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Gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple" : Quelle démocratie (I).

Gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple" : Quelle démocratie (I).

11 juin 2011 sur AELP

La célèbre formule démocratique du Républicain anti-esclavagiste Abraham LINCOLN (né en 1809 assassiné en 1865) s’oppose, par l’ouverture des "possibles" qu’elle propose à celle plus conservatrice de Winston Churchill qui a dit en défense de la démocratie libérale et représentative : « La démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous les systèmes. »

La formule de Lincoln est subdivisée en trois membres de phrase. Elle prête donc plusieurs lectures possibles. Il y a ceux qui prennent la formule en son entier parfois en pesant plus sur une partie que sur une autre et ceux qui retiennent, implicitement ou pas, exclusivement son premier membre (le début) quand d’autres estiment que la vérité de la démocratie se lit surtout voire exclusivement dans la place et le poids accordé aux deux derniers membres de la formule. A partir de là se dessine toute une gamme de positions sur la démocratie.

Préalable sur le mot "peuple" qui fait un retour en force en 2011 avec des soulèvements populaires en Tunisie, en Egypte et ailleurs (2). Ce mot est répété trois fois. On verra qu’il est passible de plusieurs définitions . Ce qui assurément rend les choses plus complexes. Notons d’emblée que la formule use d’un terme collectif au lieu et place d’une individualisation de la démocratie. De nos jours on tend en effet à parler de citoyens et non de peuple(s). Même le dictionnaire d’ATTAC « Le ptit Alter » n’a pas « peuple » comme entrée pour une définition conséquente. Sans doute qu’une certaine mode à la naissance d’ATTAC et les années qui suivirent préférait le mot « multitudes ». Le flou respirait la liberté individuelle et l’indétermination sociale dans les convergences de luttes par delà les frontières. Mais dix plus tard, en 2011, ce sont les peuples et surtout quelques peuples arabes bien ciblés qui font leur retour sur la scène politique. On retrouve là une vielle définition sans doute oublié sauf des juristes de droit international qui place le peuple comme une réalité collective tangible contre l’impérialisme . Et ce réel en 2011 en appelle à la démocratie dans un premier temps et à un Etat social qui combat le chômage et les bas salaires dans un second temps. Ce qui ne nous éloigne pas de la formule de Lincoln.

I - LES TROIS MEMBRES DE LA FORMULE, L’UN APRES L’AUTRE.

1) Gouvernement du peuple.

C’est là le volet « rapport de commandement » . C’est ce qui semble être de l’ordre de la nature. Démocratie ou pas les peuples sont gouvernés par une minorité de chefs. La division séculaire du politique met en place un rapport de subordination entre une minorité de gouvernants et une majorité des gouvernés, de minorité de chefs et de dirigeants et une masse de gens subordonnés, dirigés, soumis.

Avec l’avènement de la démocratie le gouvernement du peuple n’a pas disparu. Néanmoins il a fallu faire plus de place au peuple. Il a fallu aussi poser des droits humains et garantir des libertés dans un cadre d’Etat de droit, dans un cadre d’égalité ce qui implique des services publics et une justice indépendante.

cf Théorie des élites par Denis Collin
http://denis-collin.viabloga.com/ne...

2) Par le peuple.

C’est le volet proprement démocratique. Nous sommes au coeur de la définition démocratique. Le « de par le peuple » met l’accent d’une part sur la racine démocratique et d’autre part sur le rapport démocratique de la formule.

- Versus « racine », ce n’est plus Dieu ou les représentants de Dieu qui sont à l’origine du pouvoir mais le peuple. C’est lui qui transfert son pouvoir au gouvernement au sens large (parlement et gouvernement) qui n’est en sorte que le conseil d’administration du peuple qui ne peut rester en assemblée.

- Versus « rapport démocratique » il s’agit d’aller plus loin que la question de l’origine du pouvoir. Le « par le peuple » indique aussi des procédures qui montrent concrètement que le peuple intervient dans les choix des gouvernants ou les choix des politiques menées.

Le peuple souverain n’est pas nécessairement tout le « peuple » résident sur le territoire : "le peuple tout entier". Ce sera le peuple légalement défini (hommes, femmes, âge, etc…) comme le groupe politique des citoyens. Cette masse de citoyens entre dans un rapport démocratique lorsqu’il procède à la nomination - par élection en général - des gouvernants lato sensu (des élus). Le rapport démocratique se poursuit-il lorsque le peuple et les citoyens subissent la politique des gouvernements élus dès lors qu’il a voté ou dès lors qu’il a refusé de participer à l’élection ? Il y a là matière à débat. La combinaison des deux premiers morceaux de phrase incite à l’affirmative. Dans la formule démocratique de Lincoln, il s’agit de bien choisir ses élus. Peut-on les démettre ? Rien ne s’y oppose non plus. Mais c’est là une autre conception de la démocratie.

