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Anomie du Monde - La responsabilité des médias mainstream

Le Monde n’est plus ce qu’il était. Autres temps, autres moeurs...

« Le guerrier est grand non parce qu’il tue, mais parce qu’il meurt. Ou parce qu’il sait qu’il va mourir et y consent, et que ce n’est pas si simple que cela, d’accepter de mourir. » Charles Péguy

Décidément, dans cette crise syrienne où les citoyens du monde, épris de paix, se tiennent le ventre dans l’attente de la destruction d’un peuple et d’une civilisation, il y a ceux qui prient pour la paix du monde à l’instar du pape François et de tout ceux pour qui rien ne vaut une vie. Il y a les autres, tous les autres qui, à des degrés divers, veulent se divertir que ça saigne que l’on observe comment les missiles ratatinent des villes et des espérances, ceux qui sont prêts à en découdre par Empire interposé. Il y a les autres enfin ceux qui en rajoutent et qui tiennent à ce que les faibles soient punis car ils ont contrevenu aux ordres des maitres et de leur vassaux.

La descente aux enfers d’un journal de référence

Dans un éditorial intitulé : « Syrie : le crime de trop appelle une riposte » appelant au meurtre et à la curée, Natalie Nougayrede du Journal Le Monde, ne laisse aucune place au doute. Ses références à prendre comme du pain bénit sont occidentales. Poursuivant la technique du boutefeux, elle incite à la fierté : « La crédibilité des pays occidentaux, qui avaient parlé à des degrés divers de "ligne rouge", est en jeu. Pas seulement. C’est toute la perspective d’un XXIe siècle doté d’un minimum d’organisation internationale qui est aujourd’hui testée. » (1) De quelles organisations internationales parlez-vous madame Nougayrede, quand le camp occidental pense allègrement se dispenser de l’appel au Conseil de sécurité ?

« Ne pas réagir écrit-elle, avec fermeté à l’événement chimique syrien serait ouvrir la voie à l’ensauvagement de notre ère à l’échelle mondiale. Nul ne pourrait alors prévoir quels fanatismes ou quelles tyrannies, demain, recourraient à leur tour à des armes de destruction massive, pensant qu’ils ne s’exposeraient, en retour, qu’à des paroles de dénonciation.

L’affaire syrienne était depuis longtemps déjà un scandale humanitaire où l’impuissance de la communauté internationale réduisait à néant la notion de "responsabilité de protéger" les civils. (..)Et pourtant, le massacre de La Ghouta s’apparente à un "Srebrenica syrien". » (1)

Rien que çà ! D’un côté, plus de 210.000 morts passés par pertes et profits à cause justement d’un laisser-faire de pays occidentaux dont la force censée protéger les Bosniaques de l’autre, une attaque chimique dont on ne sait toujours pas comment elle s’est déroulée et combien il y eut de morts,les chiffres oscillent entre 289 (Dgse française) et 1400 (CIA française) et 3000 (Osdh organisme rebelle syrien créé de toutes pièces par l’Occident et censé être une référence en matière de droits de l’homme.

Continuant sur sa lancée,elle revient à la charge « (...) Ne rien faire reviendrait à donner un blanc-seing aux crimes contre l’humanité et à ruiner l’édifice de normes internationales élevé en rempart contre l’emploi d’armes de destruction massive. Agir de manière précise, ponctuelle et ciblée ne reviendrait pas à se précipiter dans un aventurisme militaire occidental. Ce serait marquer, par l’action, une limite indépassable à la violation des principes les plus intangibles sur lesquels se fondent la communauté des nations et la sécurité internationale. Ce crime de trop appelle une réponse claire et déterminée ». (1) L’appel au meurtre est clair.

