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Cet irrésistible besoin d’Antisémitisme

Si un jour un représentant des forces de l’ordre me demande « Où étiez-vous dans la nuit du 19 juillet 2014 entre 20h00 et 20h30 ? », je sais que même dans cent ans, je n’aurai aucun mal à fournir un alibi : « Je regardais le journal télévisé de France 2 » (*) Oui, je sais, mes fans seront déçus, mais une fois n’est pas coutume. Et arrêter de regarder les « informations » à la télévision, ce n’est pas comme arrêter de fumer. Il n’y a aucune dépendance et on ne « rechute » pas. Au contraire, il faut même se forcer à regarder « ça » de nouveau, ne serait-ce que pour renouveler son stock d’insultes.

Le 19 juillet donc, me voilà l’oeil hagard devant l’insondable bêtise, etc. (vous connaissez le refrain) Mais quand même, ce soir là, entre 14mn et 17mn, la télévision française nous présente un reportage sur le hallali, aöli, ou je ne sais quoi (le truc des juifs qui retournent à la terre promise). Cette semaine-là, ils étaient 400 français, paraît-il, à faire de l’aöli en Israël. Puis, avec une maladresse qui confine au désespoir, le reportage tente de nous intéresser au sort d’une famille de ploucs (la famille Sberro, un nom à retenir ne serait-ce que pour animer les soirées moroses) qui participent à l’hallali général. Séquence Emotion.

Madame, présentée comme parisienne mais qui semble sortie tout droit d’un salon de coiffure niçois, nous explique qu’elle ne se sent pas bien en France, angoissée qu’elle est... points de suspension. On n’en saura pas plus, mais Séquence Emotion car il y a des non-dits qui en disent long. Et surtout parce qu’on sent que Madame est totalement incapable d’en dire plus et qu’elle éprouve déjà des vertiges devant la longueur et la profondeur de la phrase que comme qui dirait elle a failli être sur le point de prononcer. Ah... si seulement elle avait trouvé les mots justes. Mais on a quand même compris (parce qu’on est intelligents et surtout bien conditionnés) qu’elle faisait allusion au mot qui commence par « anti » et se termine par « mite ». Séquence Emotion, mais aussi Séquence Vertige.

On aperçoit aussi ses deux rejetons, genre candidats à la présélection de la Nouvelle Star. Le total cumulé des QI de toute la petite famille semble être inférieur à la hauteur des talons de Madame.Visitant leur tout nouvel appartement (offert, semble-t-il), une alerte aérienne résonne et tout le monde se précipite vers (eh oui) un pièce spécialement blindée. Chemin faisant, Madame s’exclame « Regardez, ce qu’ils veulent vous faire, ils veulent vous tuer » avec la même voix que si elle avait crié « Dépêchez-vous, les Galeries Lafayette vont bientôt fermer ». Séquence Angoisse, donc.

Comment rester insensible devant des images aussi bouleversantes, ? Comment ne pas éprouver une empathie immédiate et totale devant le sort de ces immigrés arrachés par les tourments de l’Histoire à leur pied-à-terre parisien et ballottés sur cette terre - promise, certes, mais un petit peu étrangère quand même - trimballant quelques maigres possessions enfournées à la hâte dans des valises Vuitton qui - comble de la misère - ont déjà servi au moins une fois pour des vacances à Ibiza ?

Comment ne pas penser aux téléspectateurs soumis à de telles atrocités alors qu’ils sont encore à table ?

Et question plus sérieuse : comment se fait-il qu’Israël soit totalement incapable de communiquer la moindre sympathie en dehors de son cercle habituel de groupies fanatiques ? A chaque interview, à chaque déclaration, à chaque initiative, la nature de ces Israéliens-là, à la fois bêtes, haineux, méchants, racistes et arrogants... se révèle au point de me faire dire qu’il n’y a finalement pas de meilleure argument contre Israël que les Israéliens eux-mêmes. Une heure de conversation avec un sioniste suffit en général pour perdre toute trace d’empathie qu’on pouvait encore avoir au fond de sa conscience d’occidental shoahisé à souhait.

Cette irrésistible envie d’Antisémitisme.

Là où il y a absence d’antisémitisme, le sionisme l’invente.
Là où il y a pénurie d’antisémitisme, le sionisme le fabrique.
Là où il y a abondance d’antisémitisme (comme à Kiev), le sionisme s’en accommode.

