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En refusant de défendre Julian Assange, les médias révèlent leur véritable nature

Mardi dernier [juillet 2018 - NdT], un grand avocat du New York Times, David McCraw, a averti une salle pleine de juges que la poursuite de Julian Assange pour les publications de WikiLeaks créerait un précédent très dangereux qui finirait par nuire aux principaux médias d’information comme NYT, le Washington Post et les autres médias qui publient des documents gouvernementaux secrets.

"Je pense que la poursuite contre lui constituerait un très, très mauvais précédent pour les éditeurs", a déclaré M. McCraw. "Dans cette affaire, d’après ce que je sais, il se trouve dans la position d’un éditeur classique et je pense que la loi aurait beaucoup de mal à faire la distinction entre le New York Times et WikiLeaks."

Vous savez où j’ai lu ça ? Pas dans le New York Times.

"Curieusement, au moment d’écrire ces lignes, les mots de McCraw n’ont trouvé aucun écho dans le Times lui-même", a écrit l’activiste Ray McGovern pour le média alternatif Consortium News. "Ces dernières années, le journal a montré une tendance marquée à éviter d’imprimer quoi que ce soit qui pourrait risquer de lui couter sa place de favori au premier rang du gouvernement."

Alors examinons un peu tout ça. Il est maintenant de notoriété publique que le gouvernement équatorien cherche activement à livrer Assange pour être arrêté par le gouvernement britannique. C’est ce qu’a d’abord rapporté RT, puis confirmé de façon indépendante parThe Intercept, et c’est aujourd’hui à la connaissance du grand public et rapporté par des médias grand public comme CNN. Il est également de notoriété publique que l’asile d’Assange fut accordé par le gouvernement équatorien en raison de la crainte d’une extradition vers les États-Unis et de poursuites pour des publications de WikiLeaks. Tout le monde, du président Donald Trump au ministre de la justice Jeff Sessions en passant par le secrétaire d’État Mike Pompeo, en passant par Adam Schiff, membre de la commission du renseignement de la Chambre des Représentants, et jusqu’aux membres démocrates du Sénat US, a fait des déclarations publiques indiquant clairement que le gouvernement américain veut faire sortir Assange du refuge de son asile politique et l’emprisonner.

Le New York Times en est conscient et, comme en témoignent les commentaires de McCraw, il est également conscient du dangereux précédent qu’une telle poursuite créerait pour tous les médias. La rédaction du New York Times est consciente que le gouvernement américain, en poursuivant un éditeur pour avoir publié des documents importants qui avaient été cachés au public, rendrait impossible pour le Times de publier le même type de documents sans craindre les mêmes répercussions juridiques. Elle est consciente que les manœuvres à l’encontre d’Assange constituent une menace existentielle bien réelle pour la possibilité d’un véritable journalisme et de faire rendre des comptes au pouvoir.

On pourrait donc s’attendre à une avalanche d’analyses et d’articles d’opinion du New York Times condamnant énergiquement toute action contre Julian Assange. On pourrait s’attendre à ce que tous les médias aux Etats-Unis sonnent l’alarme ; d’autant plus que la menace vient de l’administration Trump, sur qui des médias comme le New York Times font volontiers circuler des mises en garde alarmantes. On pourrait s’attendre à ce que tous les commentateurs de CNN et NBC désignent Assange comme le cas le plus clair et le plus flagrant de la tristement célèbre "guerre contre la presse libre" de Trump. Si l’on laisse de côté les questions de moralité, de compassion et de droits de la personne autour de l’affaire Assange, on pourrait penser que, ne serait-ce que pour une simple raison d’intérêt personnel, ils le défendraient haut et fort.

Et pourtant, ce n’est pas le cas. Et le fait qu’ils ne le font pas révèle leur véritable nature.

Théoriquement, le journalisme a pour but d’aider à informer la population et à demander des comptes aux autorités. C’est pourquoi c’est la seule profession explicitement nommée dans la Constitution des États-Unis, et c’est pourquoi la liberté de la presse a bénéficié de telles protections constitutionnelles tout au long de l’histoire des États-Unis. Aujourd’hui, la presse ne protège pas Julian Assange parce qu’elle n’a pas l’intention d’informer le public ni de demander des comptes à la puissance publique.