La réponse élégante de Jean-François Kahn. Dans cet ordre, la lettre de Jean-François Kahn adressée à la directrice du Monde est pour nous un baume. Monsieur Jean-François Kahn n’est pas un inconnu, fondateur de Marianne, il a toujours pourfendu ce qu’il croit être des dérives, il lui arrive naturellement l’occasion de se tromper N’a-t-il pas en effet traité l’affaire Strauss-Kahn de troussage de bonne. Il est vrai que cette bonne était noire, africaine mais au final ce « troussage » a valu au trousseur de s’en sortir difficilement en payant cher le droit de ne pas rendre compte.
Jean-François Kahn a interpellé en effet, Mme Nougayrede pour son éditorial à charge contre le président Bachar Al Assad, éditorial dans lequel elle s’étonnait que la punition, pour reprendre un terme cher à François Hollande, ne puisse pas encore être donnée... Nous le suivons : « L’éditorial en une signé, l’autre lundi, par la directrice du Monde, Natalie Nougayrède, s’aligne, certes, sur les positions de Bernard-Henri Lévy mais pas, hélas, sur son style. Que claironne cette excellente personne dans cet article interminable (un édito se devrait, pourtant, d’être court) ? Qu’il faut absolument intervenir militairement en Syrie, même sans aval des Nations unies, ce qui fut, rappelons-le, le cas quand la coalition bushiste envahit l’Irak. (...) » (2)

Prenant à témoin l’Histoire, Jean-François Kahn interpelle la directrice du Monde sur les dégâts éventuels : « A cette condition, cependant : Natalie Nougayrède assumera-t-elle les éventuelles conséquences de ses recommandations ? Car, enfin, nous traînons derrière nous un sacré arriéré de folies passées ensuite par profits et pertes. Ça a mal tourné ? On n’y est pour rien ! La catastrophe cataclysmique irakienne ? Aucun regret, aucune autocritique. Les retombées maléfiques de l’aventure libyenne ? BHL est prêt à remettre ça. L’évacuation lamentable de l’Afghanistan à feu et à sang, Al Qaîda confortée ? De l’histoire ancienne ! (...) Une chute de Bachar al-Assad, de l’affreux Bachar al-Assad, nous sommes prêts à en fêter l’annonce avec vous. Champagne ! Mais vous fêteriez-vous, tout autant le succès des Saoudiens et des Qataris, à qui on ne refuse plus rien quoique leur régime soit aussi totalitaire que le syrien et plus rétrograde : l’éradication régionale de toute alternative démocratique et laïque ? (...) » (2)

Mettant en doute sa certitude quant à la responsabilité de Damas sur l’emploi des armes chimiques et sur son indignation sélective, il s’interroge : « L’emploi d’armes chimiques à grande échelle par le régime syrien le 21 août ne fait aucun doute » et, plus loin, « Nul ne-doute [nul ?] que si, sur place, les inspecteurs de l’ONU ne trouvent pas de preuves, c’est que le régime syrien s’est employé à les détruire ». Aucun doute ! Nul ne doute ! (...)Bachar al-Assad est absolument capable d’un tel forfait. Quand ? Au moment, juste au moment où les inspecteurs de l’ONU arrivent à Damas, et cela à 10 km de la capitale syrienne ? Aucun doute ? Admettons... Quand des obus sont tombés sur l’Université d’Alep, faisant 70 victimes parmi les étudiants, cela ne faisait aucun doute, y compris pour le Monde, qu’il s’agissait d’un crime de plus des séides de Bachar. Mais, en l’occurrence, c’était les rebelles. » (2)

Justement, madame Natalie Nougayrede aurait dû s’interroger sur la provenance de ces armes chimiques. On apprend que c’est Le quotidien britannique The Independent qui a révélé que le gouvernement britannique a autorisé une entreprise, le 17 janvier 2012, à livrer à la Syrie du fluorure de sodium et de potassium. Il s’agit de substances chimiques pouvant servir à créer des agents neurotoxiques similaires au sarin.

Les autres compromissions du journal Le Monde

On est tenté d’être indulgent avec le journal Le Monde en se disant peut-être qu’après tout c’est un dérapage dans un sacerdoce de référence mis en place le 11 décembre 1944 par Hubert Beuve-Méry, à la demande du général de Gaulle qui voulait un journal de référence. Il n’en est rien car depuis une dizaine d’années, le journal Le Monde a, selon nous, dévié de sa ligne objective pour faire dans le suivisme de la voie tracée par l’Empire. Deux exemples nous permettent de comprendre cette lente dérive.

