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La montée des périls en Algérie : Nécessité d’une vigilance

« L’Angleterre n’a pas d’amis, elle n’a pas d’ennemis. Elle n’a que des intérêts permanents » - Winston Churchill

Ce mois de janvier 2013 est assurément un mois éprouvant. Les convulsions du monde semblent rattraper l’Algérie. L’affaire d’In Amenas n’a pas fini de livrer tous ses secrets. Au-delà de la maîtrise de la situation par l’ANP, il demeure que l’Algérie est sur la corde raide. Elle est entourée de pays au mieux, indifférents, au pire, hostiles. L’affaire du Mali risque de plonger l’Algérie dans une situation dangereuse. Rien ne s’oublie ! Pour l’histoire, il semblerait que lors d’une réunion des potentats arabes, le Premier ministre du Qatar aurait dit à notre représentant que "le tour de l’Algérie allait arriver".

Cela voulait dire qu’il nous promettait un "printemps". Il en est aussi du jeu trouble de l’Arabie Saoudite et ce n’est pas les embrassades et salamalecs du ministre des Affaires étrangères saoudien qui y changeront quelque chose du fait que les malheurs du monde sont dus aussi aux Saoudiens. Dans l’affaire de Tiguentourine, la responsabilité de BP est engagée. Souvenons-nous que David Cameron, invité en grande pompe en Algérie s’était offusqué de n’avoir pas été averti par l’Algérie, en principe Etat souverain.

Une lecture attentive d’une contribution parue dans Liberté situe les responsabilités . On lit : "C’est le site de Tiguentourine d’In Amenas qui allait être choisi. (...) Liberté est ainsi en mesure de révéler que la firme britannique BP employait, à travers un contractant local, une société de transport de marchandises qui appartient à la famille Ghediri qui n’est autre que celle du frère de... Abou Zeïd, le chef d’Aqmi au Sud. Bouchneb y a fait recruter des membres de sa famille, et la société a prospéré grâce aux contrats avec BP. Cette société basée sous une Sarl légalement enregistrée à Ouargla écumait avec sa flotte de camions, au moins une trentaine de semi-remorques, le site d’In Amenas depuis au moins 3 ans, mais assurait également le transport logistique entre les bases de vie de BP et leurs sites à Illizi ou In Salah. (...) Pourtant, de nombreux employés étaient soupçonnés de faire partie d’un réseau de soutien au terrorisme. Mais à chaque fois, malgré les avertissements algériens, la compagnie britannique, mise au courant des faits, n’a pas résilié le contrat avec la société du frère du chef d’Aqmi au Sud. (...) Et quand on constate les interrogations légitimes de ceux qui se demandent comment cela a-t-il pu arriver ou les réactions intempestives du Premier ministre britannique, David Cameron, on se demande si les services de renseignements britanniques du MI-6, qui n’étaient pas dans l’ignorance d’une telle anomalie, ou la direction générale de BP l’ont tenu informé que sur leur principal site en Algérie, des individus suspects travaillaient pour... eux."(1)

La venue de David Cameron à Alger : Une première

Pour la première fois depuis l’indépendance, un chef du gouvernement anglais foule le sol algérien accompagné justement des spécialistes du MI-6 qui ont manqué de vigilance dans l’affaire de BP. A Alger, les deux dirigeants algérien et anglais ont décidé de mettre en place un nouveau partenariat stratégique pour mieux lutter contre les nouvelles menaces terroristes, a-t-on précisé de source gouvernementale britannique. Dans le cadre d’un partenariat, Londres et Alger devraient échanger des informations sur la sécurité des frontières, la sécurité aérienne et la lutte contre les menaces visant la stabilité de l’Afrique du Nord, selon cette source gouvernementale ayant requis l’anonymat. "Nous avons retenu les leçons du passé, ces problèmes ne peuvent être traités seulement par des moyens militaires ou de sécurité", a poursuivi M.Cameron. "Il nous faut combiner une réponse sécuritaire forte, mais également travailler avec nos partenaires internationaux, utiliser notre diplomatie, notre budget d’aide, utiliser tous les moyens à notre disposition - y compris tenter de trouver un règlement politique à certaines revendications sous-jacentes dont profitent les terroristes", a-t-il ajouté. M.Cameron a également indiqué que l’Afrique du Nord ne devait pas devenir un autre Irak ou Afghanistan. "Nous ne regardons pas cette région en pensant que la réponse est purement militaire. Ce n’est pas le cas", a-t-il dit(2)

