Les retrouvailles algériennes furent émouvantes. La mémoire s’est soudainement réappropriée le présent pour imposer son tempo, non pas celui d’une marché funèbre mais plutôt celui d’une terre où s’estompèrent souvent tant d’errances. L’Algérie rappelle deux des siens, deux de ceux qui l’aimèrent avec passion et la défendirent avec hargne. L’une vint drapée de l’auréole du pays retrouvé et à qui le quai aux fleurs a répondu, l’autre rassasié de reposer enfin en paix dans ce cimetière au pied d’une cathédrale qui veille aussi sur une baie sublime. Dans une ville où résonne en écho l’appel éternel des muezzins à la prière.
Ce vendredi 13, Cherchell enterre Assia Djebbar. Une femme immense comme peut l’être le long voyage de l’hirondelle. Discrète au silence assourdissant, sa vie fut toujours un engagement sans cesse renouvelé. Sincère pour la cause algérienne, passionné pour l’écriture et amoureux fou de l’image. Et puis mille et une distinctions et consécrations plus tard, un retour gracieux vers les siens qui l’ont tant désirée et tant attendue. La terre enfin retrouvée, celle des ancêtres dans cette ville si présente mais oh combien lointaine, émeraude baignée de soleil.
Il aimait Alger qui le lui rendait si bien. Et ne dit-on pas que l’on est toujours du pays de son enfance ? Et cette dernière volonté d’être enterré en Algérie rappelle le souvenir que dans ce pays des algériens furent aussi juifs et chrétiens et vécurent souvent en harmonie et en paix à l’ombre protectrice de cette terre d’Islam.
Ce vendredi 13 fut donc aussi, ironie du sort, celui du retour vers l’Algérie de Roger Hanin. Un comédien au talent immense, à l’humour débordant et à la générosité légendaire. Un algérien authentique qui avait l’Algérie au cœur. Un militant engagé qui n’hésita pas à maintes reprises à faire barrage à la haine et à la bêtise comme celles des ultras de l’Algérie française.
Ces derniers, après avoir pratiqué la politique de la terre brulée en Algérie, s’inventèrent des prolongations dans l’hexagone pour commettre l’infâme et infliger mort, violences et anathèmes à d’humbles travailleurs immigrés sans défense.
Ce vendredi 13, Alger n’est pas superstitieuse. Cherchell et Bologhine-Saint-Eugène se conjuguent le soir en chants et en musique targuis. Et un artiste du nom de Cheikh Sidi Bémol et son virevoltant clarinettiste jouent des mélodies où se mêlent tonalité châabie et accents rappelant parfois la musique Yiddish. Décidément ce pays continuera toujours d’étonner !
Mais ce vendredi 13 Alger est toujours à la peine. Ces maudits essais nucléaires français commis dans le grand sud algérien rappellent un crime que nul ne peut oublier et dont les séquelles font toujours mal et continuent d’affecter les populations et l’environnement. Cancers et autres maladies incurables et contamination des sols et ressources en eau restent toujours sous-évalués.
Oui ce vendredi 13, ce pays continue de donner de belles leçons au monde et de porter haut et fièrement sa mémoire et de subir dans l’humilité et la dignité les souffrances qu’elle lui a si souvent infligées.
Salim METREF