Introduction :
Permettez-moi de me présenter brièvement, mon nom est Badi Baltazar, je suis auteur et citoyen reporter. Comptable de formation, j’exerce actuellement l’activité de contrôleur financier. Féru de littérature, je consacre mon temps à mes lectures, à l’écriture et à cette chose étrange qu’est la vie. Il y a bien longtemps aujourd’hui, j’ai décidé de m’éloigner et de m’évader définitivement du troupeau, me retrouvant dès lors embarqué sur une voix clandestine. Sous couvert d’une incorrigible désobéissance et d’un parcours artistique et humain, j’ai commencé à entretenir ce journal ou ce blog, appelez le comme vous le voudrez, en novembre 2010. Cette initiative est née d’une nécessité qui n’en est pas moins révélatrice : le besoin de transpirer les toxines d’un monde de plus en plus malade, qui cela dit en passant, n’a sans doute jamais fait l’objet d’un diagnostic citoyen aussi accablant, tant son écho résonne à travers le monde.
Tout cela m’a naturellement amené à la position qui est la mienne aujourd’hui : à la fois acteur militant et observateur critique. J’analyse, commente et suis l’évolution de l’actualité des soulèvements islandais, arabes et européens depuis le début. Traversé et animé par les vibrations qui en émanent, je me suis employé à publier des articles sur le sujet et à les diffuser sur le Buvard ainsi que sur d’autres plates-formes. Je me suis déplacé en Jordanie, en Israël, dans les territoires palestiniens occupés, en Espagne et en France pour apprivoiser les idées que j’étais susceptible d’avoir en me cantonnant à une vision extérieure. Depuis que cette aventure a débuté, j’ai eu la chance de rencontrer des interlocuteurs de qualité, passionnés et entiers. J’ai eu l’opportunité de tisser des liens avec d’autres citoyens, de concrétiser et d’amorcer des projets communs. Ce magnétisme qui relie celles et ceux qui sont réceptifs à cet éveil des consciences est une preuve incontestable de l’énergie que nous avons la capacité de canaliser. Certains se plairont sans doute à nous qualifier de doux rêveurs idéalistes, le fait est que ce que nous vivons n’a rien d’un rêve ou d’un idéal et que les constats qui nous posons sont loin d’être doux. Paradoxal, vous ne trouvez pas ?
A l’heure de la désinformation, de l’amalgame et de l’indifférence générale, la tâche est loin d’être aisée. Sans même aborder les aspects techniques ou géopolitiques, ce que je veux mettre en lumière est la réalité d’un malaise profond de l’humanité, tant à travers ses origines systémiques que son étendue géographique. C’est pourquoi, évadés du troupeau que nous sommes, nous dénonçons fermement les politiques actuelles et les relations frauduleuses que ces dernières cultivent avec les autres sources de pouvoirs. Tous, évadés du troupeau que nous sommes, nous affirmons avec force et détermination notre volonté profonde de voir naître une démocratie qui puisse réellement s’articuler sur le pouvoir du peuple. Certains d’entre nous ont peut-être envie de réfléchir et de tenter de dessiner les contours d’une philosophie citoyenne ? Si tel est le cas, mettons-nous autour d’une table et démultiplions les débats. Car au-delà de la mauvaise foi et des idées préconçues, qui mieux que nous pourrait définir les fondements de notre société ?
Questions :
Je suis convaincu que la clé réside dans l’approche que nous employons. La vraie question est de savoir quel positionnement adopter face aux constats d’échec du système qui est le nôtre ? La proposition et la revendication, c’est la formule G1000 ? La revendication et la confrontation, pacifiste ou non, c’est souvent la solution observée chez les activistes militants de par le monde ? La construction délibérée et spontanée d’une nouvelle société, indépendante de l’existante, en s’attelant à mettre le plus grand nombre de citoyens à contribution ? C’est la formule que certains mouvements citoyens semblent avoir éclairée de leur lumière. Le but de ce buvard est par conséquent d’initier une réflexion et de susciter le débat autour de ces questions majeures. Les options que je vous propose de traiter sont donc les suivantes :
1. La réforme ? Doit-on améliorer notre modèle de démocratie ?
2. La révolution ? Doit-on radicalement changer notre modèle de démocratie ?
3. Ce que j’appellerai la réalisation ? Doit-on réaliser notre modèle de démocratie ?
Réflexion :
Vous aurez compris que la réflexion s’articulera sur ces trois approches, qui même si elles peuvent sembler similaires et contraires en bien des aspects, recèlent des dimensions et des finalités clairement identifiables. Pour schématiser leurs effets, je les déclinerai selon leur nature :
1. négatif
2. neutre
3. positif
1. Se positionner comme un complément à la démocratie représentative, en considérant que la participation des citoyens ne pourra pas porter sur les décisions et qu’elle sera limitée à la production de proposition soumise à l’appréciation du politique, comme le suggère le G1000, est à mes yeux contre-productif : les réformes ne seront jamais validées si elles remettent en cause les fondements de notre système ou si elles tendent à revoir la Constitution pour ne citer qu’elle. C’est donc là une voie qui me semble certes louable à bien des égards, mais qui de par son ambition limitée et son absence de pouvoir décisionnaire ne pourra jamais produire des résultats théoriquement escomptés.
