Pour Aminata, les droits économiques, politiques et sociaux sont liés, une tout autre conception des choses qu’elle enseigne à qui veut comprendre le monde : « Il n’y a pas d’un côté une Europe des valeurs et du progrès et de l’autre une Afrique des ténèbres et des malheurs. Cette vision… vole en éclats dès l’instant où l’on touche du doigt les mécanismes de la domination, de la paupérisation et de l’exclusion. »
C’est à ce titre que le gouvernement français, occupé à « démocratiser » le Mali, lui a interdit de répondre aux invitations de la Fondation Rosa-Luxemburg, du journal Prokla et de l’association AfricAvenir, afin d’apporter sa contribution à une conférence à Berlin, du 17 au 19 avril, sur le thème « Le Mali à la croisée des chemins, après l’intervention militaire et avant les élections ».
Elle a été ministre de la Culture du Mali entre 1997 et 2000, poste duquel elle a démissionné. Elle a aussi écrit des livres, dont L’Afrique humiliée où elle souligne la responsabilité de la mondialisation impérialiste dans les crises en Afrique. Elle devenue une voix africaine qui dérange.
Écoutons-la : « Nous, peuples d’Afrique, autrefois colonisés et à présent recolonisés à la faveur du capitalisme mondialisé, ne cessons de nous demander : ‘’Que sommes-nous devenus ?" »
Lorsque les bruits de bottes se sont fait entendre, elle a mobilisé autant qu’elle a pu pour empêcher que l’armée française envahisse son pays et n’a pas cessé de prôner une solution entre Maliens : « Que les chèvres se battent entre elles dans l’enclos est préférable à l’inter-médiation de l’hyène » (proverbe bamanan).
Démasquant les arguments des interventionnistes, elle disait : « La demande de déploiement de troupes africaines au nord du Mali, transmise par la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et l’Union africaine (UA) aux Nations unies, repose sur un diagnostic délibérément biaisé et illégitime. »
Quand, sous la dictée de la France, le pouvoir putschiste a décidé d’organiser des élections en juillet prochain, elle a dit l’évidence. Elle a signalé qu’il était impossible de le faire en pleine guerre et dans des délais aussi courts. C’est ce qui lui a valu de se voir refuser, par le consulat français à Bamako, le visa d’entrée dans l’espace Schengen.
Le consulat d’Allemagne a fini par lui délivrer un sauf-conduit, en lui précisant qu’elle devait quitter le territoire allemand le 19 avril. Lors de son retour, interdite d’escale en France, elle a dû passer par Istanbul et Dakar. Pour finir, le consul allemand l’a convoquée pour s’assurer du respect de sa consigne et la presse des « droits de l’homme » n’aura rien relevé.
Ahmed Halfaoui
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