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Asbestose 2 – Justice 0

« Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. » (1) Les ouvriers ne sont pas malades de la Peste, mais ils tombent comme à Gravelotte ! Et que croyez-vous qu’il arrive ? Rien, on s’en fout ! La sentence de La Fontaine reste d’une terrifiante pertinence et d’une louable irrévérence.

L’asbeste est l’autre nom de l’amiante : un produit formidable, aux deux sens du terme. Asbeste, étymologiquement parlant, signifie incombustible. L’asbestose, c’est une pneumoconiose [maladie pulmonaire le plus souvent professionnelle] due à l’inhalation prolongée de poussières d’amiante.

Asbestose 2 – Justice 0 : c’est le score actuel, après vingt ans de batailles judiciaires [ après les deux annulations de mises en examen].

Au pays de Montesquieu, certaines choses devraient soulever l’indignation générale.

Mais, non !

Est-ce la rançon, les dégâts collatéraux de la modernité ?

Est-ce le fruit toxique de la résignation, de l’obéissance, de l’indifférence, de l’inconscience ?

Est-ce le double effet « Paris 2024 » ? Les J.O. vont relancer l’économie et réenchante déjà le quotidien des Français.

Du pain et des jeux, on n’a rien inventé de mieux. Toujours plus haut, plus loin, plus fort : telle pourrait être la devise du bourrage de crâne, de la com’ triomphante.

Bien sûr, on revendique l’héritage du Siècle des Lumières, comme d’autres celui du Christ, mais c’est pour mieux s’y asseoir dessus ! On célèbre, on commémore, mais il faudrait voir à ne pas être exigeants, tout de même : il s’en faut de beaucoup que l’on en vienne à s’inspirer de L’esprit des Lois et respecter enfin la séparation des pouvoirs. Bien au contraire, on légifère à tour de bras. Mais les lois sont autant de fils qui enserrent la Liberté.

« Vous comprenez qu’avec cette menace permanente, il faut bien quelques concessions, il faut protéger les citoyens ».

Ah bon ! Mais pourquoi restreindre le champ de la protection à un seul domaine ? Pourquoi ne pas inclure alors la santé publique ? Parce que c’est déjà dans le préambule de la Constitution : « [la nation] garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et le loisir ». (2)

On fait juste des lois, mais on ne fait pas des lois justes. La nuance est de taille : notre langue est pleine et riche de ses nuances, soyons intransigeants avec ceux qui la tordent pour mieux nous duper (je me souviens d’une histoire « d’évacuation des territoires occupés », transformée par d’aucuns en « évacuation de territoires occupés » ; le diable se terre dans les interstices des nuances).

Des lois, en veux-tu ? en voilà ! Mais de là à respecter les fondements, les droits naturels et imprescriptibles, les Grands Principes, il y a comme une solution de continuité.

Comme un oubli de Montesquieu, comme une violation de l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (3), le cordon, la chaîne n’a pas été rompue. « Sa parole est libre mais sa plume est serve ». Je veux parler du Parquet. La Cour Européenne des Droits de l’Homme a jugé en 2008 que celui-ci n’est pas une institution judiciaire car il n’est pas indépendant. (4)

Et alors depuis 2008 ? Ben rien ! Toujours rien !

‘‘- On a gagné. On a gagné. Vive Paris 2024. Vivent les ...

- Merci, je sais. Quel suspens insoutenable. Quel dénouement.’’

Qui pourrait s’indigner de ce qui fait tache ?

Qui pourrait dénoncer les turpitudes d’un pays qui s’érige en donneur de leçons, si prompt à fustiger les turpitudes réelles ou fantasmées d’un pays lointain ?

Qui pourrait condamner un État si prompt à poursuivre pour des « peccadilles », si constant à harceler les citoyens par trop libres ?

Ah ! La magie des jeux. Elle va durer 7 ans. 7 années pendant lesquelles les questions de magouilles, de corruptions, de coups tordus, d’ingérence, de droits naturels bafoués seront enterrées.

Qui pourrait s’interroger sur les prétendues valeurs véhiculées par le sport, et les J.O. en particulier ?

Cette exaltation de la sélection, de la compétition, du sacrifice, qui s’accompagne par son lot de triches et de corruptions, n’est que l’image maquillée, idéalisée de la lutte de tous contre tous.

Sur ces entrefaites, certains sont pris pour des illettrés, d’autres pour des alcooliques, quand ce n’est pas pour des fainéants : « hein ! on va pas se mentir », nous sommes pris collectivement pour des imbéciles, des cons si vous préférez.

Asbestose 2 – Justice 0. Le score risque fort de s’alourdir, comme le nombre des décès. En effet, le Parquet a requis, en juin, le non-lieu pour vingt dossiers sur l’amiante.

Ben voyons, pourquoi se gêner ? On ignore la séparation des pouvoirs, on se contrefiche de la santé publique, on méprise les ouvriers, on s’assoit sur les cadavres et on reste dans l’entre-soi.

Un avocat de la défense a osé : « il n’y avait aucune connaissance scientifique permettant de conclure que son interdiction [celle de l’amiante] était obligatoire ». Et bien voyons.

‘‘ - C’est génial, c’est extraordinaire. Ça fait un siècle que l’on attendait ça, que ...