Sans l’Antisémitisme (c’est ça le mot, au cas où vous le cherchiez encore), tous les Mme Sberro de la Terre (promise ou non) ne seraient rien. Ils/elles ont besoin de cette haine pour exister, pour justifier la leur, les vols, expropriations, etc. A l’instar de la fameuse phrase de G. W. Bush et des néoconservateurs US, « pourquoi nous haïssent-ils ? », le retournement de la question relève de la psychanalyse, sauf que dans le cas des Sberro et Cie, le pourquoi est de trop puisque, dans leur grande sagesse et avec cette vision historique qui n’appartient qu’à ceux qui fréquentent assidûment les salons de bronzage, ils/elles connaissent déjà la réponse.

Et c’est ainsi que...

Puisque je "sais" qu’ils me détestent pour ce que je suis, je n’ai plus à me questionner sur ce que je fais. Et si quelqu’un m’interpelle sur ce que je fais, je me retrancherai derrière ce que je suis.

En attendant, j’installerai des chaises sur une hauteur pour observer les bombardements sur Gaza. A chaque explosion, j’applaudirai en serrant un peu plus les cuisses de bonheur.

A chaque hurlement de sirènes, j’irai me réfugier sous une table, avec un chapeau en papier aluminium sur la tête, tout en ressentant quelques frissons d’adrénaline comme sous une tente un soir d’orage. Je ne cours en réalité pas plus de risques qu’un candidat à Fort Boyard, mais je ferai quand même accompagner les images d’une musique lugubre.

Mon sentiment d’impunité est tel que je peux tirer sur des enfants jouant au foot sur une plage (après avoir déjà tiré au canon, lors d’une précédente agression, sur une famille en train de pique-niquer sur une plage - j’ai un problème avec les gens sur une plage).

La complaisance est telle que je peux ensuite dire que je ne les avais pas vus, ou

- que je ne savais pas qu’il s’agissait d’enfants, ou
- demander ce que faisaient des enfants sur une plage en pleine guerre, ou
- que j’ai pris le truc rond dans lequel ils tapaient pour une bombe nucléaire, ou...

Je peux assassiner des militants humanitaires dans un bateau, les écraser avec un bulldozer, tirer une balle dans la tête d’un gamin qui ne faisait que passer par là... la liste est longue, mais celle de mes justifications l’est encore plus.

Bref, je peux raconter et faire n’importe quoi, être le plus grand salaud sur terre s’il le faut, j’aurai toujours la certitude que ma version sera dûment répercutée par les médias avec toute la complaisance due à mon statut de voyou international - un avantage et statut que je partage avec les Etats-Unis.

Mes relais politiques à l’étranger - ce qui inclut la France - feront preuve de la même lâcheté et complicité dont ils font preuve sur tous les autres sujets (sauf lorsqu’il s’agit de faire la guerre, où ils deviennent soudain très déterminés).

Et voilà.

Le renversement des valeurs est tel qu’on prétend ici m’interdire de manifester « pour la Palestine » tout en me déconseillant de manifester « contre Israël ». Pourtant, je ne connais pas la Palestine. Je ne connais pas de Palestinien. Pas plus que je ne connais la plupart des victimes d’un viol ou de tout autre crime. Et pourtant, dans ces cas-là, je ne m’exprime pas tant « pour » la victime que « contre » le criminel. Et le criminel ici, c’est l’Etat d’Israël. Point.

Alors, défendre Israël, c’est défendre le racisme institutionnalisé, c’est défendre la violation du droit international, c’est défendre un régime criminel. Et le fait qu’Israël soit un état « juif » et/ou « démocratique » ou non n’y change strictement rien. Mais voilà, aux yeux des défenseurs de l’Etat d’Israël, la nature de l’Etat en question prime sur ses actions et/ou lui confère en quelque sorte des droits supérieurs à tout autre Etat. Ce qui est, soit dit en passant, l’essence même d’une pensée de type raciste. Ce qui n’est d’ailleurs certainement pas un hasard si on considère que la plupart des fervents défenseurs d’Israël sont - dans la vraie vie - de fieffés racistes.

Finalement, se faire taxer d’antisémitisme lorsqu’on critique un Etat officiellement raciste s’intègre parfaitement dans ce monde inversé où un parti d’extrême-droite peut se faire passer pour un parti de gauche et se dire même socialiste.

Viktor Dedaj
avec Israël, plus on s’y intéresse, et plus on se rend compte.

(*) Entre 14mn et 17mn - Le reportage sur la famille Sberro : http://www.francetvinfo.fr/replay-jt/france-2/20-heures/jt-de-20h-du-samedi-19-juillet-2014_646311.html

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