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Un remake de l’invasion de l’Irak ?

Sarin, la nouvelle ADM du pauvre.

« Quand on veut noyer son chien, on l’accuse de rage »

Une accusation récurrente qui date d’il y a six mois : la Syrie utiliserait des armes chimiques contre son peuple. On accuse la Syrie de posséder toutes sortes d’armes chimiques. sarin, tabun, du gaz moutarde et du VX, version plus mortelle du sarin. Depuis les années 1990 on accuse la Syrie de posséder le plus grand arsenal d’armes non conventionnelles du Proche-Orient. Mais lesquelles, et combien ? L’affaire du sarin nous rappelle étrangement le matraquage des médias occidentaux prélude à l’invasion de l’Irak. Il y eut, en effet, un précédent Saddam Hussein qui utilisa ces armes chimiques à Hallabja contre les Kurdes. La « communauté internationale » c’est-à-dire les Etats-Unis et ses vassaux européens n’ont pas bougé, c’était une affaire interne. Ils bougèrent quand Bush décida d’envahir l’Irak dans le cadre du Pnac pour s’emparer du pétrole irakien. Il fallait trouver un motif, les armes de destruction massive cherchées en vain par Hans Blix puis El Baradei (anciens directeurs de l’Aiea). Tout le monde se souvient de la réunion du Conseil de sécurité du 5 février 2003, Le secrétaire d’Etat Collin Powell brandissant une fiole censée être la preuve irréfutable que Saddam Hussein détenait des ADM. On sait par la suite que Collins Powell reconnut qu’il avait été trompé par les Anglais. Dix ans plus tard, un autre pays arabe musulman, risque de connaitre le même scénario pour des accusations pour le moment invérifiables, de l’avis même du président si c’est du fait du pouvoir syrien ou de la rébellion.

Bref historique des armes chimiques

Les hommes se sont toujours battus et pendant longtemps ce fut des batailles qui méttaient en jeu des stratégies et des forces en hommes. Par la suite, il y eut un tournant majeur avec l’apparition d’armes sophistiquées Celui qui détenait une supériorité, la devait à sa « technologie », au secret de sa fabrication. Des civilisations disparurent à cause notamment, de leur retard technologique.

Dès l’antiquité gréco-romaine, les premières "armes chimiques" ont fait leur apparition lors de différents conflits. D’abord rudimentaires (simples poisons tirés de plantes), elles se sont perfectionnées au fil des siècles - au même titre que l’armement en général - et ont été de plus en plus employées, notamment lors de la guerre 1914-18. A la fin du siècle dernier, les nations ont pris conscience de la nécessité d’interdire l’emploi des armes chimiques. Le dernier acte en date et le plus important est la Convention pour l’interdiction des armes chimiques, entrée en vigueur le 29 avril 1997. (1)

« Déjà dans l’antiquité gréco-romaine on rapporte les puits empoisonnés à l’ergot de seigle (Assyriens et Perses, Vie et IVe siècles av. J-C.) ; le "Feu grégeois" : fumées toxiques à base de pâte incendiaire inventées par le grec Kallinikos (673). Le "feu grégeois" restera pendant cinq siècles l’arme secrète de Byzance contre les Turcs. Au Moyen âge et Renaissance on cite les barriques de chaux vive aveuglante catapultées par la flotte anglaise sur des vaisseaux français. Au XIXe siècle on cite le plan anglais pour enfumer mortellement la garnison russe de Sébastopol avec 500 t de soufre (guerre de Crimée, 1854-1855). La Première Guerre mondiale fut un concentré d’horreur par l’utilisation de l’ypérite, dès le 22 avril 1915 : les pertes totales dues aux gaz de combat -ont été de 1.300.000 hommes (dont près de 100.000 morts au combat). En 1925, pendant la guerre du Rif, franco-espagnole contre Abdelkrim le rogui, il y eut utilisation d’ypérite ; de même qu’en 1935-36 : emploi massif d’ypérite contre les guerriers abyssins contribuant à l’écrasement de l’Ethiopie. » (1)

