventuel dans la réalisation de ces prétendus voeux. En réalité, les cubains sont vus comme les objets d’une transformation qui sera entreprise par d’autres. Ils sont dépeints comme des incapables, des ignorants, qui ont désespérément besoin d’éducation et de formation sur les complexités de la société consumériste moderne. Les termes sont proches, mais beaucoup plus appuyés, de cette idée française du 19eme siècle, "noblesse oblige" (en français dans le texte - ndt) ou l’idée anglaise du "fardeau de l’homme blanc." (Kipling)

Le plan prévoit la reconstruction de la nation cubaine, en repartant de zéro, pour aboutir à une néo-colonie capitaliste similaire à celles qui existent en Amérique centrale et dans les Caraïbes. En revanche, le plan est très discret sur la manière de repartir de "zéro" à partir de la situation actuelle. Le plan dit que les six premiers mois seront cruciaux. C’est à ce moment là que le Gouvernement de Transition Cubain (GTC) sera crée. Ce terme désigne à l’évidence un gouvernement marionnette comme ceux crées en Afghanistan ou en Irak. La construction de la nation sera effectuée à la demande de ces marionnettes. Le financement sera assuré par une prêt d’ajustement structurel du FMI, d’autres prêts bancaires internationaux, d’investissements internationaux, particulièrement par la "communauté cubaine en exil", et même par l’argent des contribuables américains si nécessaire.


La Constitution cubaine

Le plan se préoccupe beaucoup de la "stratégie" de succession de Fidel Castro. Cuba possède une Constitution, mais le plan ne la mentionne pas. De plus, il semblerait qu’aucun nouvelle Constitution n’ai été prévue, contrairement à l’Afghanistan ou l’Irak. Apparemment, les Constitutions ne sont plus considérées comme nécessaires. Le plan affirme que la stratégie de Castro est que son frère lui succède à la présidence, chose que les "acteurs vitaux" du plan (les Etats-Unis et ses entreprises) ne permettront pas.

La Constitution cubaine fut soumise et rédigée au niveau local et provincial au début des années 70, et fut approuvée en 1976 par 97 % du corps électoral. Après la période de la "rectification" à la fin des années 80, elle fut amendée en 1992 selon le même processus et par un vote des 2/3 de l’Assemblée Nationale. En 2002, en réponse au Projet Varela, la constitution fut reconduite par plus de 8 millions de cubains, soit 93% de la population adulte.

La Constitution établit un système électoral participatif et représentatif non partisan, qui est différent du notre, mais qui à de nombreux points de vue est plus démocratique et assure un meilleur contrôle. Au niveau local et provincial, il faut au minimum deux candidats par poste, et au niveau national il s’agit d’un système de type parlementaire où tout candidat à un des 619 sièges de l’Assemblée Nationale, pour un mandat de 5 ans, doit obtenir au moins 50% des voix pour être élu.

L’Exécutif (appelé le Conseil d’Etat, similaire à notre président et son cabinet), est composé de 24 membres élus (tous les cinq ans) parmi les membres de l’Assemblée nationale et dirigé par un président et un vice-président, qui sont actuellement les frères Castro, élus en bonne et due forme.

La Constitution prévoit qu’en cas d’incapacité du président, le vice-président lui succède jusqu’à ce que l’Assemblée Nationale élise un nouveau président. L’Assemblée et les frères Castro ont maintes fois déclaré que toute succession se déroulera selon la Constitution. Le seul moyen d’empêcher un tel scénario serait une intervention militaire US. Ainsi, et comme l’a déclaré le président de l’Assemblée Nationale Ricardo Alarconle, le plan est, de facto, une déclaration de guerre. La plan est une combinaison de généralités vagues et sans fondement, d’exagérations grossières, d’insultes, d’hypocrisie et de mensonges éhontés. C’est un ultimatum borné qui ne laisse la place à aucune autre perspective pour Cuba. Le plan élimine toute velléité de débat public aux Etats-Unis sur une intervention militaire dans l’île. Le plan est totalement déconnecté de la réalité cubaine et les 150 ans de luttes pour son indépendance. Il s’agit encore une fois d’une nouvelle opération dans la propagande menée par notre gouvernement depuis des années.

