RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
13 
La machine à abrutir ne connaît pas la crise

La stupidité programmée

Nous vivons à une époque où les nouvelles idoles, résonances de la vacuité, s’appellent Steve Jobs, Paris Hilton, Cristiano Ronaldo, Lady Gaga. Servie par une machinerie implacable, l’inculture de masse régie par l’interdit de penser hypnotise la jeunesse mondiale. Aucune contre-éducation formelle ne peut faire face à ce torrent d’images et de sons cumulatifs qui domine le quotidien de chacun. Sport, télévision, publicité sont devenus les piliers de la manipulation des consciences.

Le soubassement premier de l’hégémonie capitaliste n’est plus fondé sur la coercition mais bien plutôt sur la séduction et la servitude volontaire. Depuis longtemps, l’industrie du spectacle est « le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit de conditions sociales d’où l’esprit est exclu ». Elle est le nouvel opium du peuple pour reprendre les mots fameux de Marx relatifs à la religion. Par son caractère distrayant, l’industrie culturelle est un redoutable régulateur social, à la fois manifestation de l’ineptie existentielle et consolation sédative.

Le sport-spectacle mobilise plus que jamais des capitaux invraisemblables et enrégimente des foules magnétisés à leur écran, distraites de leur misérable réalité sociale. Rien de plus chronophage que ces messes sportives qui colonisent l’espace public et canalisent les énergies des masses. Avides de pouvoir, des entreprises multinationales voire même des Etats (Dubaï, Qatar) spéculent sans compter sur ce processus rampant d’abrutissement. Le Qatar, organisateur de la coupe du monde 2022 pour un coût astronomique estimé à 50 milliards, a développé une véritable diplomatie sportive en rachetant notamment le club de Paris Saint-Germain et en créant un réseau de diffusion télévisé planétaire. « Contenu idéologique dominant, souvent exclusif même, des grands médias, des commentaires politiques, des ragots journalistiques, des conversations quotidiennes (y compris chez les intellectuels dits de gauche), le spectacle sportif apparaît comme une propagande ininterrompue pour la brutalité, l’abrutissement, la vulgarité, la régression intellectuelle » nous fait remarquer le sociologue français Jean-Marie Brohm.

En ces temps tumultueux frappés par la paupérisation et le déficit de sens, le piège à con est de s’identifier aux totems de la réussite, du monde sportif ou du spectacle, qui occultent la réalité tragique du monde capitaliste. Enfants des favelas ou des quartiers populaires de Marseille, tous aspirent à la célébrité ou du moins s’inspirent des modes de consommation de leurs idoles. Déconnecté du réel, les jeunes reproduisent imbécilement les comportements des stars marchandisées jusque dans leur allure parfois biscornue, aux airs de prostituée des bas-quartiers de Rihanna à celui de métrosexuel bling-bling de Cristiano Ronaldo.

La « téléréalité », qui a envahi l’espace télévisuel en l’espace de quelques années, n’est qu’un simulacre qui déréalise les foules assoiffées de célébrité. Vitrine de l’avilissement de l’être, ces programmes sont, avec ses antivaleurs, une métaphore de la société capitaliste. Stratégie sournoise, utilitarisme, trahison sont le lot de ces émissions qui gratifient les pratiques individualistes et narcissiques. Dans cette société scopique où chacun doit faire sa propre promotion, le consommateur devient lui-même à travers les réseaux sociaux et autres blogs un produit mis en scène.

Il est encore plus difficile d’échapper à l’étreinte de la publicité qui est omniprésente et redoutablement efficace. Elle nous suit comme notre ombre, dans l’espace public comme dans la vie privée. Sidéré par la projection de l’image, l’être n’existe plus sans sa représentation. Le credo de la pub se résume à « Je dépense donc je suis ». C’est le fin du fin du fétichisme de faire croire que l’acquisition d’une marchandise a le pouvoir démiurgique de fonder la personnalité. Think different (mais surtout achète pareil) disait cyniquement le slogan d’une marque qui a œuvré plus pour l’homogénéisation de la société que pour l’émancipation des esprits. Chacun a l’illusion d’opérer un choix alors qu’il ne fait que se conformer à des stimuli comme des moutons de Panurge.

Il est temps de discerner ce qui relève de nos propres jugements et ce qui procède des influences externes pour reprendre le contrôle effectif de nos vies. Une bonne dose d’intelligence critique est nécessaire pour sortir de l’ornière consumériste. Le véritable individualisme s’exprime dans le refus de ce mouvement collectif de dépersonnalisation et d’apathie politique.

Emrah Kaynak

URL de cet article 20680
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Thème
Le cauchemar de Humboldt de Franz Schultheis
Bernard GENSANE
Bien qu’un peu long, ce compte-rendu rend à peine justice à la richesse de cet ouvrage indispensable à ceux qui veulent comprendre pourquoi, par exemple, la première contre-réforme imposée par Sarkozy fut celle des universités. On pourrait commencer par cette forte affirmation de 1991 de sir Douglas Hague, universitaire britannique de haut niveau, professeur de sciences économique, spécialiste du " marché de l’éducation " et, ô surprise, ancien conseiller de Madame Thatcher : "Si les (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral, et montrer que, chaque fois qu’il y a au VietNam une tête coupée et un oeil crevé et qu’en France on accepte, une fillette violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend et qu’au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées. de tous ces prisonniers ficelés et interrogés, de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent. [...]

Aimé Césaire

Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
Analyse de la culture du mensonge et de la manipulation "à la Marie-Anne Boutoleau/Ornella Guyet" sur un site alter.
Question : Est-il possible de rédiger un article accusateur qui fait un buzz sur internet en fournissant des "sources" et des "documents" qui, une fois vérifiés, prouvent... le contraire de ce qui est affirmé ? Réponse : Oui, c’est possible. Question : Qui peut tomber dans un tel panneau ? Réponse : tout le monde - vous, par exemple. Question : Qui peut faire ça et comment font-ils ? Réponse : Marie-Anne Boutoleau, Article XI et CQFD, en comptant sur un phénomène connu : "l’inertie des (...)
93 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.