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Nous ne savons plus rien

La distance énorme qui sépare l’humain moderne de ses biens de consommations a complètement vidé de sens la matière produite. Si nous pouvions constater par nous même l’ensemble de la production, par exemple d’une récolte imaginaire de carottes, nombreuses seraient nos critiques envers le système.

Imaginons un instant que vous et moi vivions sur une toute petite planète où se trouve un unique village. Autonome, ce dernier se compose de seulement quelques centaines d’âmes. Parmi toutes les activités humaines nécessaires au bon fonctionnement de ce microcosme, on retrouve naturellement l’agriculture, et dans un coin de notre bourg un vaste champ de carottes.

Cette petite ville étant dispersée sur un territoire minuscule de quelques kilomètres à peine, cela permet à tous de se connaître.

Supposons maintenant que le fermier responsable de la plantation de carottes commence à sous-payer certains employés pour en tirer plus de profit personnel. La nouvelle se réprendrait en très peu de temps dans la localité : chacun ayant un voisin, un cousin ou un ami qui travaille ou qui a travaillé pour le fermier. Sans nul doute, l’ensemble de la communauté s’offusquerait et irait lui faire part de son incompréhension. Le responsable de la production de Daucus Carota, étant lui-même membre de ce petit groupe, n’aurait pas vraiment le choix que de revenir à une situation plus équitable.

Sur Terre, parce que nous ne connaissons plus les métayers qui s’usent dans les jardins, nous restons logiquement impassibles face à leur condition.

Ce même agriculteur utilise régulièrement le peu de pétrole que la petite planète a à offrir pour transporter sa récolte riche en carotène au marché. Si pour réduire certains coûts, il décidait de faire nettoyer ses légumes orangés au sud, puis les éplucher à l’est, les empaqueter au nord et les revendre à l’ouest du hameau, alors, il est fort à parier que les autorités de la bourgade lui expliquerait sans prendre de gants que compte tenu du peu de ressources en hydrocarbure, il est simplement impossible de continuer de la sorte. Les habitants, eux, observant quotidiennement le va-et-vient du fermier seraient purement choqués par la pratique mercantile de leur concitoyen.

Ici, parce qu’il n’y a pas de réglementation assez stricte sur les transports des marchandises, et que les terriens ne connaissent rien de l’origine de leur aliments, ils consomment sans se scandaliser des produits qui ont fait le tour de la planète, et cela dans l’unique but d’améliorer la rente financière de l’entreprise qui les a mis sur le marché.

Si par sa recherche de profits, et peut-être aussi par son incompétence, nous pouvions constater de notre propre chef que le manager agricole gaspillait un énorme tiers de la production du village. Nous n’attendrions pas de voir ses beaux légumes pourrir pour prendre position contre les pratiques stupides et malsaines du fermier.

Vous et moi sur terre n’observons pas le gâchis gigantesque de nourriture qui est opéré quotidiennement. Le consommateur moyen n’en a même pas conscience. Tout cela est loin de chez nous, dans des entrepôts, dans des pays lointains, et puis qui allait blâmer de toute façon.

Sur cette fraction de planète, dans ce hameau, nous nous révolterions immédiatement si le cultivateur en venait à utiliser de dangereux pesticides. Nous refuserions logiquement de déguster nos carottes Vichy au dîner si dans l’après-midi, en passant près du champ, nous avions senti l’odeur chimique des fertilisants déversés sur les légumes.

Qui connaît la provenance et la composition exacte de ses primeurs dans le monde ? Comment et pour quelles raisons ?

Parce que nous ignorons beaucoup trop, nous acceptons tout.

Parce que nous ne savons rien des produits que nous utilisons ou consommons, alors ils nous apparaissent comme étant neutre, vidé de leur charge sociale, écologique, économique et émotionnelle. Une distance spatio-temporelle trop importante pour l’entendement humain s’est glissé entre nous et nos objets, notre nourriture ou nos actes.

Nous sommes aussi à notre tour producteur de biens ou de services. De la même façon, cet écart inhumain nous a fait perdre de vue la finalité des choses, la compréhension du fondement de nos actions. Labourer pour nourrir ses proches est foncièrement différent que de récolter des carottes pour en retirer un profit pécunier.

Cette distance permet de rendre invisible le lourd poids écologique et social qui est désormais attribué à chaque chose. Tant que nous n’aurons pas retrouvé cette proximité, il parait fort peu probable que telle ou telle décisions ministérielles médiatiques ne changeront la donne.

Le principe d’une production à échelle humaine, doit se lire hors de la coutumière dichotomie socialisme contre capitalisme. Car indépendamment, à l’intérieur même d’une bulle de production locale, différent type d’économie, libéral comme collectiviste, pourrait être mis en place par la collectivité.

Cette question de la distance aux choses est cruciale et ne devrait pas être confinée au seul cercle de penseurs de l’écologie, car ce soir, c’est nous tous qui apprécieront un bœuf carotte dont nous ne savons plus rien.

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