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Tibet : un pacifiste chez les bouddhistes (3)

Le GS publie le troisième et dernier volet des articles écrits par Maxime Vivas, au retour d’un voyage d’étude au Tibet avec des journalistes du Monde, du Figaro et deux journalistes free-lance.
Au bout du compte, le lecteur aura pu lire des informations puisées à des sources contradictoires : témoignage de l’auteur, paroles, discours et interviews du dalaï lama, paroles des autorités chinoises, d’autres sources encore.
Enfin, nous publions, en dessous de ce dernier article, celui que l’envoyé spécial du Figaro a publié à l’issue de ce voyage. Quand ils seront parus, nous donnerons à lire, si cela est possible, ceux du journaliste du Monde et des journalistes free-lance.

LGS n’ignore pas qu’il suffit d’écrire le mot « Tibet » pour que s’enflent des passions, mais nous croyons avoir fait oeuvre utile en ouvrant nos colonnes à des écrits diversifiés et à des personnes de plusieurs sensibilités.

LGS.

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Avec une population de 2,8 millions d’habitants, le Tibet (Région autonome) compte 46 000 moines, soit 1,64% de la population.

Pour 65 millions d’âmes, la France ne compte que 15 340 prêtres catholiques. Avec les diacres, laïcs impliqués et religieuses, on doit peut-être atteindre les 40 000, soit 0,06% de la population.

Pour que la proportion soit la même en France qu’au Tibet, il faudrait que nous ayons plus d’un million de prêtres (ou de serviteurs de toutes les religions en vigueur chez nous). Une trentaine dans chaque village.

Imaginons le spectacle de rue, s’ils s’affublaient en plus de soutanes écarlates.

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« Le régime politique du Tibet d’avant l’invasion chinoise a parfois été qualifié par les observateurs occidentaux, lorsqu’ils en firent la découverte au XIXème siècle, de « théocratie féodale ». Cette société traditionnelle se caractérisait, en effet, par des structures politico-économiques évoquant celles qui existaient en Europe au Moyen-à‚ge, et notamment par une union des pouvoirs temporel et spirituel. »

(In : Rapport du groupe d’information du Sénat sur le Tibet).

1 - Paroles de dalaï lama.

Que veut le dalaï lama ? Indépendance ? Autonomie ? Démocratie ? Théocratie ? Les réponses sont données ici par des extraits de discours et des écrits du dalaï lama. Au-delà des astuces de langage, les mots révèlent sa pensée profonde.

La différence entre un Corse attaché à un statut spécial de l’île et un Corse qui milite pour l’indépendance, est que le premier désignera l’Hexagone par « Le continent ». Le second dira : « La France », soulignant ainsi qu’il s’agit d’un pays étranger. La méthode vaut en tous lieux et pour chacun. Elle est particulièrement pertinente dans le cas qui nous occupe. En effet, à côté des Tibétains, cohabitent en Chine 55 ethnies. Les désigner toutes sous le nom de « Chinois » en s’en démarquant, c’est bien revendiquer une spécificité à nulle autre pareille, toutes les ethnies étant chinoises aux yeux du dalaï lama, sauf une : celle sur laquelle il régna et sur laquelle il entend à nouveau exercer son pouvoir de Dieu vivant en le parant, pour la galerie, des oripeaux de la démocratie telle qu’il la voit au jour le jour, en fonction de la conjoncture et de son bon vouloir.

Palais du POTALA

1.1- Indépendance ? Autonomie ?

Discours du dalaï lama : « Plan de paix en cinq points, adressé au comité congressiste des Droits de l’Homme des Etats-Unis le 21 septembre 1987 ».

Extraits :

Le dalaï lama, commence par s’adouber lui-même : « Je m’adresse aujourd’hui à vous en tant que chef des Tibétains… » ( En fait, le dalaï lama représente une seule des 4 écoles bouddhistes du Tibet, moins de 2% des bouddhistes du monde et 100% des espoirs de la CIA en Chine).