« Dans les années 1950, marquées par la "guerre froide", s’amorce un tournant décisif : production massive d’armements chimiques de plus en plus sophistiqués et efficaces. Entre 1963 et 1968 : l’Egypte utilise de l’ypérite au Yémen, les Etats-Unis de la dioxine au Vietnam le fameux agent orange qui fit des dégâts importants. De 1982 à 1988, l’Irak utilisera des armes chimiques en diverses occasions : de décembre 1987 à décembre 1990. Les Etats-Unis, après 19 ans d’interruption, reprennent la production d’armes chimiques. » (1)

Qu’est-ce que le sarin ?

Au moment où les nations développées conçoivent des armes de plus en plus dangereuses - pour leur doctrine de zéro mort de leur côté- on accuse les pauvres d’utiliser des armes qu’elles-mêmes ont inventées il y a plus d’un siècle et se découvrent une vocation humaniste après les horreurs des guerres mondiales et de décolonisation, (Vietnam, Algérie) où le napalm fut utilisé de façon insdutrielle, le sarin parait bien rikiki. « Le sarin lit-on dans l’Encyclopédie Wikipédia, est une substance inodore, incolore et volatile, extrêmement toxique pour l’homme et l’animal, même à très faible dose (0,01 ppm peut être fatal). On estime qu’il est environ 500 fois plus toxique que le cyanure. Il passe facilement la barrière des poumons et est absorbé par la peau d’où il passe directement dans le sang. Il a été utilisé comme arme chimique. Le sarin fut découvert en 1939 en Allemagne, dans les laboratoires de l’IG Farben, par trois chercheurs allemands. Le composé reçoit son nom d’après ses inventeurs : Gerhard Schrader, Ambros, Rüdiger et Van der Linde. Plusieurs armées de par le monde, ont mis à la disposition de leurs soldats des seringues auto-injectables d’antidote.En 1950 : l’Otan en fait son agent neurotoxique officiel. L’Union soviétique et surtout les États-Unis en produisent des quantités importantes. En 1991 : la résolution 687 de l’ONU considère que le sarin est une arme de destruction massive et de ce fait interdit. » (2)

On l’aura compris, les pays occidentaux qui décident de ce qui doit être interdit, ont pris la « précaution » de produire des produits chimiques autrement plus dangereux.

Les accusations occidentales

La Syrie a-t-elle fait usage d’armes chimiques contre les rebelles ? Londres et Washington disent posséder des renseignements qui l’indiquent. Du gaz sarin aurait été employé. Cette accusation est ancienne, elle date de l’année dernière à l’époque déjà ? certains étaient convaincus de cela. Ainsi, pour Isabelle Lasserre : « Personne ne remet en cause l’existence d’armes non conventionnelles en Syrie. Néanmoins, dans la perspective de la chute du régime, le sort de cet arsenal pose question. Que les propos américains sur une militarisation de l’arsenal chimique syrien aient ou non été une manipulation diplomatique, ils ont en tout cas fait franchir une nouvelle étape à l’idée d’intervention militaire dans la liste des scénarios envisagés par les capitales occidentales. Les États-Unis et leurs alliés, notamment la France, avaient déjà affirmé qu’une utilisation des armes chimiques serait considérée comme une « ligne rouge » justifiant une vive réaction. Sans que personne n’ait précisé ce qui pourrait exactement la déclencher. (...) En affirmant que l’armée syrienne avait commencé à charger des bombes avec du gaz sarin, les responsables américains voulaient-ils entraîner leurs alliés dans une action préventive ? Selon certains experts, il s’agirait de rejouer en Syrie l’intervention militaire menée en 2011 en Libye. Pas de troupes au sol, mais une action combinée de forces spéciales, d’hélicoptères et d’avions pour mener des frappes ciblées. Cette opération aurait pour finalité de prendre le contrôle des stocks d’armes chimiques, afin de les neutraliser. (...) Après avoir fait monter la mayonnaise, Washington semble désormais relativiser le danger. Mais si la Syrie n’est pas la Libye, elle n’est pas non plus l’Irak. Il n’y avait pas d’armes chimiques dans l’Irak de Saddam Hussein. Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, a évoqué 1000 tonnes réparties sur une trentaine de sites. » (3)

