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Venezuela. Eloge de l’inobjectivité

Les chroniques Latines de Jean Ortiz portent un regard loin des clichés sur les luttes de libération du continent sud-américains... Toujours un oeil vif sur l'Espagne et les enjeux sous-jacents du quotidien...

Mes positionnements sur le Venezuela me valent les propos agressifs répétés d’abonnés au marquage à la culotte, qui prennent sans doute plaisir à me lire régulièrement. Je respecte leur curiosité intellectuelle, leur fidélité à mes blogs et l’amour contrarié qu’ils me témoignent. J’en suis flatté... s’ils me couvraient de louanges...

Pour ces distributeurs de labels, je ne serais pas « objectif », mot valise s’il en est... J’en conviens, je le leur concède, j’acquiesce, j’abonde dans leur sens : je ne suis pas objectif, pour la bonne et simple raison que l’objectivité n’existe pas, pas plus que la neutralité. Il n’y a que des points de vue (j’allais ajouter, horreur absolue : « de classe »), et l’honnêteté consiste à dire de quel point de vue l’on parle, l’on se situe. De la confrontation des points de vue peut naître une relative objectivité, lorsque les médias, l’édition, les cours au lycée, à la fac, les manuels scolaires... expriment et garantissent le pluralisme des idées, des opinions, des analyses... Ce qui, c’est bien connu, est tout à fait le cas, dans notre France assujettie, satellisée, macronisée... jadis des Lumières.

Un exemple, un seul, de la sacro-sainte « objectivité » de la pensée inico-unique : le vingtième siècle serait celui des « totalitarismes »... et hop, communisme et fascisme renvoyés dos à dos, et des millions de citoyens que l’on prend pour des ânes, des moutons « objectifs », l’ânnoonnent, le bêêêlent, le réciiiitent... « Vu à la télé ». « Ecouté à la télé ». Lu dans le journal, objectif en diable, « Mondolibégaro ». Aussi unique que « La Pravda » à l’époque, et qui n’appartient qu’à ses salariés... Mes détracteurs (de bonne foi ?) croient défendre la liberté d’expression ; ils protègent celle du marché... Mais il est vrai que le marché et sa main invisible, d’Athènes à Caracas, veillent au bonheur des peuples... tels « un véritable criminel de guerre ». L’expression, au plus haut point partisane, outrée, est d’un militant fort peu objectif, mais si juste, si visionnaire : Frantz Fanon.

Mes amis « objectifs » se targuent de connaître (-eux-) le Venezuela, et il est vrai qu’ils ne racontent pas que des craques : inflation record, corruption, bureaucratie, économie poussive, population fatiguée, violence... Et là nous pourrions en débattre sereinement. Mais comment dialoguer avec des objectivistes qui nient les tentatives de coup d’Etat de l’opposition vénézuélienne... purs montages et inventions, selon eux, du régime bolivarien liberticide. Les mêmes rengaines, toujours les mêmes maux-mots... hier contre Cuba, dont les Etats-Unis sont aujourd’hui amenés à reconnaître la fausseté, la perversion, et l’inefficacité. A ta santé Fidel !

Alors , quand bien même notre connaissance du Venezuela ne se bornerait qu’aux « ranchitos », aux « barrios », « aux conseils communaux », aux « missions », aux « communes socialistes », elle nous paraît plus objective que la désinformation permanente, la haine et la soif de revanche des classes dominantes, envers cette révolution et ce pays qui disposent de « deux siècles de réserves pétrolières », et qui envoient bouler Washington.

Président Maduro, nous vous en supplions, pour faire la paix avec le gentil « impérialisme » (invention communiste inhérente au capitalisme), produisez des bananes, vous aurez moins de problèmes... quoi que, Jacobo Arbenz en eut dans une république bananière... Revenons à nos moutons moutonniers... Si nous connaissons mal le Venezuela, nous connaissons encore plus mal l’impérialisme, « grand ennemi du genre humain » (propos subjectifs du sanguinaire Che Guevara), auteur (l’impérialisme !) de 200 interventions, afin de garantir les intérêts du « monde libre » en Amérique latine, de défendre la « liberté », la « démocratie », les « droits de l’homme », et tout le tintouin, comme en Irak, en Syrie, en Ukraine, en Lybie, en Afghanistan... et ici à Saint-Domingue, à la Grenade, au Chili, au Nicaragua, au Guatemala, au Panama, à Cuba, au Mexique, au Vietnam, en Colombie... Alors, chat échaudé... Et comme nous sommes peu objectifs à l’égard de l’impérialisme, nous préférons, en toute partialité, mettre en garde, appeler à la solidarité ( lucide), avant que les libérateurs ne finissent leur travail, et que le crime ne soit consommé. « Une barricade n’a que deux côtés », disait la très manichéenne Elsa Triolet. Nous avons choisi le nôtre. Et si cela déplaît aux puissants et à ceux qu’ils trompent : tant pis, ou tant mieux !

Jean Ortiz

»» http://www.humanite.fr/blogs/venezuela-eloge-de-linobjectivite-580505
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