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Dix raisons de lutter contre la mondialisation capitaliste.

Rouge spécial FSE, octobre 2004

1. nous sommes contre la mondialisation capitaliste parce qu’elle exprime au fond la revendication du capital à une liberté absolue, au détriment de toute autre considération. C’est l’article 1er (et à peu près le seul) de la constitution capitaliste du monde. Et ce n’est pas une abstraction. Tous les sommets contre lesquels nous nous sommes mobilisés, toutes les institutions que nous combattons - de l’OMC à la Commission européenne - n’ont finalement qu’un seul objectif : lever toutes les barrières qui empêchent le capital de circuler librement, de s’investir là où il le veut, de se retirer quand il le veut. Tout ce qui peut s’opposer à la liberté du capital est mis hors-la-loi, déclaré inefficace et antiéconomique. Les avocats du système proclament que c’est la voie vers une « mondialisation heureuse » (comme a osé le prétendre un idéologie français), bref que nous allons entrer dans le « meilleur des mondes ».

2. nous sommes contre cette mondialisation parce qu’elle s’oppose à un développement harmonieux. Les réussites éphémères et locales mises en avant par les institutions internationales ne compensent pas la longue succession de crises qui sont venues frapper depuis dix ans les pays qui se montraient les meilleurs élèves, du Mexique à l’Argentine en passant par la Corée, la Russie et tant d’autres. Derrière ces crises, on assiste à une formidable montée des inégalités, à l’intérieur des pays et entre les pays mis en concurrence. C’est le résultat direct de la mondialisation capitaliste qui met en concurrence directe les travailleurs du monde entier. Ceux qui peuvent s’insérer dans le secteur mondialisé ne peuvent le faire durablement qu’à la condition que soit préservé leur bas niveau de salaires, ce que les capitalistes appellent un « avantage ». Quant aux autres, ils ont mis à l’écart, faute de pouvoir se hisser aux niveaux exigés par cette hyperconcurrence : ils perdent leurs emplois, leurs revenus et sont privés des moyens desatisfaire leurs besoins élémentaires.

3. nous sommes contre cette mondialisation parce qu’elle est un formidable levier pour faire reculer les droits sociaux, y compris dans les pays les plus avancés. L’argument de la compétitivité, le chantage aux délocalisations, la soumission à des contraintes économiques insatiables, se traduisent partout par une régression sociale qui porte sur les conditions de travail, le statut de salarié, la protection sociale et les retraites. Les politiques néo-libérales menées dans chaque pays se renforcent grâce à la pression exercée par la concurrence et par leur coordination au sein d’institutions dont l’Europe offre un exemple que nous connaissons bien.

4. nous sommes contre cette mondialisation parce qu’elle est par nature anti-sociale. Partout à travers le monde, s’installe ce que l’Organisation Internationale du Travail appelle l’« insécurité économique » : la flexibilité du travail, la précarité, le chômage, la baisse des revenus sociaux s’ajoutent à l’austérité sociale pour reporter sur les travailleurs le « risque » que les capitaliste se vantent de prendre en charge. Pour la première fois dans l’histoire du capitalisme, les perspectives des jeunes sont dégradées par rapport à celles des générations précédentes. Les individus n’ont plus de maîtrise sur leur propre destinée et sont soumis aux caprices d’évolutions économiques qu’ils ne contrôlent pas.

5. nous sommes contre cette mondialisation parce qu’elle organise une gigantesque opération de captation de la richesse produite par les travailleurs à travers le monde. Le capital affirme ouvertement qu’il préfère une croissance médiocre si telle est la condition pour conserver des taux de profit élevés. Mais ces profits, il les accumule dans une proportion de plus en plus réduite, et il les redistribue à travers la finance auprès d’une couche de rentiers de plus en plus étroite.

6. nous sommes contre cette mondialisation parce qu’elle vise à faire de toute chose une marchandise. Le capital ne revendique pas seulement le droit de se déplacer librement vers les zones et les secteurs où il escompte des profits élevés. Il entend aussi s’emparer des secteurs de l’économie qui avaient jusqu’à un certain point échappé à son emprise. Les territoires qu’il veut conquérir ne sont pas géographiques : ce sont les services publics qu’il veut pénétrer et « libérer » de la logique des besoins sociaux. La santé, l’éducation, l’énergie, les transports, les télécommunications, la culture, et même les organismes vivants, n’ont aucune raison, aux yeux des capitalistes, de leur échapper. Ce sont pour eux autant de champs d’expansion possible. Chaque pas fait en cette direction creuse automatiquement les inégalités. La raison en est simple à comprendre : si la santé devient une marchandise, alors cela veut dire qu’on est soigné en fonction de son revenu et non de la gravité de sa maladie.

7. nous sommes contre cette mondialisation parce qu’elle est incapable de répondre à la satisfaction des besoins élémentaires. Près de la moitié de l’humanité vit de l’agriculture. Au lieu de donner à l’agriculture traditionnelle les moyens de fonctionner, on l’expose brutalement aux produits de l’agrobusiness hyper-productif et qui plus est subventionné. Le droit des pays à protéger ces secteurs d’une concurrence est nié. Un milliard d’habitants de cette planète n’ont pas accès à l’eau potable. Au lieu d’apporter une réponse planifiée à cette situation, on assiste aujourd’hui à la mise en coupe réglée de la fourniture d’eau par quelques multinationales qui exercent une pression terrible (notamment à travers les négociations de l’OMC) pour se voir ouvrir les services publics et municipaux. L’accès à l’eau est de plus en plus soumis au critère de l’argent : les pauvres en sont privés, et les autres voient les tarifs de ces quasi-monopoles augmenter régulièrement. Enfin, les médicaments contre le Sida ne sont pas distribués à ceux qui en auraient besoin mais n’ont pas les moyens de les acheter, parce que l’industrie pharmaceutique refuse qu’on les considère autrement que comme des marchandises et fait passer la rentabilité de ses capitaux avant les objectifs de santé publique.

8. nous sommes contre cette mondialisation parce qu’elle est incapable de faire face aux menaces environnementales. La prétention du capitalisme de régler ce problème à sa manière, à l’aide de solutions marchandes, comme l’institution d’un marché des droits à polluer, ne correspond pas à l’ampleur des défis. Il est incapable d’instaurer la planification énergétique et les transferts technologiques qui seraient nécessaires pour permettre un développement économe tout en répondant aux besoins d’une population mondiale qui doit augmenter encore pendant plusieurs décennies.

9. nous sommes contre cette mondialisation parce qu’elle dépossède les citoyens qui ne font pas partie des classes dirigeantes de toute possibilité de contrôler leur destin et de faire valoir leurs priorités. Elle prive les Etats dominés de leur souveraineté en leur imposant la signature des traités qui leur interdisent de prendre la moindre mesure de contrôle des capitaux. Elle vide la démocratie bourgeoise de toute portée réelle.

10. nous sommes contre cette mondialisation parce que la concurrence entre capitaux se transforme inéluctablement en guerres contre les peuples. Le désordre qu’elle installe, le refus de satisfaire les besoins sociaux non rentables, la mise à l’écart de pays et de continents entiers, privent les peuples de toute espérance et font du recours à la force brute le seul moyen de « réguler » un système à la dérive.

Michel Husson, administrateur de l’ INSEE, chercheur à l’ IRES ( Institut de recherches économiques et sociales).

 Source : http://hussonet.free.fr

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- Les mirages du financement de la sécu., 2 Mai 2004.

- Pour dégonfler la baudruche de la compétitivité, 23 Juillet 2003.

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