« Quand la toute nouvelle République populaire chinoise a envahi le Tibet… »

« C’est l’occupation illégale du Tibet par la Chine… »

« Il ne fait aucun doute que, lorsque les armées communistes de Pékin ont envahi le Tibet, celui-ci était en tout point un Etat indépendant… »

« Alors que l’occupation militaire de la Chine se poursuit au Tibet, le monde devrait se souvenir que - bien que les Tibétains aient perdu leur liberté - le Tibet demeure encore aujourd’hui un Etat indépendant illégalement occupé… »

« En 1982, j’ai envoyé mes représentants dans la capitale chinoise […] pour ouvrir un dialogue au sujet de l’avenir de mon pays et de mon peuple. »

« Je souhaite […] un avenir empreint d’amitié et de coopération avec nos voisins, y compris le peuple chinois. »

« Les Tibétains, les Chinois, sont des peuples différents… »

MONASTERE DE JOKHIANG

Discours ancien, dira-t-on, le dalaï lama a évolué. Il est vrai que son programme indépendantiste s’édulcore au fil des ans et des échecs, reculs troués ça et là par d’irrépressibles appels à l’indépendance qui jaillissent comme un cri du coeur incontrôlé.

Le dalaï lama est un général défait qui se replie « sur des positions préparées en avance ». Mais c’est l’art de la guerre, pas celui de la paix.

Lisons ce qu’il dit, le 12 mai 2008, dans une interview accordé au magazine « Der Spiegel » : « Après des années d’oppression les Tibétains ne font plus confiance aux Chinois ». Persiste et signe !

La guerre ? Il en parle justement dans le même interview où le pacifisme du chef religieux n’apparaît pas consubstantiel de sa pensée, mais imposé par le rapport des forces. Et nous allons bien lire qu’il emploie deux fois le mot « indépendance » : « Les Tibétains doivent-ils prendre les armes pour conquérir cette indépendance ? Quelles armes, d’où ? Des Moudjahidines au Pakistan, peut-être ? Et si nous les obtenons, comment les ferons-nous passer au Tibet ? Et si la guerre d’indépendance commence, qui nous viendra en aide ? Les Américains ? Les Allemands ? ».

A cette question, une réponse au parfum d’appel au Pentagone avait été donnée par sa Sainteté le 29 avril 2005 à des sénateurs français (1) venus le voir dans son exil indien : « La politique américaine veut promouvoir la démocratie en Irak et en Afghanistan, par des méthodes parfois controversées. Je dis tant mieux, c’est bienvenu. Mais ce serait encore mieux si la démocratie était promue en Chine » (2).

1.2- Démocratie ? Théocratie ?

« Tandis que les Tibétains en exil exercent leurs droits démocratiques sous une Constitution que j’ai moi-même promulguée en 1963… » (discours cité).

« Nous avons récemment initié des changements qui, plus tard, démocratiseront et renforceront notre administration en exil » (In : « Bouddhisme et démocratie, Washington D.C., avril 1993 ». Dans ce texte, fait de généralités sur la démocratie, le dalaï lama avance : « Pour plusieurs raisons, j’ai décidé que je ne serai ni le chef ni ne jouerai de rôle au gouvernement quand le Tibet deviendra indépendant. » Notons le royal « J’ai décidé » ainsi que l’espoir d’un Tibet « indépendant » et lisons la suite : « Le futur chef du gouvernement tibétain doit être une personne reconnue et élue par le peuple ».

Dans son discours au Parlement européen à Strasbourg le 24 octobre 2001, il poursuit dans ce sens : « Cette année, nous avons accompli une autre grande avancée dans le processus de démocratisation en faisant élire le Président du Cabinet tibétain au suffrage universel ». Mais il ajoute aussitôt que ce parlement et les députés se borneront à « diriger les affaires courantes… », le rôle principal lui étant toujours dévolu : « Toutefois, je considère comme un devoir moral envers les six millions de Tibétains, de continuer à travailler à la question tibétaine avec les dirigeants chinois et d’agir en tant que libre porte parole des Tibétains jusqu’à ce que nous soyons parvenus à une solution. ». Libre porte-parole ! Il reprendra la formule dans son discours, qualifiant les Tibétains de « mon peuple » à la manière des monarques.