Iran : bombarder ou pas ? C’est par ce titre que madame Nougayrede s’empare de l’imaginaire des lecteurs, en leur imposant de fait sa certitude ; il faut bombarder l’Iran, mais quand ? Elle donne un exemple « Le samedi 6 juin 1981 écrit elle, l’ambassadeur américain en Israël, Samuel Lewis, s’apprête à entrer, avec son épouse, Sallie, dans un dîner mondain organisé dans un hôtel de Tel-Aviv, lorsqu’un appel téléphonique l’interrompt. Au bout du fil, le Premier ministre israélien, Menahem Begin : "Sam, veuillez transmettre au président Reagan un message urgent de ma part. Voici une heure environ, notre aviation a détruit le réacteur nucléaire près de Bagdad (à Osirak) ; tous les avions sont rentrés intacts." (...)(3)

« On peut se demander espère-t-elle, si quelque chose de semblable arrivera, en 2012, à Daniel Shapiro, le jeune ambassadeur envoyé en 2011 par Barack Obama en Israël, pays qui, d’une façon générale, perçoit l’actuel président des Etats-Unis comme le "moins amical" envers l’Etat juif, depuis sa création en 1948. » (3).

Prenant carrément le parti d’Israël, madame Natalie Nougayrede appelle de ses voeux une réponse musclée et sous-entend qu’une frappe israélienne est possible sans s’interroger objectivement - sa religion étant faite-sur la réalité du dossier nucléaire et sur l’impunité d’Israël qui n’a même pas signé le TNP. La deuxième affaire concerne la diabolisation de l’Aiea de monsieur Baradei. L’acharnement dans la cause syrienne n’a d’équivalent qu’avec le zèle de bénédiction avec lequel elle a traité et « maltraité » le dossier iranien. « Lors d’une conférence récente, écrit Phillipe Barbrel, M.Heinonen, le directeur adjoint de l’Aiea, a fait état de documents sur les programmes militaires iraniens. Mme Nougayrède, journaliste au Monde, considère qu’il s’agit d’un démenti aux conclusions des services de renseignement américains sur l’arrêt du programme nucléaire militaire, et d’un camouflet infligé à M.El Baradei qu’elle suspecte de complaisance. Problème : ces documents sont connus depuis des années, M.El Baradei les a utilisés dans son rapport, et leur authenticité n’est toujours pas fermement établie.

Pour Madame Nougayrède la culpabilité de l’Iran ne fait aucun doute, et les travaux de l’Aiea, tout comme le rapport du NIE sont nuls et non avenus. Le 22 janvier 2008, elle écrivait : « La diplomatie piétine aussi parce que, ces dernières semaines, l’administration Bush, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, se sont consacrés à réparer les dégâts causés par le rapport des agences de renseignement américaines, publié le 3 décembre 2007. » (5)

La fascination pour BHL « le tintin des démocrates »

Enfin, on ne peut pas ne pas citer la fascination de la journaliste pour Bernard-Henri Lévy et son épopée dans le lynchage d’El Gueddafi : « L’intellectuel engagé puise dans sa fortune personnelle pour se porter à de multiples reprises sur le terrain en Libye, accompagné de toute une équipe, cameraman compris. Il organise des séjours en France d’émissaires de l’insurrection, avec étapes à l’Elysée. Homme de réseaux, bien introduit dans la presse (il est membre du conseil de surveillance du Monde), il a assuré l’"après-vente" efficace de ses initiatives... BHL, militant depuis des décennies de causes épiques et souvent justes, est un génie de la communication. Dans cette guerre, il a mis son goût de l’emphase au service de Nicolas Sarkozy, Il a été un porte-étendard hors pair. Dans le livre qu’il publie, mercredi 9 novembre, La Guerre sans l’aimer BHL n’écrit pas, noir sur blanc, que l’intervention armée n’aurait jamais eu lieu sans lui. Il en diffuse l’impression. Il répercute, au fil de son épopée libyenne, les commentaires des acteurs ou des observateurs convaincus que son activisme a été décisif. (6)