Curieusement, depuis décembre 2012, silence radio puis brutalement sans que l’on sache trop comment, l’information refait surface fin avril 2013. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont affirmé détenir des informations allant en ce sens. « Nous insistons pour une enquête des Nations unies qui pourrait évaluer les preuves et établir ce qui s’est produit », a dit la porte-parole du Conseil de sécurité nationale (NSC), le cabinet de politique étrangère du président Barack Obama, Caitlin Hayden.

Celine Lussato du Nouvel Observateur, semble prendre elle aussi ses désirs pour des réalités. Elle rapporte les déclarations incendiaires de David Cameron qui rappellent celles de Tony Blair pour l’Irak ; « "C’est extrêmement grave, c’est un crime de guerre et nous devons le prendre très au sérieux", a-t-il déclaré sur la BBC à propos des preuves de l’utilisation d’armes chimiques en Syrie. Le président des Etats-Unis Barack Obama a promis une "enquête très solide" sur l’utilisation éventuelle d’armes chimiques en Syrie et réaffirmé que l’emploi de telles armes changerait "la règle du jeu". Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a "renouvelé son appel urgent" au gouvernement syrien pour qu’il autorise une équipe de l’ONU à enquêter sur les accusations d’utilisation d’armes chimiques dans le conflit, a indiqué jeudi son porte-parole (...)L’ONU avait nommé le 26 mars, le professeur Ake Sellström, un scientifique suédois, pour diriger une équipe d’experts chargée de déterminer si des armes chimiques ont été utilisées en Syrie. (...) » (4)

Elle nous apprend, sans bouder son plaisir, qu’il y a une étroite coordination américano-israélienne pour régler le problème : « Le Pentagone écrit-elle, a déjà envoyé plus de 200 hommes en Jordanie pour préparer une éventuelle opération conjointe avec des alliés pour sécuriser les armes chimiques syriennes. Une option soutenue par les Israéliens : "Il est clair que s’il y a une volonté de la part des Etats-Unis et de la communauté internationale, ils peuvent agir militairement et prendre le contrôle des arsenaux chimiques syriens, (...) ce qui mettra fin à toutes les inquiétudes", a déclaré le vice-ministre des Affaires étrangères, Zeev Elkin, dans une interview à la radio militaire. Mais pour l’heure, aucune décision ne semble avoir été prise à Washington, Paris ou Londres. » (4)

La réaction molle du pouvoir syrien

Le régime syrien a rejeté samedi les accusations américaines et britanniques sur son recours à des armes chimiques dans sa guerre contre les rebelles, l’allié russe mettant en garde l’Occident contre l’utilisation de ce dossier comme un "alibi" pour intervenir en Syrie. Selon lui, "la Syrie n’utilisera jamais (d’armes chimiques), pas seulement parce qu’elle respecte la législation internationale et les règles d’une guerre, mais en raison de problèmes humanitaires et moraux". (...) Pour l’émissaire du président russe Vladimir Poutine pour le Moyen-Orient, Mikhail Bogdanov, les informations relayées sur les armes chimiques ne doivent pas servir d’"alibi" pour une intervention militaire en Syrie. Il a néanmoins affirmé que "s’il y a des preuves sérieuses sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie, il faut les montrer immédiatement et ne pas les dissimuler" ».(5)

Par ailleurs, Damas accuse la Turquie d’armer les rebelles, la Jordanie, de les entraîner et de favoriser leur infiltration en Syrie, et une partie des Libanais d’aider les insurgés à faire passer les armes à travers la frontière. (...) La Jordanie s’est retrouvée impliquée dans le conflit quand les États-Unis ont déployé des soldats sur son sol pour entraîner l’armée jordanienne et intervenir le cas échéant pour sécuriser les stocks d’armes chimiques syriennes.