Dans le même discours, il définit ce qu’il appelle « la voie du milieu », une transition de fait vers l’indépendance qui ne laisserait à Beijing que la charge d’assurer de loin la sécurité et les relations extérieures d’un Tibet où les moines exerceraient à nouveaux tous les pouvoirs en matière d’éducation, de culture, d’environnement, d’économie.

Le 10 mars 2008 à Dharamsala (Inde), il prononce un discours où il prétend que la langue, les coutumes et les traditions du Tibet s’effacent peu à peu. Il fustige l’organisation des régions autonomes (« Ces lieux n’ont d’autonome que le nom ») et se réinvestit dans le rôle de porte-parole des Tibétains : « … J’ai la responsabilité historique et morale de continuer à m’exprimer librement en leur nom ».

En 2008, à l’approche des jeux olympiques de Beijing, montent à l’étranger (notamment à Paris) des campagnes sur la question tibétaine qui ulcèrent la population chinoise. Le dalaï lama commettrait une erreur majeure en ne s’en démarquant pas. Il importe pour lui de se dissocier de ceux qui peuvent apparaître comme les ennemis de la Chine. Aussi, le 28 mars 2008, il lance un « Appel au peuple chinois » où l’on croit rêver en lisant : « Frères et soeurs chinois, je vous assure que je ne désire nullement obtenir la séparation du Tibet ni même brouiller les peuples tibétains et chinois. » Et encore, il se dit inquiet en tant « que personne qui se sent prête à se considérer comme un membre de cette grande famille qu’est la République populaire de Chine », s’étonnant d’une injuste suspicion : « Il est regrettable qu’en dépit de mes efforts sincères de ne pas séparer le Tibet de la Chine, les dirigeants de la République populaire de Chine continuent de me dénoncer comme « séparatiste ». Suspicion incroyable, en effet !

Le 6 avril 2008, dopé par les manifestations de Llassa, il lance un appel « A tous les Tibétains » où il jure : « j’ai décidé (ah, ce démocratique « j’ai décidé » ! N. de MV) de trouver une solution au sein même de la structure de la République populaire de Chine ». Remarquons qu’il dit ainsi a contrario que les solutions antérieures qu’il cherchait se situaient « en dehors de la structure ».

Faut-il d’autres exemples issus, non pas du gouvernement central de Beijing, mais de la bouche du dalaï lama pour se persuader que la lutte pour l’indépendance, pour un Tibet théocratique dont il serait le chef, n’a jamais cessé d’être à l’ordre du jour et que seule la manière de la mener fluctue en fonction des circonstances ?

Lisons quelques extraits de la « Charte » du Dalaï Lama, ayant valeur de Constitution.

Article 3. Nature de la politique tibétaine. « L’avenir politique tibétain doit respecter le principe de la non-violence et s’efforcent d’être un libre État de la protection sociale avec sa politique guidée par le Dharma ». Le Dharma, c’est-à -dire ce que les musulmans appellent la Charria, disposition qui nous fait pousser des hauts cris.

La Charte se termine par une « Résolution spéciale », votée en 1991, dont voici un extrait : « Sa Sainteté le Dalaï Lama, le chef suprême du peuple tibétain, a offert les idéaux de la démocratie au peuple tibétain, même s’il n’a pas ressenti le besoin de ces idéaux. Tous les Tibétains, dans le Tibet et en exil, sont et restent profondément reconnaissants à Sa Sainteté le Dalaï Lama, et s’engagent à nouveau à établir notre foi et notre allégeance à la direction de Sa Sainteté le Dalaï Lama, et à prier avec ferveur pour qu’il puisse rester avec nous à jamais comme notre chef suprême spirituel et temporel. »

Vous avez dit « laïcité » ?

Article 36. Pouvoir législatif. « Tout pouvoir législatif et autorité résident dans l’Assemblée tibétaine. Les décisions de celles-ci requièrent l’approbation de Sa Sainteté le Dalaï Lama pour devenir des lois ».

