Cette règle immuable se vérifie à échéances, et c’est encore le cas ces derniers jours. Les journaux, qui frissonnent d’aise dès qu’on imprime le mot Qatar à la surface de leur papier, nous disent que, « cette fois ça y est, Doha va plonger pour 23 Rafales ». Sans préciser que les émirs, Tamim celui en poste ou son père démissionnaire, ont déjà abusé de ce pion si flatteur pour l’excellence française volante, façon Dassault.
Cherchons donc où le Doha blesse... Pourquoi l’émirat, en annonçant cette « commande » en forme de serpent de mer, veut se faire une fois de plus pardonner par la France et l’Occident. Pardonner de quoi ? Du rôle de plus en plus flagrant joué par le Qatar dans l’avènement d’un jihad sans frontière. Incurable, ce micro état continue, quoiqu’il arrive et sourd aux critiques, de fournir argent et armes aux différentes factions qui rêvent d’un califat mondial.
Nous avons déjà publié les noms et qualités de quelques notables qatariens poursuivis par les Etats-Unis pour leur soutien aux fous de Dieu. Poursuite triviale puisque non suivie d’effet et que ces assistants criminels peuvent faire étape dans les palaces de Paris sans que les aigles de la DGSI s’en émeuvent. Passons sur la lointaine Syrie, où l’argent du Qatar continue de nourrir et équiper les démocrates de Daech, pour en venir à un terrain de guerre situé à nos portes, la Libye.
A l’origine, agissant de conserve sous la forme d’une association de malfaiteurs, Nicolas Sarkozy et l’émir Hamad, père de Tamim, ont froidement décidé de faire la peau de la Libye. Pas tant du Colonel, puisque le déficit démocratique n’est pas un critère recevable par la dictature de Doha, mais tout simplement celle du pays lui-même. Le but premier de l’offensive vers Tripoli était de mettre la main sur les comptes en banque de Kadhafi, sur son gaz et son pétrole. Il s’agissait donc d’une guerre comme les autres. Pour le Qatar, il existait un arrière-plan : utiliser la Libye comme un incubateur du Jihad. En armant et finançant les hordes islamistes de Tripoli à Benghazi, le Qatar, pays qui n’en est pas un, était certain de devenir quelqu’un. Les « barbares » étant alors le peuple élu par Doha, son armée de l’ombre et de l’extérieur. Rassurez-vous, amis du Qatar et de la démocratie, de la modernité représentée par la cheikha Moza, le projet, celui de jihad total, est en bonne voie.
Je sais que la lecture de Marianne n’a rien d’obligatoire. Que, dans la presse, toute reprise d’un article écrit par un autre arrache le cœur, si le distingué n’est pas lui-même membre du réseau de la « bienpensence ». La question est : « qu’est-ce que ça me rapporte de faire de la pub à ce papier ? ». Moi, rien, mais c’est vrai que l’enquête édifiante de Roumiana Ougartchinska, publiée par l’ancien hebdo de Jean-François Kahn, fait froid un peu plus que dans le dos. Elle mérite le détour.
Que rapporte notre consœur ? Qu’Ibrahim al-Senoussi Akila, responsable du renseignement à Benghazi a été liquidé de deux balles dans le cou. Son malheur ? Avoir pris contact avec des journalistes pour faire connaitre au monde un plan. Un dessein qui serait capable de « restructurer » les milices locales afin qu’elles servent de base arrière et de centre d’entrainement aux frères du jihad. Une sorte de Kominterm façon super barbu. Cette structure serait une vaste agence d’intérim de la « révolution », capable de répondre à la carte à toutes les demandes. Vous voulez un poil de barbares en Tunisie ? Le voilà. Un renfort contre Bachar ? Le voici. Et puisque nous sommes aux frontières, préparons aussi une « Armée Egyptienne Libre » prédestinée à faire hurler de joie BHL et ses amis. Nous allons bientôt en avoir besoin.
Selon Akila, le plan avait l’appui chaleureux du Qatar et du démocrate, prince pieux de Turquie, Erdogan aussi Frère Musulman.
Qu’est-il arrivé de plaisant, toujours à Benghazi, ville rendue à la démocratie par le héros du Café de Flore ? Qu’est-il arrivé au fils du général Haftar, ce beau parleur tamponné CIA qui affirme lutter contre l’islamisme en Cyrénaïque ? Ce bavard de père ayant enjoint les représentants du Qatar et de Turquie de quitter Benghazi, le fils du général a été aussi sec enlevé. Et, dans le même temps, qu’est-il advenu de la langue si libre d’Abdallah al-Thinni, le Premier ministre de Libye ? En septembre cet homme lucide dénonçait « les vols organisés par le Qatar afin de déposer des tonnes d’armes » pour leurs amis salafistes. Interrogé par Roumiana Ougartchinska, il se trouve malheureusement, qu’entre septembre et aujourd’hui l’homme d’Etat a perdu la mémoire. Il renvoie la journaliste « vers les Américains qui savent tout »... Et, dans cette course entre ceux qui aiment le plus la religion, pourvu qu’elle ait des sabres et des kalach plutôt que des goupillons, la Turquie ne reste pas à quai. Ou plutôt si, dans ces ports libyens où les navires d’Erdogan déversent aussi des armes par tonnes. Pour le leader turc un jihad réussi serait celui qui prendrait la forme d’un nouvel empire Ottoman. Même en plus petit.
Clou dans notre cercueil, Roumiana Ougartchinska publie un extrait d’un rapport des services libyens (ça existe encore). Dans ce texte secret les auteurs évoquent une réunion tenue à Istanbul dans laquelle on pouvait remarquer, en vedette, Abdelhakim Belhadj, un imam chef de milice, patron de Tripoli et pion du Qatar. Autour de cette éminente personne, on remarque aussi Ali Sallabi, un Frère Musulman libyen représentant de Daech et Moubarak al-Ghariani, grand mufti de Libye. Khalid al-Sharif, membre d’Al –Qaida mais néanmoins fonctionnaire de la Défense libyenne est aussi présent en tant qu’expert. Ces saints hommes, rejoints par des responsables de Daech venus d’Irak et de Syrie, ont redessiné le monde à leur façon. Voici la recette : unifier le jihad mondial à partir de « L’Armée Islamique en Libye ». Quel beau projet. Toutefois il ne dit pas encore si le Qatar va prêter à ces religieux, si remarquables, les Rafales achetés à la France...