Le vacarme produit par les pays d’Europe qui s’enfoncent dans la récession a masqué, quelque peu, un événement de taille qui tend à l’instauration d’un nouvel équilibre mondial. C’est à l’autre bout du continent africain, à Durban, en Afrique du Sud, que s’est tenu le 5ème Sommet des pays émergents (Chine, Russie, Inde, Brésil et Afrique du Sud) regroupés dans une organisation connue sous l’acronyme Brics.
Ces cinq pays représentent à eux seuls près de la moitié de la population mondiale. Leur taux de croissance économique aussi.
Ce sont les grandes puissances de demain. Puissances économiques sûrement, mais aussi militaires pour la Russie qui est restée une superpuissance dans ce domaine même après l’éclatement de l’empire soviétique au début des années 1990. Deux de ces grandes puissances émergentes siègent au Conseil de sécurité de l’ONU avec leur droit de veto. Ce 5ème sommet s’est achevé hier avec la création, par ces cinq pays de leur propre banque de développement.
Une banque mondiale des pays du Sud qui va être le principal levier d’un nouvel ordre économique mondial. D’ailleurs, le thème principal autour duquel s’est tenu ce sommet « Les Brics et l’Afrique : un partenariat pour le développement, l’intégration et l’industrialisation », le confirme. L’Algérie était présente en force à cette importante réunion. C’est Abdelkader Bensalah, président du Conseil de la nation, deuxième personnalité de l’Etat, qui a conduit la délégation algérienne accompagnée, notamment par le ministre délégué aux Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel.
L’Afrique sait qu’elle n’a plus grand-chose à attendre d’une Europe en pleine déconfiture. C’est donc, tout naturellement, qu’elle se tourne vers ces grandes puissances émergentes pour sa sortie du sous-développement. Les pays du Brics savent également que l’Afrique constitue pour eux un marché à fort potentiel économique, humain avec d’immenses ressources naturelles. La Chine a été la première de ces pays émergents à se consacrer au partenariat avec les pays du continent africain. Elle y est déjà très présente. Certes, du travail reste à faire pour que chacun trouve son compte. Pour que l’Afrique ne soit plus seulement pourvoyeuse de matières premières. Pour que les pays émergents décident une plus grande politique d’investissements. Tout ceci n’enlève rien à l’espoir suscité par ce 5ème Sommet de Durban.
Surtout que la recrudescence des crises et conflits qui secouent actuellement l’Afrique, est en grande partie liée à l’extrême pauvreté dans laquelle se débattent les populations africaines. Sans être fin économiste maîtrisant la prospective, il est clair que l’Occident n’est pas près de sortir de l’étau de la mondialisation dominée par l’économie spéculative. Il se désindustrialise sans avoir les capacités de s’intégrer à la financiarisation qui lui est imposée.
Sa perte de puissance touche même ses moyens de défense. Ce qui s’est passé en Grèce n’est rien comparé à ce qui a été infligé à Chypre.
A ce rythme de sanctions infligées par l’Union européenne à ses membres, c’est vers son éclatement qu’elle s’achemine.
Et pas seulement celui de la zone euro qui semble imminent. L’ouverture des banques chypriotes, plusieurs fois repoussée par la crainte des retraits massifs, nous renseignera mieux sur l’étendue que prendra le désastre. Quant à la perte de confiance des banques auprès des épargnants européens, celle-ci est déjà réelle. Le grand allié américain, plus préoccupé par sa propre relance économique, ne donne aucun signe d’aide à l’Europe. Aucun plan Marshall bis n’est en vue.
Le contrecoup de ce nouvel ordre économique s’étend jusqu’au Monde arabe où des pays se donnent des airs de puissances avec des placements financiers en Occident. Sans infrastructure économique durable, mais avec l’arrogance de ceux qui ne savent pas que la division dans leurs rangs les précipitera eux-mêmes dans le même piège qui s’est refermé sur l’Europe. Ainsi vont les affaires du monde.
Tandis que « l’histoire s’écrit sous nos yeux » comme l’a si bien dit Barack Obama, un événement qui est en phase de changer la face du monde a eu lieu à Durban. Pendant que les caméras du monde entier lui tournaient le dos. Braquées qu’elles sont sur les banques d’une petite île de la Méditerranée. Comme sur leur nombril. Alors qu’un nouvel ordre économique, un nouvel équilibre mondial, est en marche. En silence !...
Zouhir MEBARKI
http://www.lexpressiondz.com/chroniques/lenvers_du_decor/171375-un-monde-nouveau-est-en-marche.html