Je voudrais pas semer le bouzyn mais enfin, bon, voici ce qu’elle écrit, Naomi, dans LE bouquin, à propos de Tiananmen
Le 20 mai 1989, le gouvernement de la République populaire de Chine lançait
clairement ce message en déclarant la loi martiale. Le 3 juin, les tanks de l’Armée
populaire de libération foncèrent sur les manifestants et firent feu au hasard sur la
foule. Des soldats se ruèrent sur les autobus où des manifestants avaient trouvé refuge
et les battirent à coups de matraque. D’autres soldats enfoncèrent les barricades
dressées autour de la place Tiananmen, où des étudiants avaient érigé une statue à la
gloire de la Déesse de la démocratie, et arrêtèrent les organisateurs. Au même moment,
des mesures de répression similaires se multipliaient partout dans le pays.
On ne saura jamais combien de personnes furent tuées ou blessées ces jours-là. Le
Parti admet qu’il y en eut des centaines, et des rapports de témoins oculaires de
l’époque font état de 2 000 à 7 000 décès. Quant aux blessés, il y en aurait eu jusqu’à
30 000. On assista ensuite à une véritable chasse aux sorcières contre les critiques et
les opposants du régime. Quelque 40 000 d’entre eux furent arrêtés, des milliers furent
emprisonnés et beaucoup — peut-être des centaines — lurent exécutés. Comme en
Amérique latine, le gouvernement réserva ses châtiments les plus durs aux ouvriers, qui
représentaient la plus grave menace pour le capitalisme déréglementé. « La plupart des
personnes arrêtées — et la quasi-totalité de celles qui furent exécutées — étaient des
ouvriers. L’objectif était de toute évidence de terroriser la population ; il était bien
connu que les personnes arrêtées étaient systématiquement battues et torturées », écrit
Maurice Meisner.
Pour l’essentiel, la presse occidentale traita le massacre comme s’il s’était agi d’un
nouvel exemple de la brutalité communiste : pendant la Révolution culturelle, Mao
avait éliminé ses opposants ; à présent, Deng, le « boucher de Beijing », écrasait ses
détracteurs sous l’œil inquisiteur d’un portrait géant de Mao. Un titre du Wall Street
Journal laissait entendre que la réaction du gouvernement menaçait d’anéantir dix
années de réforme — comme si Deng avait été l’ennemi de ces réformes et non leur
plus ardent défenseur, bien résolu à les faire entrer dans de tout nouveaux territoires.
Cinq jours après la répression sanglante, Deng, dans un discours à la nation, indiqua
on ne peut plus clairement que ses agissements visaient à protéger le capitalisme et non
le communisme. Après avoir déclaré que les manifestants étaient « la lie de la
société », le président chinois réaffirma la détermination du Parti à poursuivre la
thérapie de choc économique. « Bref, c’était un test, et nous l’avons réussi », dit Deng.
Puis il ajouta : « Peut-être ces événements malheureux nous aideront-ils à mieux faire
avancer la réforme et la politique d’ouverture, de façon plus régulière, voire plus
rapide. [...] Nous n’avons pas eu tort. Il n’y a rien de mal dans les quatre principes
cardinaux [de la réforme économique]. S’il y a un problème, c’est qu’ils n’ont pas été
appliqués avec assez de rigueur
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