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Quelques réflexions couchées à la va-vite une petite heure après…

Quel camouflet à l’ONU ! L’administration Obama entre l’enclume et le marteau cubains...

J’attends de recevoir la dernière version de l’intervention de Bruno Rodriguez, le ministre cubain des Relation extérieures, devant l’Assemblée générale des Nations Unis qui votait ce matin la résolution cubaine contre le blocus des États-Unis, pour vous faire parvenir la traduction définitive. J’ai traduit la première, mais le ministre cubain a dû rectifier son discours devant l’annonce, faite par Samantha Power, la représentante des USA auprès de l’ONU, depuis la tribune, que son administration s’abstiendrait au moment du vote. Il le savait déjà, bien entendu, puisque, loin d’improviser sur le moment face à cette annonce-surprise, il a lu des modifications écrites.

Je dis annonce-surprise, mais au fond je ne suis pas si sûr que ça en soit une. Déjà, l’an dernier, à cette même occasion, des bruits avaient couru que l’administration Obama s’abstiendrait, mais elle avait finalement voté non, comme les vingt-trois fois antérieures. Cette année-ci, se sachant en fin de carrière à la Maison-Blanche et ne risquant donc plus de traquenards de la part de ses adversaires du Congrès et de Miami, Obama s’est rendu à l’évidence (et dans « rendu », il y a l’idée de « reddition ») : sa bataille était perdue d’avance, le monde entier est contre cette politique, même les gouvernements qui ne sont pas franchement amis de la Révolution cubaine !

En fait, je me demande qui manipule le mieux le fameux « smart power » dont Obama a fait la pierre de touche de sa politique étrangère. À ce petit jeu, la Révolution cubaine vient de l’emporter haut-la-main. En continuant de présenter sa résolution même après la reprise des relations diplomatiques, de la réouverture des ambassades, de la visite d’Obama à La Havane en mars dernier et des cinq trains de mesures que Washington a adoptés pour alléger petitement certaines restrictions du blocus (qui reste en place pour l’essentiel, puisque sa levée définitive dépend depuis 1996 du Congrès), Cuba a coincé l’administration étasunienne entre l’enclume et le marteau et l’a contrainte, pour ainsi dire, à se dédire ou à se démentir elle-même, et à devoir cesser donc d’appuyer ouvertement une politique que toutes les administrations (dont la sienne) ont mise en œuvre avec acharnement depuis 1962. Je dis « ouvertement », parce que la dernière Directive présidentielle sur la politique cubaine de la Maison-Blanche ne laisse aucun doute sur le fait que les méthodes ou les tactiques changent, mais pas l’objectif final : éliminer ce gouvernement trublion qui continue de s’affirmer et de s’afficher résolument socialiste et de parler de justice sociale dans un monde où le néolibéralisme fait loi et est roi.

Bien entendu, Samantha Power, durant son intervention, nous a refait le coup des droits de l’homme, que le gouvernement cubain continue censément de violer horriblement, mais aussi, ce qui est nouveau, le coup de la sensiblerie, nous racontant l’histoire de ce médecin cubain servant en Sierra Leone durant la lutte de ses plus de cent collègues qui se battaient contre l’épidémie à virus Ébola et qui a été touché par le mal, et qui a été sauvé parce que, censément grâce à la logistique des États-Unis, on a pu l’expédier sans retard à Genève pour y être traité et guéri. En fait, Samantha Power a présenté cette mission de lutte contre l’Ébola quasiment comme une initiative de son gouvernement, sans jamais mentionner une seule fois l’Organisation mondiale de la santé… Mais passons. Son intervention avait du moins un autre ton que celui des années précédentes.

Donc, Obama envoie un message à son Congrès : messieurs les représentants et sénateurs, à vous de jouer ! Moi, j’ai fait tout ce que j’ai pu (ce qui est faux, parce que ses prérogatives présidentielles, ce que Cuba ne cesse de répéter, lui permettraient d’en faire bien plus) ; c’est à vous maintenant de décider de la levée totale du blocus, formé d’un incroyable lacis de lois, résolutions, décrets et autres mesures dans lequel même les meilleurs avocats des États-Unis se retrouvent plus perdus que Thésée dans le labyrinthe. Et apparemment, pas d’Ariane dans l’administration…

Bref, une jolie victoire de la Révolution cubaine. Des 193 pays membres de l’ONU, tout le monde était en rendez-vous, aucun pays ne voulait perdre ça. Quand on a su avant le vote que les USA s’abstiendraient, bien entendu il ne restait plus qu’un seul « mystère » : qu’allait faire Israël ? Eh bien, il a fait ce que tout le monde supposait : il a suivi son plus fidèle allié dans le monde et voté comme lui. Dans les temps, on accusait Cuba d’être un satellite du Kremlin… ! Au moins, les choses sont claires.

Pour modifier un tel « records » : 191 pour contre 0 et deux abstentions, il faudra attendre l’an prochain : soit l’entrée d’un nouveau membre soit un vote « oui » des USA (et donc d’Israël), soit encore qu’un Congrès à majorité démocrate issue des prochaines élections du 6 novembre décide de lever le blocus une bonne fois pour toutes.

Le temps le dira. En tout cas, réjouissons-nous qu’il existe encore dans notre monde à la botte une Révolution capable de battre l’Empire à son propre jeu : le smart power !

Jacques-François Bonaldi

 

Votes aux Assemblées Générales des Nations-Unies sur la nécessité de cesser le blocus des Etats-Unis contre Cuba

Année Date Pour Contre Abstention Pays votant contre
1992 24 Novembre 59 2 72 Etats-Unis, Israel
1993 3 Novembre 88 4 57 Etats-Unis, Israel, Albanie, Paraguay
1994 26 Octobre 101 2 48 Etats-Unis, Israel
1995 2 Novembre 117 3 38 Etats-Unis, Israel, Ouzbékistan
1996 12 Novembre 137 3 25 Etats-Unis, Israel, Ouzbékistan
1997 Octobre 143 3 17 Etats-Unis, Israel, Ouzbékistan
1998 Octobre 157 2 12 Etats-Unis, Israel
1999 Novembre 155 2 8 Etats-Unis, Israel
2000 Novembre 167 3 4 Etats-Unis, Israel, Iles Marshall
2001 Novembre 167 3 3 Etats-Unis, Israel, Iles Marshall
2002 Novembre 173 3 4 Etats-Unis, Israel, Iles Marshall
2003 Novembre 179 3 2 Etats-Unis, Israel, Iles Marshall
2004 Octobre 179 4 7 Etats-Unis, Israel, Iles Marshall, Palau
2005 Novembre 182 4 1 Etats-Unis, Israel, Iles Marshall, Palau
2006 Novembre 183 4 1 Etats-Unis, Israel, Iles Marshall, Palau
2007 Novembre 184 4 1 Etats-Unis, Israel, Iles Marshall, Palau
2008 Octobre 185 3 2 Etats-Unis, Israel, Palau
2009 Octobre 187 3 2 Etats-Unis, Israel, Palau
2010 Octobre 187 2 3 Etats-Unis, Israel
2011 25 Octobre 186 2 3 Etats-Unis, Israel
2012 13 Novembre 188 3 2 Etats-Unis, Israël, Palau
2013 29 Octobre 188 2 3 Etats-Unis, Israël
2014 28 Octobre 188 2 3 Etats-Unis, Israël
2015 27 Octobre 191 2 0 Etats-Unis, Israël
2016 26 Octobre 191 0 2
Etats-Unis, Israël
 
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