On le voit, même le vocabulaire est expressif, les politiques ne s’interdisent pas de penser que l’Algérie devienne un second Irak ou Afghanistan, bref, que le chaos puisse régner un jour. Chacun sait que l’un des talons d’Achille du pays est la surveillance des frontières avec la Libye, le Niger, le Mali et la Maurétanie. Cela ne peut se faire qu’en érigeant un barrage électronique avec une surveillance par satellites et intervention par drones. Les hélicoptères ayant un temps de réponse long.

On se souvient que l’Algérie avait toutes les peines du monde à acquérir des jumelles à vision nocturne. C’est la même chose actuellement du fait que nous n’avons pas su ou pu développer une recherche dans ce domaine, nous sommes tributaires du bon vouloir des autres L’Algérie devrait faire ce qu’il faut pour acquérir cette technologie. Nous ne sommes donc pas protégés ! Il y a péril en la demeure ! Qu’avons-nous fait comme étude sérieuse pour connaître le mouvement du monde ?

Il faut savoir qu’après la chute du mur de Berlin, puis de l’empire soviétique, plus rien ne devait s’opposer à l’hyperpuissance américaine. Déjà George Bush père annonçait un nouvel ordre mondial que son fils annoncera aussi sous la forme du GMO. Le Monde des faibles (Afrique et Moyen-Orient) est devenu celui de la curée d’une recolonisation rendue nécessaire par l’appât des matières premières. Gilles Munier rapporte que cela continue plus que jamais sous l’ère Obama, "Fin 2010 écrit-il, Parag Khanna, ancien conseiller de Barack Obama en matière de gouvernance mondiale, estimait que le Kurdistan irakien serait indépendant en 2016.(..) Le NIC, organisme comprenant les 17 agences de renseignements étatsuniennes et des experts à la retraite ou non, la prévoit comme la conséquence d’une fragmentation croissante de l’Irak et de la Syrie... et de la partition de la Turquie, promise à une influence grandissante au Proche-Orient, en Asie centrale et dans les ’’affaires globales’’. (...) Selon les rédacteurs du rapport, l’émergence d’un Etat palestinien se ferait graduellement, mais pas dans le cadre de négociations de paix, mais "à travers une série d’actions non officielles, indépendantes, appelées "unilatéralisme coordonné". Toutefois, "des questions comme le droit au retour, la démilitarisation, et Jérusalem ne seront pas entièrement résolues". Il ne faut pas s’attendre, d’ici là , à une "fin complète du conflit ". (3)

Je pense que l’intervention de la France contre le Mali, c’est la continuation de la guerre contre la Libye et contre la Syrie. C’est une nouvelle phase dans ce que j’appellerais la recolonisation ou le fait de stabiliser la colonisation de l’Afrique en général, l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest. (...) Et, donc, quand on veut voir comment la France considère les richesses naturelles, il suffit de voir l’exemple du Niger, c’est le pays n°174 sur la liste du développement humain. (...C’est une guerre contre le Niger, dont l’uranium est absolument stratégique. C’est une guerre contre l’Algérie, parce que ce pays a, lui aussi, des ressources naturelles très importantes comme chacun sait. (..) C’est un pays qui résiste à Israël, qui a refusé de s’intégrer dans l’Otan et dans Africom, l’organisation militaire des Etats-Unis pour le contrôle des richesses de l’Afrique. (...) Et la question de la Chine et de sa présence en Afrique comme partenaire alternatif est très importante et le meilleur exemple, c’est que le jour où au Niger, il y a un président qui a commencé à vouloir rencontrer les Chinois pour discuter des alternatives commerciales, il a été très rapidement destitué par un coup d’Etat organisé par la France. (...)Je pense que l’Algérie est un pays qui a une longue histoire de résistance au colonialisme. Sa lutte de libération a été une des plus courageuses et exemplaires de toute l’Afrique. (...)" (4)