L’Assemblée a tous les pouvoirs… si Sa Sainteté le veut !

Article 19. Pouvoir exécutif. « Le pouvoir exécutif de l’administration tibétaine est dévolu à Sa Sainteté le Dalaï Lama, et doit être exercé par lui, soit directement ou par l’intermédiaire d’officiers qui lui sont subordonnés, conformément aux dispositions de la présente Charte. En particulier, Sa Sainteté le Dalaï Lama est habilité à exécuter les pouvoirs ci-après en tant que chef de la direction du peuple tibétain :

(a) approuver et promulguer les projets de loi et des règlements prescrits par l’Assemblée tibétain.

(b) promulguer des lois et ordonnances qui ont force de loi.

(c) conférer les honneurs et les brevets de mérite
.
(d) convoquer, ajourner, reporter et prolonger l’Assemblée tibétaine ?

(e) envoyer des messages et adresses à l’Assemblée tibétaine chaque fois que nécessaire.

(f) suspendre ou dissoudre l’Assemblée tibétaine.

(g) dissoudre le Kashag (gouvernement) ou destituer un Kalon (ministre).

(h) décréter l’urgence et convoquer des réunions spéciales de grande importance.

(j) autoriser les référendums dans les cas impliquant des grandes questions en suspens conformément à la présente charte. »

Voila qui est clair : ni chef, ni impliqué dans le gouvernement « démocratique », mais au-dessus des communs des mortels et des Institutions, Dieu vivant et guide suprême.

Dharamsala, exil, lutte pour la liberté de son peuple, prières, modération dans le ton lors de ses prestations médiatiques, vie frugale… pourquoi l’image de l’ayatollah Khomeiny sous sa tente à Neauphle-le Château surgit-elle brusquement de l’oubli ?

Egalement obsolète, ce document ? Toujours est-il que le dalaï lama refuse de souscrire à la condition incontournable pour être reçu à Beijing : la dissolution de son "gouvernement" dont l’acceptation ferait de sa visite en Chine celle d’un chef d’Etat étranger.

c’est un lac

2 - Paroles du gouvernement central chinois.

Les autorités chinoises nous ont distribué une documentation abondante, chiffrée et précise sur la question tibétaine.

Il est d’usage en France de prendre les chiffres émanant des USA et de ses alliés comme argent comptant et de considérer que ceux des pays qui ne sont pas dans l’optique atlantiste sont suspects, faux, ou au minimum émis à des fins de propagande (les Etats-uniens informent, les Chinois endoctrinent).

Le journaliste français qui veut échapper à l’accusation d’être le porte-parole (ou l’idiot utile) du gouvernement de Beijing et de ses antennes à Llassa doit marcher sur des oeufs.

Il peut donner à lire en laissant le lecteur faire son tri et repérer des erreurs et contrevérités que LGS signalera s’il le souhaite. Le lecteur peut procéder à quelques vérifications. Il peut vouloir ne pas voir. Il fait ce qu’il veut, le lecteur. Il peut même attaquer un témoin plutôt que son témoignage.

Le Tibet avant la fuite du 14ème dalaï lama.

Avant 1959, le Tibet était un pays de servage féodal théocratique. On comptait 2676 monastères abritant 114 925 moines (le quart de la population ! C’est vrai que ça a baissé). Les trois grands groupes de seigneurs (fonctionnaires, nobles, moines de haut rang) représentaient 5% de la population et possédaient toutes les terres arables, les prés, les forêts, les rivières et la plupart des animaux domestiques. A côté des serfs (90% de la population), 5% des Tibétains étaient des esclaves de père en fils, considérés comme des « outils sachant parler ».

Le 14 ème dalaï lama et son entourage possédaient 27 domaines, 30 prairies et plus de 6000 serfs qui leur fournissaient 462 000 kg d’orge, 35 000 kg de beurre, 2 millions de taëls d’argent (unité de mesure valant 40 gr), 300 têtes de boeufs et de moutons. En 1959, le dalaï lama possédait 160 000 taëls d’or, 95 millions de taëls d’argent, 20 000 pièces de bijoux et de jade, 10 000 vêtements en satin et fourrure et plus de 100 pèlerines incrustées de perles et de pierres précieuses.