3) Pour le peuple

C’est là assurément le volet social qui importe ainsi que le culturel (tant à droite qu’à gauche) mais on ne saurait omettre aussi le sécuritaire (surtout à droite). Le gouvernement défend et développe les intérêts matériels et moraux du peuple. De tout le peuple ? Est-ce possible ? Rarement. De quel peuple s’agit-il alors ? S’agit-il du peuple « volk », du peuple « ethnos » comme les partis d’extrême-droite ou populistes le pensent ou du peuple « démos », que l’on nommerait plus exactement ici « peuple-classe » pour le distinguer plus nettement de l’oligarchie ou de la classe dominante ou de la caste dominante. Le terme « peuple-classe » est d’ailleurs distingué des autres formes par Yves MENY et Yves SUREL (3)

Une autre façon de dire "pour le peuple" serait de dire que les gouvernants oeuvre via l’Etat à la satisfaction des besoins sociaux ou, comme disent les administrativistes, à l’intérêt général. Cela suppose plusieurs choses et notamment que le marché et les entreprises privées ne soient pas dominantes ce qui est pourtant le cas dans tous les pays à dominante capitaliste . Les services publics et la Sécurité sociale qui forme le volet social est nécessairement en position très secondaire quoique important dans nombre de pays . Il faut rappeler que les marchés cherchent à rencontrer d’abord une demande solvable et que les entreprises privées cherchent d’abord à maximiser les profits. Il n’y a que les services publics travaillant hors cadre marchand qui oeuvrent à l’intérêt général sans la médiation du profit capitaliste ou de la solvabilité marchande. Parler de l’intérêt général et de la satisfaction des besoins sociaux hors des services publics est un mensonge. Et même au sein des services publics il y a perversion.

En théorie on peut dire que la visée de l’intérêt général des services publics permet de satisfaire les besoins sociaux. de tous notamment du peuple-classe et des prolétaires et pas seulement une offre minimaliste de type caritatif pour les plus pauvres (service public"voiture-balai du concurrentialisme) . Le néolibéralisme a cassé cette définition pour réduire en quantité et qualité les services publics et pour les soumettre à des exigences de rentabilité. Ils fonctionnent donc quasiment comme des entreprises privés car ils sont marchandisés. Les services publics de l’Etat néolibéral ne doivent gêner la profitabilité des rentiers de la finance et au-delà de toute la classe dominante et de l’oligarchie.

II - VUE D’ENSEMBLE ET CHOIX D’UN TYPE DE DEMOCRATIE

L’articulation variable des membres de la formule débouche sur des types différents de démocratie

Pour les défenseurs de la pleine démocratie la formule ne s’entend sérieusement qu’entièrement en articulant ses trois membres ce qui pourrait définir aussi la République. La formule dispose donc d’un Etat avec un gouvernement mais aussi un « Etat social » voire dans une perspective de transition ou d’alternative un « Etat socialiste » cassant le noyau dur capitaliste et développant le secteur non marchand. Un Etat socialiste est profondément démocratisé au point de travailler à son propre dépérissement. Cette seconde phase se nomme parfois « la révolution dans la révolution ».

D’autres mettent l’accent sur le seul « de par le peuple » pour démocratiser la démocratie existante alors que des troisièmes font le lien entre le membre 2 (de par le peuple) et le membre 3 (pour le peuple) dans une perspective autogestionnaire socialiste et libertaire. La première partie de la formule met trop l’accent sur un peuple-objet, un peuple subordonné et soumis, à tout le moins un peuple dirigé. Il induit pour les libertaires un Etat nécessairement autoritaire fut-il de droit.

Par contre, pour certaines élites nostalgiques de l’ordre aristocratique ancien et reconvertie au système oligarchique contemporain la tendance est à surligner que la démocratie telle qu’elle est se résume au gouvernement du peuple. La démocratie réellement existante fait intervenir le peuple de façon épisodique mais le reste du temps place est faite à la production, (donc au travail salarié ou indépendant) et au marché (donc à la consommation).Vouloir surestimer le « de par le peuple » est alors vue comme démagogique et populiste. La démocratie est élitiste dans son mode de gouvernement et elle est tout à la fois libérale et autoritaire dans son contexte.

Il est certes possible de penser des élites bienveillantes qui travaillent pour un Etat social mais le mieux contre une dérive césariste et oligarchique est de favoriser la démocratisation, donc les processus qui favorisent l’intervention des peuples dans les urnes et dans la rue. C’est le peuple-classe qui pèse "dans la rue" contre l’oligarchie. Les mobilisations de rue tendent à repousser aussi les dérives populistes.

Il y a là matière à une seconde partie sur les revendications des "indignés".

Christian Delarue

1) Dissertation â„– 8522 :Lincoln et la démocratie
http://www.academon.fr/Dissertation...

2) LE RETOUR ET LA REDECOUVERTE DU PEUPLE :

De l’impérialisme à l’anti-capitalisme et du peuple au peuple-classe.

http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1612

3) in "Par le peuple, pour le peuple" de Yves MENY et Yves SUREL est sous-titré Le populisme et les démocraties. Ed Fayard 2000 ; Le sous-titre explicite mieux que le titre l’objet du livre. A noter que ces auteurs évoquent en 2000 (avant moi) le peuple-classe.

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