2. Dans la seconde option, nous nous retrouverons dans une situation d’improductivité totale ou partielle inévitable. Tous les mouvements militants qui ont tenté d’affronter ouvertement les pouvoirs en place ont abouti au même constat : l’échec, le chaos, la dictature et l’impuissance. Les forces générées sont contrées et neutralisées par le système en place ou par ceux qui lui succéderont. En d’autres termes, il n’en ressort rien de bon, car rien n’est effectivement produit. Schématiquement, nous avons deux forces qui s’opposent et s’annulent. Même si les Tunisiens et les Egyptiens ont fait chuter Ben Ali et Mubarak, le système est toujours là . Il n’y a pas eu de révolution politique et économique. On ne peut parler que de possibles réformes tout au plus.
3. Si je pousse la réflexion un cran plus loin, j’en arrive naturellement à la réalisation. Cette dernière tient compte des dimensions positives des deux premières mais se différencie par sa vocation à exister d’elle-meme, sans être dans un rapport de subordination ou de force. Son essence, et donc sa raison d’être, consiste à produire et à construire une nouvelle société en permettant au peuple de prendre directement et librement part aux décisions, quel que soit leur objet et quelle que soit leur nature. Se réaliser et réaliser ce que le peuple aura décidé par l’autodétermination et l’autogestion. La réalisation commence dès lors que l’on prend conscience de sa réalité citoyenne, ce n’est pas qu’un outil ou un type de comportement, c’est d’abord et avant tout la matérialisation d’une volonté individuelle et collective, c’est contribuer à rendre réelle une intelligence qui ait les compétences suffisante que pour lancer une telle opération. Une opération dont le niveau, la portée et la faisabilité pourrait spontanément et concrètement changer la donne, en permettant à ceux qui le désire de philosophiquement et physiquement prendre part à la constitution d’une nouvelle société, par le peuple et pour le peuple. Réaliser, ce n’est donc pas améliorer ou changer, c’est rendre réel, effectif, faire exister.
Imaginez-vous que nous nous retrouvions dans une situation de chaos. Que ce dernier soit provoqué par un incident nucléaire comme à Fukushima ou l’implosion du système monétaire ? Il ne sera, à ce momen-là , plus question de poser des rustines en réformant ou de vouloir révolutionner un système qui s’est effondré. A ce moment là , nous nous retrouverons tous, évadés du troupeau que nous serons, devant le même dilemme : se réaliser, réaliser ou mourir. Il n’y aura plus d’autre option possible. L’instinct de survie, la débrouille et la créativité individuelles et collectives seront les seules armes disponibles. La réalisation s’imposera comme une fatalité.
Conclusions
A vous lire, à vous entendre et à vous rencontrer, je pense pouvoir affirmer sans prendre trop de risque que nous partageons l’objectif commun de repenser un monde meilleur dans lequel l’être humain pourrait enfin trôner au centre des préoccupations. Je me dois de constater, au risque d’en heurter quelques-uns, qu’à ce jour, aucune proposition concrète et conséquente n’a pu faire l’objet d’une mise en pratique. Selon moi, elles ne rencontrent pas l’écho nécessaire à leur matérialisation car elles requièrent des compétences qui ne sont pas encore mobilisées à ce jour. Ce qui nous oblige à porter les vraies questions sur la place publique, pour que l’audience s’étende à une partie plus large de la population et que le débat s’élève à l’échelle de son ambition. Car au bout du compte, même si le doux rêveur n’aspire qu’à vivre ses rêves, la douceur qu’on lui attribue n’en demeure pas moins à la hauteur du crédit qu’on lui accorde.
Nous savons que l’on ne peut changer le monde avant de changer les hommes, ou plutôt, avant que les hommes n’aient décidé de changer. C’est avant tout d’une réalisation des consciences dont nous avons besoin. Là où la réforme et la révolution ne serviraient qu’à tenter désespérément de raccommoder les parties d’un puzzle impossible, un puzzle dont les pièces ne s’imbriquent pas, quel que soit le sens dans lequel on les positionne. La prise de conscience se veut contagieuse mais son accomplissement n’apparaît que dès lors qu’on la partage avec le plus grand nombre. Et le fait que ce phénomène de prise de conscience se manifeste sous une forme collective est une réalité centrale qu’il faut prendre le temps de cultiver.
Les assemblées populaires, lieu d’expression et de débat, ont en quelque sorte déjà commencé à produire leurs fruits. Des rencontres s’y sont faites, s’y font et s’y feront. Des acteurs de notre société civile ont décidé d’agir et de réfléchir l’avenir, partant du principe que le pouvoir c’est nous. Nous sommes le pouvoir. Nous, citoyens, détenons chacun une partie de ce pouvoir. Ce n’est pas parce que le silence règne qu’il ne se passe rien, que du contraire. Alors que certains s’agitent et s’époumonent, d’autres réfléchissent et se fortifient. Les idées se mettent en place, tranquillement mais sûrement. La réalisation m’apparaît comme la forme d’accomplissement sociétal la la plus appropriée aux contextes qui sont les nôtres. Les mouvements citoyens dit des Indignés ou Democracia Real Ya ! sont manifestement des précurseurs, bien qu’ils s’égarent selon moi parfois dans des velléités révolutionnaires. Je pense qu’il faut relever la tête et regarder plus loin pour aller plus loin. Construire sera toujours plus intelligent et plus efficace que d’affronter et de se battre contre un système. L’énergie doit être consacrée à élaborer et à inventer. Et c’est ce que la naissance de ces mouvements citoyens, je le pense, laisse présager. Leur dynamique générale va dans le sens d’une prise de conscience et d’une réalisation effective. Cela prendra du temps sur le fond peut-être moins sur la forme. Mais le fait est que le vrai combat, celui des idées et de leurs réalisations, a déjà commencé.
Badi BALTAZAR
www.lebuvardbavard.com