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Colombie : Tanja Nijmeijer, l’enjeu d’un symbole

En France, on connaît les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie principalement par l’intermédiaire de celle qui fut leur otage, Ingrid Betancourt, durant plus de six ans. Celle qui voulut "d’abord rendre grâce à Dieu et aux soldats colombiens" pour sa libération devint rapidement le symbole de l’engagement pour la libération des otages du groupe armé colombien. On pensa même à elle pour présenter une émission de télévision. Le 14 juillet 2008 elle fut décorée de la légion d’honneur et le pays était même prêt à lui verser, à sa demande, une indemnisation de 450.000 euros qu’elle refusa finalement.

Inconnue des médias français, il existe pourtant une autre femme qui a lié son destin à celui des FARC. Non pas en tant qu’otage, mais en tant que combattante volontaire. Née en 1978, en Hollande, Tanja Nijmeijer est la fille aînée d’une famille habitante de la petite localité de Denekamp. Etudiante en langues, spécialisée en espagnol, elle réalise son parcours à l’Université de Gröningen, Tanja voyage pour la première fois en Colombie en 2000. Elle y retourne par la suite et il semble que c’est en 2003 que la jeune femme se décide à intégrer les rangs de la guérilla marxiste. Durant l’été 2007, la jeune hollandaise est propulsée sur la scène médiatique lorsque les forces armées colombiennes, lors d’une opération, découvrent ce qui semble être son journal intime. L’affaire trouve rapidement un écho dans les différents supports de communication. Le 8 septembre 2007 le journal Semana publie même un reportage sur la jeune guerillera et son adolescence en Hollande. Ses écrits personnels, traduits en espagnol, sont rapidement utilisés par les autorités pour discréditer le groupe armé. On y relève les déceptions de la jeune femme ainsi que ses critiques sur le quotidien dans la jungle au sein de la guérilla. Une stratégie dénoncée par les FARC comme une volonté de créer des tensions au sein du groupe. Dans un article publié sur leur site internet, le 9 mai 2010, un guérillero du nom de Gabriel Angel revient sur l’événement : « Alexandra a déjà fait l’objet d’une attaque prédatrice de la part des services d’intelligence militaire en collaboration avec la presse (...) les manuscrits, en hollandais, furent rapidement traduits en espagnol avec la mauvaise foi caractéristique des militaires colombiens (...) Sûrement que les généraux étaient persuadés, étant donné leur vision erronée du mouvement révolutionnaire, que les FARC nous tomberions dans le piège et que nous nous serions débarrassés de l’odieuse intruse dont la présence ici les gêne tellement ».

Tanja, "Alexandra" ou bien "Holanda" comme la surnomment ses camarades de lutte, est récemment revenue à la une de l’actualité colombienne. Suite à l’attaque du campement de "Mono Jojoy" , dans lequel la jeune femme semblait vivre, le 22 septembre 2010, le président Juan Manuel Santos a annoncé que des photos de la jeune combattante ainsi que des courriers la concernant avaient été trouvés sur l’ordinateur portable du dit commandant, tué durant l’offensive. Selon les révélations, les FARC avaient l’intention de s’octroyer un impact plus important grâce à "Alexandra" en l’intégrant à la commission internationale. Celle-ci reste introuvable après que des recherches aient démontré qu’aucun des cadavres retrouvés après l’attaque ne correspondait à la jeune hollandaise. Présent à Bruxelles le lundi 11 octobre 2010, le vice-président de Colombie Angelino Garzon a assuré que Tanja Nijmeijer était, selon ses informations, la seule ressortissante européenne présente au sein de la guérilla, qualifiant "d’absurde" cet engagement. Selon Radio Nederlands Wereldomroep (RNW) ce dernier aurait assuré à la guérillera l’impunité vis à vis du gouvernement colombien si celle-ci abandonnait volontairement le mouvement armé.

La présence de la jeune hollandaise dans les rangs de la guérilla semble devenir un enjeu politique et symbolique dans la confrontation armée entre les différentes parties. L’engagement d’une européenne chez les FARC vient relativiser fortement le supposé isolement des ces dernières sur le plan international. Pour Bogota il s’agit avant tout de présenter le choix de la jeune femme comme l’acte d’une personnalité isolée, attirée par un romantisme révolutionnaire utopique. Néanmoins il semble que malgré les supposées désillusions de la part de la combattante, celle-ci n’ait pas encore décidé d’abandonner la jungle. Situation qui à long terme risque de discréditer, à l’inverse, la propagande gouvernementale au sujet de Tanja, surtout si celle-ci vient à perpétuer sa présence chez les FARC et accède à un poste de responsabilités. La jeune femme pourrait alors devenir l’icône d’un engagement internationaliste et apporter un crédit important à la guérilla tant l’écho des exemples historiques de ce type résonnent encore (notamment celui du Che). Une figure de martyre que le gouvernement colombien voudra à tout prix éviter.

Loïc Ramirez
13 octobre 2010

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