M.Assad a d’ailleurs prévenu que la Jordanie était aussi "exposée" à la crise que la Syrie.

Dans sa conférence de presse de mardi 30 avril, Obama en parle. Tangi Quemener de l’AFP résume son intervention : « M.Obama n’a pas dévié de sa position d’extrême prudence. Barack Obama a promis une réévaluation des "options" américaines sur la Syrie s’il est prouvé que Damas a utilisé des armes chimiques, mais a mis en garde dans l’intervalle contre des décisions prises sans avoir "tous les éléments" en main. Le président a cependant mis en garde contre la prise de décisions hâtives en l’absence de faits précis et concrets. "Je dois être certain d’avoir tous les éléments. a-t-il dit. Son administration évoque ouvertement le précédent de 2003, quand le prédécesseur de M.Obama, George W.Bush, avait lancé l’invasion de l’Irak sous le prétexte d’armes de destruction massive qui n’ont jamais été retrouvées. A l’heure actuelle, "on ne sait pas comment ces armes ont été utilisées, quand elles ont été utilisées, ni qui les a utilisées", a souligné le président américain. Lors d’un entretien avec son homologue russe Vladimir Poutine, "le président Obama a souligné l’inquiétude (provoquée par) les armes chimiques syriennes", a indiqué l’Exécutif américain dans un communiqué, en précisant que les deux hommes allaient "continuer à se concerter étroitement" sur le conflit syrien. - AFP 30.04.2013

Que peut-on dire en conclusion ?

La mort rôde au quotidien. Un nouvel attentat a ensanglanté mardi 30 avril à une heure de grande affluence, la capitale syrienne, tuant au moins 13 personnes, au lendemain d’une attaque ayant visé en vain le Premier ministre. Les violences ont causé lundi la mort de 159 personnes -36 soldats, 65 rebelles et 58 civils. Le peuple syrien découvre, inaugure les attentats à la voiture piégée faisant chaque jour des dizaines de morts. Si le pouvoir syrien est sûr de son fait comme il l’a fait en accusant auprès des Nations unies les rebelles d’Al Nosra d’avoir utilisé les armes chimiques (chlore le 19 mars), et pour éviter tout malheur supplémentaire au peuple syrien, le pouvoir syrien devrait permettre l’inspection par les Nations unies. Cela n’est sûrement pas une garantie - comme pour l’Irak- mais au moins devant la communauté internationale des 195 nations, elle a une position claire.

La solution est connue de revenir aux accords de Genève pour une transition apaisée. Pour rappel, cet accord international adopté le 30 juin 2012 est "la base sans autre alternative, pour un règlement politique de la crise en Syrie", a affirmé M.Bogdanov émissaire russe. Le texte appelle à la fin immédiate des violences qui ravagent la Syrie et prévoit la mise en place d’un processus de transition politique, mais ne se prononce pas sur le sort du président Bachar al-Assad. C’est ce que tente désespérément de mettre en place le médiateur des Nations unies, Lakhdar Brahimi, devenu la bête moire du Qatar qui, vainement tente de le neutraliser pour imposer « sa solution ». Une reddition en rase campagne des Arabes ou de ce qu’il en reste. Mais ceci est une autre histoire...

Chems Eddine CHITOUR

1. http://nonproliferation.irsn.fr/Chimie/CIAC/Pages/armes-chimiques-dans-histoire.aspx

2. Le sarin. Encyclopédie Wikipédia.

3. Isabelle Lasserre http://www.lefigaro. fr/international/2012/12/11/01003-20121211ARTFIG00657-le-casse-tete-des-armes-chimiques-d-assad.php ?cmtpage=04

4. Céline Lussato http://tempsreel.nouvelobs.com/la-revoltesyrienne /20130426.OBS7414/syrie-armes-chimiques-que-peut-faire-la-communaute-internationale.html

5. http://www.lorientlejour.com/article/812132/le-regime-syrien-rejette-les-accusations-sur-lutilisation-darmes-chimiques.html AFP 28/04/2013


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