De nombreux américains réalisent à quel point ils ne peuvent plus se fier aux médias et comment ils sont manipulés par notre gouvernement. Après tout, pour la plupart d’entre nous, tout ce que nous savons sur les pays étrangers nous vient des média. Dans le passé, en exerçant notre droit constitutionnel à voyager à l’étranger, nous pouvions voir de nos propres yeux et apprendre la vérité par nous même ou par des voyageurs honnêtes. Mais dans le cas de Cuba, les effets de la propagande mensongère sont démultipliés par les restrictions imposées aux voyages. Notre gouvernement sait que qui si nous connaissions la vérité sur Cuba, tout son plan de recolonisation s’écroulerait comme un château de cartes.


Le Plan dans un contexte plus large

Il est rare que l’on publie en avant-première un plan destiné à soumettre un état souverain. Le dernier exemple historique qui vient à l’esprit est la publication en 1924 de Mein Kampf, d’Adolf Hitler, qui présentait les grandes lignes de la prise du pouvoir par le parti Nazi en Allemagne. Malheureusement, personne en Europe n’y prêta beaucoup d’attention. Les Américains devraient se demander pourquoi notre gouvernement a décidé de publier un tel plan en ce mometn précis.

A l’évidence, la manipulation est un facteur important. Les milieux d’affaires du sud de la Floride sont composés de gens de toutes origines, cubaines, américaines, latines, et ils ont toujours considéré Cuba comme un concurrent important de sa principale industrie, le tourisme. Ils financent la plupart de nos politiciens anti-cubains au niveau national et local et, en retour, se voient gratifier d’un blocus brutal imposé à l’île, d’une politique anticubaine virulente, et encore plus d’argent des contribuables.

Beaucoup de ces gens estiment que l’Administration actuelle est leur dernière chance pour reconquérir le pouvoir à Cuba. A ce jour, la situation de l’immobilier dans le sud de la Floride ressemble à une bulle sur le point d’éclater et la situation est devenue "préoccupante" dans les domaines de la construction, des prêts bancaires, du tourisme, de la bourse et ailleurs. De plus, des réserves de pétrole ont été découvertes au large de la côte nord de Cuba que le gouvernement cubain actuel, s’il reste au pouvoir, pourrait bien en faire bénéficier exclusivement les Cubains résidents sur l’île.

Comme il est proposé dans le plan, la Chambre de Commerce et d’autres organisent fréquemment des conférences à Miami pour planifier une rapide prise de pouvoir à Cuba. Ils sont déjà en train de se disputer les restes. Ils donnent l’image d’une meute de chiens en train de saliver, les regards braqués vers l’autre côté du détroit de la Floride, vers une île aux ressources non négligeables et avec 11 millions de travailleurs et de consommateurs qui ne demandent qu’à être exploités.

La plan accuse Cuba et le Venezuela "d’ingérences" dans les affaires d’autres pays d’Amérique latine (chose que les Etats-Unis ne feraient jamais, bien entendu). Aucun pays d’Amérique latine n’a pourtant formulé une telle accusation et aucun élément n’a jamais été présenté pour l’étayer. Il est vrai que Cuba envoit des médecins, des infirmières et des enseignants pour venir en aide aux pauvres d’Amérique latine, des Caraïbes et de l’Afrique, mais uniquement à la demande des gouvernements concernés. La vérité est qu’après un siècle d’exploitation par des multinationales US, certains pays de l’Amérique du Sud sont en train de retrouver leur indépendance. La Révolution Cubaine prouve que c’est possible.

Le plan précise qu’il a été rédigé par plus de 100 experts de différents secteurs du gouvernement, mais la CIA n’y figure pas. Il y a de bonnes raisons de penser que la CIA, du moins les agents qui connaissement quelque chose de Cuba, est d’accord avec l’enquête de 1990 menée par le Pentagone sur les capacités militaires de Cuba et qui conclut que Cuba ne représentait aucun danger pour la sécurité nationale des Etats-Unis. Pourtant, une partie du plan est gardée secret pour, justement, des raisons de sécurité nationale.