L’assujettissement de la presse à l’Empire

On ne peut pas conclure sans parler de la philosophie profonde de Mme Nougayrede concernant l’Ordre mondial qu’elle pense être du ressort exclusif de l’Empire aidé par ses vassaux. Son passage comme correspondante dans les pays de l’Est lui a donné une solide aversion pour la Russie de Poutine. Manuel de Diegez analysant une de ses contribution sur la vassalisation de l’Europe édité le 26 avril 2013 écrit : « Le Monde s’est officiellement prononcé pour la satellisation rapide et irréversible de l’Europe. Le décryptage anthropologique d’une fatalité politique, celle de la vassalisation accélérée de l’Europe, a connu un tournant aussi discret que décisif, le 26 avril dernier avec la parution en première page du journal Le Monde, d’un éditorial retentissant signé Natalie Nougayrède, la directrice du quotidien français le plus prestigieux sur la scène internationale, sous le titre : "Le XXIe siècle se joue en Asie".

L’affichage d’une volonté de subordination de l’Union européenne aussi résolue témoigne de méthodes d’assujettissement mûrement planifiées.(...) Comment Mme Nougayrède peut-elle écrire : "En mars dernier, le dernier char d’assaut américain a quitté l’Allemagne. Le premier était arrivé en 1944" ? Personne n’imagine un seul instant que Mme Nougayrède ignorerait l’incrustation de deux cents bases militaires en Allemagne depuis 1949, ou la récente mise hors jeu de l’arme nucléaire française, remplacée par un bouclier anti-missiles appelé "Patriot"(...) » (7)

Après deux ans de guerre civile, le soutien pour le régime syrien du président Bachar al-Assad a fortement augmenté. L’Otan reconnaît que 70% des Syriens soutiennent Bachar el-Assad Le constat revient à l’Otan qui s’est basé sur des données recueillies par des militants et des organisations parrainées par l’Occident, et selon lesquelles la majorité des Syriens sont alarmés par la confiscation de la révolte par la nébuleuse d’Al-Qaîda et préfère revenir à Assad. Il n’y a donc pas rejet de la population sachant que les présidents démocratiquement élus le sont rarement avec plus de 52%. (8)

En conclusion, Le Monde a plus que jamais besoin de sages d’intellectuels qui appellent à la paix universelle. Nous avons plus que jamais des références qui s’indignent comme le faisait le regretté Stephane Hessel. Où sont les Edgar Morin, Rony Brauman, Esther Benbessa qui font preuve dans ces assassinats de femmes et d’enfants annoncés d’un silence assourdissant amplifié, on l’aura compris, par des médias plus que jamais aux ordres.

Chems Eddine CHITOUR

1 .http://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2013/08/26/syrie-le-crime-de-trop-appelle-une-riposte_3466412_3208.html

2. http://www.marianne.net/Madame-la-directrice-du-Monde-voila-pourquoi-votre-editorial-m-a-scandalise_a231663.html

3. Natalie Nougayrède http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/02/13/la-guerre-des-nerfs_1641768_3218.html

4. Philippe Barbrel, http://www.contreinfo.info/article.php3?id_article=1774 2 mars 2008

5. http://www.lemonde.fr/idees/article/2008/01/21/le-desarroi-face-au-nucleaire-iranien-par-natalie-nougayrede_1001759_ 3232.html

6. http://www.lemonde.fr/libye/article/2011/11/08/bhl-porte-etendard-libyen_1600481_ 149 6980.html

7. aline.dedieguez.pagesperso-orange.fr/tstmagic/1024/.../nougayrede.htmý

8. http://www.almanar.com.lb/french/ad...


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L’horreur impériale. Les États-Unis et l’hégémonie mondiale
Michael PARENTI
Enfin traduit en français. Notes de lecture, par Patrick Gillard. La critique de l’impérialisme made in USA La critique de l’impérialisme américain a le vent en poupe, notamment en Europe. Pour preuve, il suffit d’ouvrir Le Monde diplomatique de novembre 2004. Sans même évoquer les résultats des élections américaines, dont les analyses paraîtront en décembre, le mensuel de référence francophone en matière d’actualité internationale ne consacre pas moins de deux articles à cette (…)
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