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Nouvelles de Palestine...

Ce texte, écrit par Chantal Abu Eisheh est le témoignage d’une professeure de Français vivant en Palestine.

Pardon, c’est Kippour !

Oui, c’est facile ...mais par les temps qui courent, il ne faut pas hésiter à se faire un petit plaisir, même à bon marché !

La petite famille est donc revenue « au pays » après des vacances bien méritées. Nous avons pu goûter les joies de trajets simples et rapides, de projets menés à bien et de nuits calmes…

Evidemment dès l’aéroport Ben Gourion nous avons tout de suite su qu’il nous faudrait encore affronter quelques, disons… « désagréments ». Carton rouge dès le premier guichet, et donc fouille minutieuse des valises (il était 4h30 du matin et nous avions fait escale à Athènes, nous étions donc en pleine forme…). On me demande de sortir les livres et les chaussures des valises pour vérification. Peut-être s’agissait-il de livres à se mettre aux pieds et de chaussures contenant des documents secrets… puis on nous tâtonne tous les trois. Comme à chaque fois que je vois les enfants soumis à ce genre de mesure, je m’énerve et demande à la demoiselle chargée de s’occuper de nous : « pourquoi nous justement ? ? ? »…Bonne pâte que je suis, je lui souffle que peut-être notre nom de famille déclenche systématiquement ce genre de traitement. D’un air agacé elle me dit : « je ne vais pas vous apprendre qu"elle est la situation ici ». Oh non, pas de discours svp… J’ajoute juste que c’est la 23è fois que nous subissons cela et que nous aurions besoin du même type de soutien psychologique que celui apporté aux victimes du terrorisme …Haussement d’épaules de la demoiselle. On tourne les talons et retrouvons Anwar qui nous attend.

Direction Jérusalem et non Hébron car à cette heure matinale pas question d’essayer de convaincre les soldats de nous laisser entrer dans la ville. Etape de trois heures à Abu Dis où je découvre un nouveau barrage (mur de béton) qui va sûrement encore simplifier la vie des Palestiniens. Puis finalement, on se lance… Lunettes de soleil sur le nez et cigarette au bec, je fais bonne mine aux soldats du premier barrage qui me répondent par « shalom ». Au second, les soldats sont « heureusement » occupés à contrôler une voiture et nous passons donc sans même ralentir. Le look, très important le look… Vous me direz, « mais avec vos passeports français vous passez toujours les barrages », eh bien non, ce n’est pas si simple. D’abord Anwar s’appelle Anwar… et cela suffit pour qu’on lui fasse faire demi-tour. Et puis notre plaque minéralogique jaune est désormais interdite à l’entrée (fut-elle située à 10 km) des villes autrefois appellées « autonomes ». A peine le barrage franchi, nous entendons à la radio israélienne qu’Hébron est sous couvre-feu…Au troisième barrage le soldat nous laisse néanmoins entrer, sans question, c’est bon ! Les rues sont normalement animées, alors la radio est elle mal informée ?

Logique, logique, ah quand tu nous lâches !

Pas grand changement depuis deux mois… sauf la colline de la Muqata… vide ! Il manque quelquechose … sauf de la poussière blanche .Ah oui, c’est vrai qu’une tonne de TNT a été larguée pour… Pourquoi au fait ? Il semble qu’il n’y ait eu personne dans le bâtiment !

Le lendemain les enfants reprennent le chemin de leur école : les effectifs s’amenuisent (15 par classe) alors que ceux des écoles publiques explosent (jusqu’à 60 !), situation économique oblige…

Moi aussi je reprends le chemin de Jérusalem, en taxi collectif. Pas d’amélioration visible… on fait toujours un petit détour de 10 km pour sortir de la ville. A l’entrée de Jérusalem nous sommes arrêtés par trois soldates (garde-frontières) qui nous intime (en aboyant, comme d’habitude) de donner nos pièces d’identité. Elles notent scrupuleusement sur des formulaires les numéros des cartes d’identité des « résidents » de Jérusalem arrivant d’Hébron… Fouille des valises de ceux en partance pour Amman et examen minutieux d’une bouteille de coca remplie de feuilles de vignes…

Au retour, relais de 3 taxis pour rentrer à Hébron (1h45) Là , la clope et les lunettes de soleil, entourée que je suis de Palestiniens, çà ne marcherait pas de toute façon …

Le surlendemain, couvre-feu imposé à 17h (ne demandez pas pourquoi). Nous sommes aux deux tiers de la fête de mariage d’une nièce d’Anwar. Remous dans la salle, un camion de soldats transportant des prisonniers palestiniens vient de s’arrêter et d’ordonner que chacun rentre chez soi… La mariée voit sa fête écourtée, on rentre…

Combien de temps durera ce couvre-feu ? Bonne question que l’on se pose désormais presque tous les jours. On imagine que les écoles resteront fermées le lendemain matin. Eh bien non, les voisins sortent, Anwar nous réveille et emmène les enfants… Une heure plus tard ils nous appellent : la classe n’aura duré qu’une heure, finalement le couvre-feu est en vigueur…

Depuis, on a droit à ce petit jeu assez régulièrement. Les soldats passent avec des porte-voix annonçant le couvre-feu, deux heures plus tard tout le monde ressort… le couvre-feu est levé par les habitants eux-mêmes… jusqu’à ce que l’armée se remanifeste, éventuellement…

Donc, il faut instaurer un nouveau système de fonctionnement : on met le réveil « comme si » et on téléphone à untel ou unetelle pour savoir où on en est … Fiabilité réduite. De ce fait des enfants chaque jour manquent l’école . Leurs parents croyaient que… Même les observateurs internationaux en place à Hébron ne sont pas toujours au parfum…

Et maintenant c’est donc Kippour…(plus anniversaire de Sabra et Chatila plus celui de la guerre d’octobre 73 …, peut-on encore en rajouter ?)
Mais contrairement à ce que je lis dans la presse israélienne, notre bonne ville n’est pas soumise au couvre-feu, la rumeur dit que ce sera à partir de 13h, et puis non, rien, sauf dans H2 bien sûr où personne ne bouge depuis vendredi ! Par contre personne ne sortira de la ville de dimanche midi à mardi matin. Mais quand même :« bouclage renforcé » ajoute la presse, que l’on pourrait traduire par « étranglement avant asphyxie » Essayez donc de vous serrer la ceinture quand elle est déjà au dernier cran…

Malgré tout on a toujours à manger même si les prix grimpent . La tomate est devenue un produit rare et de luxe…Imaginez !

Avec tout çà , essayez d’organiser un tantinet votre vie… Avant de partir en vacances, il était difficile de prévoir si et quand on pouvait sortir de la ville et y rentrer. Maintenant la même question se pose juste pour sortir de la maison ou du quartier. On passe son temps à se renseigner et à supputer avant d’agir pour finir , certains jours, par se dire « à quoi bon ? » Notre espace vital continue de se réduire ;,jusqu’où ? Et il faudrait demander à cette société de plus en plus asphyxiée et qui tourne en rond, de se moderniser, de s’adapter, de résister à la sclérose ?

Pour finir quand même sur un point positif, une chose marche de mieux en mieux ici depuis le début de l’intifada : les cours de français. Nous voici avec 53 étudiants ! C’est sans doute une évasion comme une autre …

Le 16 septembre 2002.

Souce : Association France Palestine Solidarité


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