Il ne s’agit pas de suggérer l’existence d’une grande conspiration secrète parmi les journalistes américains. C’est un simple fait que les ploutocrates possèdent la plupart des médias d’information et embauchent les gens qui les dirigent, ce qui naturellement créé un environnement où la meilleure façon de faire avancer sa carrière est de rester perpétuellement inoffensif envers l’establishment sur lequel les ploutocrates ont bâti leurs empires respectifs. C’est pourquoi vous voyez des journalistes ambitieux sur Twitter se démener pour être les premiers à balancer une phrase concise favorable au programme de l’élite chaque fois que l’actualité leur en fournit l’occasion ; ils sont conscients que leur présence dans les médias sociaux est évaluée par les employeurs potentiels et leurs alliés pour mesurer leur degré de loyauté. C’est aussi la raison pour laquelle tant de ceux qui aspirent à devenir journalistes attaquent Assange et WikiLeaks chaque fois que c’est possible.

"Tous ceux qui souhaitent entrer dans l’élite culturelle doivent maintenant soigner leurs médias sociaux afin d’éviter les controverses", a récemment déclaré le journaliste Michael Tracey. "Ils finiront par intérioriser l’évitement de la controverse comme une vertu, et non comme une imposition de la société. Le résultat, c’est une culture d’élite conformiste et ennuyeuse."

Un excellent moyen pour un journaliste en herbe d’éviter la controverse est de ne jamais, jamais défendre Assange ou WikiLeaks sur les médias sociaux ou dans n’importe quel média, et en aucun cas de laisser penser qu’il pourrait un jour publier des documents du même tonneau que ceux de WikiLeaks. Une excellente façon de faire ses preuves dans le métier est de rejoindre tous ceux qui rédigent de très nombreux articles de diffamation sur Assange et WikiLeaks.

Les médias grand public et ceux qui s’y épanouissent n’ont pas l’intention de secouer le cocotier et de perdre les privilèges et les relations qu’ils ont durement acquis. Les médias conservateurs continueront à défendre le président américain et les médias libéraux continueront à défendre la CIA et le FBI. Les deux contribueront à faire progresser la guerre, l’écocide, l’expansionnisme militaire, la surveillance et la militarisation de la police, et aucun ne divulguera quoi que ce soit qui puisse nuire aux structures de pouvoir qu’ils ont appris à servir. Ils resteront en toutes circonstances les défenseurs inoffensifs et incontestés des riches et des puissants.

Pendant ce temps, les médias alternatifs défendent férocement Assange [pas tous, pas tous - NdT]. Aujourd’hui même, j’ai vu des articles de Consortium News, World Socialist Website, Disobedient Media, Antiwar et Common Dreams dénoncer la persécution du plus important militant de la transparence gouvernementale vivant aujourd’hui. Les médias alternatifs et les auteurs indépendants ne sont pas liés par une servitude envers l’establishment, l’importance de WikiLeaks est donc claire comme l’eau de roche. On n’est jamais autant aveuglé par les comportements pernicieux du pouvoir que lorsque c’est le pouvoir signe votre chèque de paie.

Les médias de masse aux Etats-Unis et dans le monde entier se sont totalement discrédités en ne défendant pas un éditeur qui a le pouvoir de faire rendre des comptes et de faire la lumière sur la vérité, pour informer le public. Chaque jour qui passe où ils ne condamnent pas sans équivoque toute tentative de poursuivre Assange est une preuve de plus, parmi tant, que les médias commerciaux sont au service du pouvoir et non de la vérité. Leur silence est un aveu tacite qu’ils ne sont rien d’autre que des sténographes et des propagandistes des forces les plus puissantes de la terre.

Caitlin Johnstone

Traduction "j’allais le dire de façon moins élégante" par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles

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Texte de l’affiche apposée avant l’élection de la Commune de Paris, 25 mars 1871.

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