Nous savons à présent que notre gouvernement a, pour le moins, toléré les groupes terroristes anti-cubains, comme Alpha 66, qui s’entraînent chaque semaine au maniement des armes à l’intérieur et autour du Park National des Everglades, et ailleurs. Ces derniers mois, les autorités locales de Fort Lauderdale et de Los Angeles ont découvert d’importantes caches d’armes destinées - chose admise - à une nouvelle invasion de Cuba. Parmi les armes se trouvaient des lance-roquettes, des bazookas, des Uzis, et toutes sortes de grenades et de mitraillettes. Les détenteurs ont été inculpés par les autorités locales mais il est peu probable qu’un procès public se tienne un jour. Dans le cas de Los Angeles, la ligne de défense du membre d’Alpha 66 trouvé en possession de plus de 1500 armes de guerre dans sa maison est que celles-ci lui avaient été fournies par le gouvernement.

Il y a plusieurs scénarios possibles qui pourraient servir de justification à une nouvelle intervention militaire contre Cuba. Un des aspects les plus infondés, pernicieux et dangereux de la propagande US est l’affirmation selon laquelle la Révolution Cubaine aurait été l’oeuvre d’un seul homme (le "tyran") et que la peuple ne demande qu’à retourner sous la domination des multinationales US. Il y a trois ans, un sondage révélait que 25 % des habitants de Miami d’origine cubaine voulaient retourner à Cuba en cas de changement de gouvernement. Beaucoup d’entre eux, surtout les plus jeunes, ne se sont pas adaptés à notre culture mercantile et s’en sortent difficilement à Miami qui est, parmi les grandes villes des Etats-Unis, la plus pauvre en termes de revenu moyen par habitant.

Il est donc très possible que l’on assiste à un exode par mer, du sud de la Floride vers Cuba, lorsque le changement de pouvoir se produira, exode auquel participeraient des dizaines, voire des centaines, de milliers de personnes. Pendant les années Clinton, Washington, la Floride et Miami avaient mis en place une coordination pour un plan d’intervention faisant appel aux Gardes-Côtes et à d’autres agences pour empêcher un tel phénomène. La plan n’en fait pas mention mais on peut raisonnablement penser qu’un tel plan n’existe plus ou ne sera plus appliqué. La plupart des participants à l’exode seront de simples et honnêtes citoyens, mais certains seront des citoyens américains et pourraient provoquer des troubles à Cuba et appeler le gouvernement des Etats-Unis à leur secours.

Les Américains, dans leur propre intérêt, feraient bien de freiner cette Administration avant qu’elle ne mette en exécution ce Plan. Toute intervention à Cuba aboutirait à une guerre brutale, et une longue, violente et sanglante résistance, qui ne prendrait fin que par le retrait total des américains.

Tom Crumpacker


Tom Crumpacker est membre du "Miami Coalition to End the US Embargo of Cuba" et vit à Austin, Texas


 Source : Dissident Voice www.dissidentvoice.org



Nouveau rapport de la Commission sur Cuba : la recette pour un nouvel échec, par Wayne S. Smith. <BR>
( Wayne S. Smith est un ancien responsable de la section des intérêts US à la Havanne.)


Traduction en français : Mesures recommandées à Bush par la Commission d’Assistance à une Cuba Libre : "Accélerer la fin du régime castriste à Cuba", mai 2004.

Sur les conséquences humaine de l’ embrago Cuba :<BR> Le Mur d’Eau, par Jens Glüsing.


Pourquoi les arrestations à Cuba ? par Wayne S. Smith.

Edifiant ! : Déclaration du Secrétaire d’Etat adjoint US Robert Noriega à propos de Cuba.<BR>
A lire jusqu’au bout.

Les Etats-Unis et la « dissidence » cubaine, par Salim Lamrani.


Traduction : CSP http://viktor.dedaj.perso.neuf.fr
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