Les serfs étaient assujettis à plus de 200 impôts de toutes sortes. Les corvées dues pouvaient représenter jusqu’à 80% de leur quantité de travail. Pour survivre, 90 % d’entre eux empruntaient de l’argent à leurs maîtres à des taux usuraires et se trouvaient endettés sur plusieurs générations. Les trois quarts devaient se nourrir d’herbes sauvages dans une soupe d’os de boeuf accompagnée de farine d’avoine et de soja. L’espérance de vie de ces bêtes de somme analphabètes et martyrisées était de 35,5 ans. Parmi les serfs on disait : « Ce qu’on peut emporter, c’est son ombre, ce qu’on peut laisser, ce sont ses empreintes ». Malgré les risques de représailles terribles, l’absence de routes et la rudesse du climat, les serfs s’enfuyaient en grand nombre, laissant les terres abandonnées sur de vastes étendues tandis que les villages mourraient. Dans certains d’entre eux, entre 1927 et 1952, plus la moitié des habitants trouvèrent leur salut dans la fuite.

Ces conditions d’exploitation expliquent qu’entre 1737 et 1953, la population du Tibet a stagné à 1 million d’habitants.

Sous la férule des dalaï lamas, le prix de la vie des êtres de catégories « supérieures » (princes, bouddhas vivants) était évaluée en or selon le poids de leur corps. Celle des êtres « inférieurs » (femmes, bouchers, chasseurs, artisans…) valait une corde de chanvre. Selon les lois du Tibet ancien, si les valets blessaient leur propriétaire, on devait leur couper les mains et les pieds. Ceux qui blessaient un bouddha vivant se faisaient arracher les yeux, couper les pieds et les mains et étaient torturés. Les maîtres qui blessaient un serf étaient absous si ce dernier guérissait. Les voleurs se voyaient couper les doigts et le nez quand ils n’étaient pas énucléés par un crochet de fer après crevaison des yeux à l’huile bouillante. La peine capitale était exercée par noyade dans un sac de cuir, précédent un démembrement.

pâtre énucléé

Le 13 ème dalaï lama avait officiellement aboli ses pratiques, sans qu’elles cessent dans les faits. Il n’est pas dit ici que le 14 ème dalaï lama veut les rétablir, mais que tel était le Tibet bouddhiste de sagesse et d’amour.

Le bouddhisme tibétain à la sauce des dalaï lama est une religion de la soumission par laquelle le bonheur viendra dans une prochaine vie. Inutile donc de revendiquer une condition d’homme, imprégnée des notions de dignité, de liberté, d’égalité. La prière, les offrandes, l’obéissance et les petites échelles blanches peintes sur les rochers promettent aux serfs d’hier et de demain une nouvelle naissance sur un lit de pétale de roses.

La rébellion et la fuite.

La Chine est devenue communiste en 1949. En 1954, le 14ème dalaï lama est élu au poste de vice président du Comité permanent de l’assemblée populaire nationale. En 1956, il devient président du Comité préparatoire de la Région autonome du Tibet. Conciliant (ou prudent !) le gouvernement de Pékin décide alors de ne pas appliquer de réforme au Tibet pendant six ans. Mais les maîtres du Tibet, inquiets pour leurs privilèges, ont déjà commencé à fomenter la rébellion qui éclatera en mars 1959. Le dalaï lama en sera le deus ex machina, tout en proclamant qu’il désavoue ces « malfaiteurs réactionnaires », ces « groupes de réactionnaires » dont la violence le plonge « dans une immense inquiétude ». Il assure encore Pékin qu’il fait « l’impossible » pour régler la situation, puis, qu’il a « éduqué » et « critiqué sévèrement » les insurgés.