- Ta gueule ! ’’.

On va nous en faire bouffer du « Paris 2024 ».

C’est vrai que cela fait un siècle : on savait déjà en 1900 !

« On sait que l’amiante, ce minéral non métallique dont on connaît les propriétés essentielles : infusibilité, résistance aux tensions, fermeté, élasticité, porte dans plusieurs langues étrangères le nom d’asbestose. Ce nom est devenu celui d’une maladie encore assez rare, qui se développe chez les ouvriers employés à la fabrication de cette matière. [...] Dans les ateliers de tissage on emploie généralement des femmes : chez ces femmes, comme chez les ouvriers broyeurs, furent constatés de nombreux cas de décès par asbestose pulmonaire. La première observation publiée à ce sujet semble remonter à l’année 1900. Le docteur Montagne-Murray, de l’hôpital de Charing Cross, à Londres, signala le cas d’un ouvrier mort à l’âge de trente-quatre ans, après avoir travaillé l’amiante pendant quatorze ans. En 1906 |[...] le Bulletin français de l’inspection du travail s’inquiétait du nombre de décès constatés dans une usine de fabrication d’amiante. » (Revue médicale française France Proche-Orient, 1936, cf. note 5)

« La pneumoconiose des travailleurs de l’amiante, l’amiantose, débute rarement avant 5 ans d’exposition aux poussières nocives. [...] Au bout de plusieurs années apparaissent les signes physiques d’une sclérose pulmonaire. L’évolution, parfois aggravée par la tuberculose, se fait vers la mort par bronchite aiguë, broncho-pneumonie ou troubles cardiaques. » (en 1932 ; cf. note 6)

Nous pouvons aussi évoquer la réunion d’experts, organisée en 1973 par le Bureau International du Travail, à Genève : « il est bien établi que l’exposition aux poussières d’amiante de toutes variétés a été la cause d’affections graves ; [...] il n’est pas nécessaire d’attendre de disposer de preuves absolument sûres ou de connaissances surabondantes sur un point particulier pour utiliser au maximum les connaissances actuellement disponibles afin de réduire à l’avenir la gravité de ces risques à un minimum. » (6)

Au sujet des maladies professionnelles, voici un extrait de Les métiers qui tuent, publié en 1900 : « les pneumoconioses sont des affections pulmonaires causées par l’inhalation des poussières ; elles tuent chaque année des milliers de travailleurs. La fabrication des meules, de la porcelaine, de la faïence, de la poterie, de la chaux, du ciment ; la taille du verre, des pierres, le travail à la meule, l’extraction du charbon, l’empaquetage et le cassage du sucre, la meunerie, la boulangerie, le peignage, le cardage et le tissage du lin, du chanvre, du coton, [...] Parmi ces professions si diverses, c’est le même cri, la même plainte que nous avons recueillis de la bouche des travailleurs : hygiène insuffisante, ventilation défectueuse, absence presque complète d’appareils protecteurs. » (8)

Des doutes, en avez-vous ? Des ronds, des carrés, ... des tricolores ?

J’y vois déjà comme une certitude : des tas de mensonges, des mensonges d’État.

Et la suite ?

Pour les sacrifiés, ce sera la double peine. La mort sans sursis, et le mépris en prime.

Ave Justitia, morituri te salutant ! [ceux qui vont mourir te saluent]

Les progrès techniques ont leur revers : d’autres dossiers, d’autres ouvriers, d’autres travailleurs subiront le même sort. Ce n’est pas une question de destinée, mais de volonté politique défaillante.

Il y aura donc d’autres hécatombes [« (sacrifice) de cent bœufs »].

N’y aurait-il pas comme quelque chose de pourri au royaume de France ?

Après les cancérogènes, les mutagènes, les tératogènes : la capitalisme est un darwinisme. L’être humain sera immunisé par la sélection « naturelle » ou ne sera pas...

Y aura-t-il une personnalité à la notoriété exceptionnelle pour dire : « Quant aux gens que j’accuse, je ne les connais pas, je ne les ai jamais vus, je n’ai contre eux ni rancune ni haine. Ils ne sont pour moi que des entités, des esprits de malfaisance sociale. Et l’acte que j’accomplis ici n’est qu’un moyen révolutionnaire pour hâter l’explosion de la vérité et de la justice.

Je n’ai qu’une passion, celle de la lumière, au nom de l’humanité qui a tant souffert et qui a droit au bonheur. Ma protestation enflammée n’est que le cri de mon âme. Qu’on ose donc me traduire en cour d’assises et que l’enquête ait lieu au grand jour ! ». (9)

Personne

(1) Les animaux malades de la peste, La Fontaine

(2) Art. 11 du préambule de la Constitution de 1946 (préambule conservé par la Cinquième République)

(3) Art. 16 de la DDHC : « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. »

(4) La France condamnée par la CEDH

(5) Revue médicale française France Proche-Orient, 1936.

(6) Journal de physiologie et de pathologie générale, 1932.

(7) L’amiante : ses risques pour la santé et leur prévention (réunion d’experts sur la sécurité dans l’utilisation de l’amiante) par le Bureau International du Travail, 1974.

(8) Les métiers qui tuent (enquête auprès des Syndicats Ouvriers), 1900.

(9) J’accuse, Émile Zola.


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