La montée des périls

Il faut ajouter à cette anomie, une autre donnée : le Maroc dit être sur la même longueur que la France dont les avions militaires ont survolé son espace aérien pour aller bombarder les groupes armés au Nord-Mali. En outre, Rabat n’exclut pas d’engager, le moment venu, ses troupes dans la guerre. Le Maroc cherche à exploiter la guerre au Mali pour faire valoir ses thèses contestées sur le Sahara occidental et conforter sa position dans la région, en s’engageant au fur et à mesure dans le conflit. Qui empêcherait au nom de la lutte contre le terrorisme que les "troupes de la coalition" menées par la France, au nom du droit de poursuite des terroristes guerroient à notre frontière déstabilisant l’Algérie ?.

La même appréciation dangereuse est donnée par Thierry Meeyssan sur la fragilité de la position algérienne : "La France allume la guerre au Mali pour enflammer l’Algérie. Préparée de longue date et annoncée par François Hollande six mois à l’avance, l’intervention française au Mali a été présentée comme une décision prise en urgence en réponse à des développements dramatiques. Cette mise en scène ne vise pas seulement à s’emparer de l’or et de l’uranium maliens, elle ouvre surtout la voie à une déstabilisation de l’Algérie. "L’appétit vient en mangeant", dit le proverbe. Après avoir recolonisé la Côte d’Ivoire et la Libye, puis tenté de s’emparer de la Syrie, la France lorgne, à nouveau, sur le Mali, pour prendre l’Algérie à revers. Durant l’attaque de la Libye, les Français et les Britanniques ont fait un large usage des islamistes pour combattre le pouvoir de Tripoli, les séparatistes de Cyrénaïque n’étant pas intéressés à renverser Mouammar al-Gueddafi, une fois Benghazi, indépendante. A la chute de la Jamahiriya, j’ai personnellement été témoin de la réception des dirigeants d’Aqmi par des membres du Conseil national de transition à l’hôtel Corinthia, qui venait d’être sécurisé par un groupe britannique spécialisé venu exprès d’Irak. Paris a imaginé un scénario dans lequel la guerre pénètre en Algérie par le Mali. Peu avant la prise de Tripoli par l’Otan, les Français parvinrent à soudoyer et à retourner des groupes touaregs." »(5)

« "Pour conduire son intervention militaire, la France demande l’aide de nombreux États, dont l’Algérie. Alger est piégé. (...) La technique d’ingérence française est une reprise de celle de l’administration Bush : utiliser des groupes islamistes pour créer des conflits, puis intervenir et s’installer sur place sous prétexte de résoudre les conflits. C’est pourquoi la rhétorique de François Hollande reprend celle de "la guerre au terrorisme", pourtant abandonnée à Washington. On retrouve dans ce jeu les protagonistes habituels : le Qatar et l’émir d’Ansar Eddine est proche de l’Arabie Saoudite." (5)

On le voit, la situation n’est pas rassurante. Il est nécessaire d’informer les Algériens et les Algériennes des enjeux du futur et se remettre en question avant de subir. La situation en Algérie sous des dehors de quiétude trompeurs est sérieuse. Tous les problèmes s’accumulent en même temps. A titre d’exemple, on nous dit que le Sud algérien est au coeur des préoccupation du fait de faits dangereux qui se seraient produits et dont des solutions superficielles n’ont pas réglé les problèmes de fond. On apprend qu’une rencontre régionale de concertation tenue à Ghardaïa a permis de mettre en avant les enjeux que représente cette partie souvent délaissée de l’Algérie. Il s’agit de la première rencontre régionale réunissant des représentants du gouvernement et des acteurs locaux. Le but est de débattre et de proposer des moyens pour favoriser le développement du Sud. (...)Pour envisager un meilleur avenir pour la région du Sud, plusieurs représentants du secteur. "Il faut changer les comportements des agents de l’administration afin qu’ils répondent, dans la transparence, aux doléances de la population" a souligné le secrétaire général du ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales, Abdelkader Ouali, présent lors de la concertation."(6)