Vaincus en quelques jours par l’armée chinoise, ceux-ci devront s’exiler. Le pacifiste dalaï lama est parmi eux, le fusil en bandoulière. Dans le livre « Inspirations et paroles du dalaï lama », éditions Acropole, mai 2008, le journaliste et écrivain sud-Africain Mike Nicol osera : « Ironiquement, c’est déguisé en soldat, un fusil sur l’épaule, qu’il quitta Llassa de nuit avec sa suite et prit la direction de la frontière indienne ».

La nuance est subtile entre un soldat et un homme armé en uniforme de soldat. Apprécions aussi qu’il ne fuit pas mais qu’il « prend la direction » de l’étranger, la nuit.

En Inde, le dalaï lama s’empressera de former un « gouvernement tibétain en exil » et de proclamer l’indépendance du Tibet.

Le Tibet aujourd’hui.

Durant les cinquante dernières années, le PIB du Tibet a connu une progression spectaculaire, passant de 174 millions de yuans à presque à presque 40 milliards de yuans. La modernisation accélérée a été profitable à tous les secteurs de l’économie. La population dans la République autonome du Tibet est passée de 1,228 millions d’habitants en 1959 à 2,870 millions d’habitants (dont 10% de Hans et autres ethnies). La non application à cette région de la politique de l’enfant unique en vigueur presque partout en Chine, l’amélioration des conditions de vie, de travail, de logement et une meilleure couverture médicale (gratuite au Tibet mais pas partout en Chine) expliquent cette croissance. La mortalité des nouveaux-nés qui approchait les 50 % est désormais inférieure à 3%. L’espérance de vie moyenne est de 67 ans.

Le bilan de l’économie du Tibet fait apparaître que la population paysanne, arrachée il est vrai à une extrême misère, est à la traîne dans ses progrès. Un écart significatif subsiste entre le niveau de vie des ruraux et des citadins. Il est encore plus patent entre le niveau de vie de l’ensemble des Tibétains et du reste de la Chine. Mais, loin de se creuser ou de rester égal comme dans le passé, il se réduit chaque année.

Arrachée aux monastères, l’éducation qui était réservée aux moines (et encore : pas à tous) et enfants des nobles, ce qui laissait dans la nuit de l’analphabétisme 95 % de la population, est désormais offerte à l’ensemble des Tibétains. Le taux d’analphabétisme est tombé en dessous de 3%. Le Tibet compte plus de 15 000 enseignants bilingues (le Tibétain est la première langue, la langue obligatoire dans les écoles). C’est la seule région chinoise qui bénéficie d’une éducation primaire gratuite avec logement et nourriture gratuits pour les élèves. Le Tibet forme désormais ses cadres.

Dans le même temps où des informations circulent (le dalaï lama s’est exprimé à plusieurs reprises là -dessus) sur le stockage de déchets nucléaires au Tibet, le gouvernement central a approuvé un plan de longue durée pour faire de la région un « écran écologique » de la Chine. Il s’agit par exemple de préserver les grands fleuves qui prennent naissance dans le plateau et dont l’eau est indispensable à la Chine et à d’autres pays qu’ils irriguent, soit à des milliards d’êtres humains. Une politique de reboisement a fait augmenter le taux de couverture forestière, les surfaces reboisées ont été multipliées par 20 entre 1997 et 2008. Des réserves naturelles ont été créées pour protéger la flore et la faune. L’énergie solaire se développe sous toutes ses formes : éclairage, chauffage, cuisson (400 000 « fours » solaires ont été distribués).

On l’a dit, de lourdes disparités existent au niveau global entre l’ensemble de la Chine et sa région tibétaine. Pour les combler, des « discriminations positives » sont appliquées : aides financières pour créer des entreprises, achats des productions par le gouvernement, bonus pour les étudiants voulant entrer à l’université, priorité d’embauche par les établissements publics …

Les faits et les chiffres sont têtus. Les informations sur un génocide culturel, ethnique, démographique, sur l’exploitation d’une région par un pouvoir colonial ne résistent pas à un examen impartial.