C’est bien, cela permet de ramener le calme d’une façon conjoncturelle, mais les problèmes de fond subsistent. Il en est de même de "notre Grand Sud" qui fait justement l’objet de convoitises. Répartis sur quatre pays, (L’Algérie, la Libye, le Niger et le Mali) les Touareg ont, de tout temps, été des variables d’ajustement. Manipulés par El Gueddafi, ils ont servi longtemps d’épouvantail brandi par El Gueddafi contre l’Algérie. L’Algérie a toujours aidé à la réconciliation des Touareg maliens avec le pouvoir central. Ce dernier retrouvant une force du fait de la présence française n’a pas opté pour l’apaisement au vue des exactions faites et permises de la part des Maliens contre les Arabes, aussi.

Rien n’interdit dans le cadre d’un nouveau redécoupage des frontières héritées de la colonisation, que les grandes puissances redessinent le Sahel en donnant un territoire aux Touareg. C’est à peu de chose près le scénario américain concernant les Kurdes dispersés sur plusieurs Etats (Turquie, Syrie, Irak, Iran). Depuis les années 1960, les Touareg n’ont cessé de remettre en question la souveraineté du Mali et du Niger sur leurs terres. Les groupes armés par la France : Le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (Mnla) prend le pouvoir dans presque tout le Nord-Mali. On ne sait comment les prochaines négociations avec Bamako auront lieu.

Conclusion

Comment faire en sorte que les composantes de la société algérienne se sentent algériennes de coeur ? Cela pose encore une fois et plus, que jamais la refondation du vivre-ensemble d’Est en Ouest et du Nord au Sud. Le Service national dans sa version première était un véritable creuset de l’identité. Il pourra s’avérer nécessaire de le remettre en vigueur. Cela ne sera pas et ne doit pas être la seule mesure, toute l’imagination de nos dirigeants est d’éviter la partition du pays qui sera de plus en plus encouragée au vue de notre défaillance à penser global et dans le temps. Il s’agira d’évaluer le jacobinisme actuel - fruit d’un héritage colonial - qui a fait son temps au vu des défis actuels et redéfinir la nation avec de larges prérogatives aux régions qui seraient fédérées. Les rodomontades de "l’Algérie invincible" ânonnées par les satrapes qui ont pris en otage les espérances du peuple ont fait long feu.

Ce n’est pas avec des "boundoukia" que l’on peut se battre en face d’une guerre électronique de bombes à guidage laser, de drones Prédator. L’Algérie doit impérativement changer pour ne pas disparaître. Seul un élan patriotique de la taille de l’appel du 1er Novembre avec les outils du XXIe siècle nous permettra peut-être de conjurer les périls. Place à la compétence, au savoir, à l’intelligence. En un mot, place aux nouvelles légitimités. Nous avons une fenêtre d’opportunité où des choix importants devront être faits pour mobiliser- le mot n’est pas assez fort- le pays. Il est plus que jamais temps.

Chems Eddine CHITOUR

1. http://www.liberte-algerie.com/actua...-amenas-192758

2. http://www.elwatan.com

3. Gilles Munier http://www.france-irak-actualite.com/article-proche-orient-les-scenarios-du-futur-du-national-intelligence-council-nic-114924328.html

4. Michel Collon http://www.michelcollon.info/L-Algerie-est-clairement-la.html

5. Thierry Meyssan Al Wattan. Mali : une guerre peut en cacher une autre 22 Janvier 2013

6. http://forumdesdemocrates.over-blog.com/article-sud-de-l-algerie-le-developpement-ou-le-peril-114842073.htmlI


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« A toute époque, les idées de la classe dominante sont les idées dominantes : autrement dit, la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est en même temps la puissance spirituelle dominante. La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose en même temps, de ce fait, des moyens de la production intellectuelle, si bien qu’en général, elle exerce son pouvoir sur les idées de ceux à qui ces moyens font défaut. Les pensées dominantes ne sont rien d’autre que l’expression en idées des conditions matérielles dominantes, ce sont ces conditions conçues comme idées, donc l’expression des rapports sociaux qui font justement d’une seule classe la classe dominante, donc les idées de sa suprématie. »

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