Par exemple, depuis Dharamsala une rumeur a été lancée selon laquelle le pouvoir central a exterminé un million de Tibétains (presque tous mâles). Le chiffre a été repris sans plus de précaution par les médias et tous les dalaï lamiste du monde. Cette « information » a été à l’origine d’un sentiment mondial de compassion envers un peuple exterminé au nom d’une croyance qu’on lui dénie. Il a fallu que des démographes démontrent que la chose était impossible, que la population se serait pratiquement éteinte, que des tranches d’âge n’existeraient plus, pour que la fable soit abandonnée (par le dalaï lama, pas encore par tous ses thuriféraires).

De « génocide » on a alors reculé à « génocide culturel ».

Pas exterminés mais néanmoins opprimés ? Sur les lieux de culte, il semble que les moines et les fidèles ne rasent pas les murs.

Qui croire ?

Curieusement, ce voyage, parce que guidé, laisse acceptable, on l’a vu dans un commentaire de l’article précédent (www.legrandsoir.info/Choses-vues-au-Tibet-2.html) les écrits du Figaro (auxquels un lecteur contradicteur se réfère) mais pas ceux du GS. Par conséquent, je dois me rapporter à l’article de mon confrère pour attirer votre attention sur ce constat : ce journaliste du Figaro, voyant en même temps que moi les mêmes choses et au même moment, ne contredit aucunement (bien au contraire) ce que j’ai écrit sur le Tibet : sa course au modernisme, les hausses du niveau de vie, les subventions, la construction d’écoles et de d’hôpitaux, les aides massives à l’agriculture et à l’industrie, le développement de l’énergie solaire, la préservation de la nature, la conservation des textes sacrés, la restauration des monastères, etc. (voir son article ci-après)…

Quelqu’un dira-t-il qu’il est maoïste parce qu’il rapporte honnêtement ce qu’il a vu et qui tranche avec ce qu’on a lu partout naguère ?

Ce que je crois, enfin…

Le gouvernement central chinois est arc-bouté sur une mission première : ne pas laisser la Chine au 100ème rang des nations pour son PIB. Il s’agit d’une course dans laquelle il ne veut pas dériver sur deux écueils :

1 - une politique d’affrontement verbal avec les USA. Il est significatif que l’aide apportée depuis plus d’un demi-siècle au dalaï lama par les USA et la CIA soi désignée pudiquement par « aide de l’étranger » sans plus de précision.

Plus de 40 % des ressources de la Chine se trouvent au Tibet : arsenic, zinc, bauxite, charbon, fer, uranium, or, jade, saphir, quartz, chrome, cuivre, borax, uranium, lithium, plomb,cobalt, pétrole, gaz et l’essentiel de ses sources d’eau. Le quart des êtres humains vit dans une Chine qui bénéficie seulement de 7% des réserves en eau de la planète. Je pose à un responsable du PCC une question sur la crainte de la Chine de se voir déposséder de ces richesses vitales et de la perspective de la création de bases militaires US sur son toit si le Tibet devenait indépendant. Il répond à côté. Pas de polémique.

2 - Un raidissement de ses rapports avec les bouddhistes. C’est probablement la raison pour laquelle on ne nous a pas fait visiter des lieux où sont exposés des outils de supplice : fers pour les pieds, instruments utilisés pour arracher les yeux et les tendons, photos montrant les membres coupés et les peaux écorchées par des propriétaires de serfs sous le règne des dalaï lama. A aucun moment, les officiels n’aborderont ces sujets pourtant susceptibles d’émouvoir nos lecteurs. Une documentation traite de ces questions mais elles ne seront pas traitées dans les discussions. Ce qu’il s’agissait de voir surtout, c’est la liberté de culte, la fréquentation des monastères, leur richesse, l’aide que le gouvernement apporte à présent à leur préservation et à leur rénovation. Le passé est rapidement évoqué, le présent prend toute sa place avec le futur.

Le gouvernement central cherche donc à éviter les querelles externes et à lisser la situation intérieure. Avec 46 000 moines, des dizaines de milliers de fidèles dont on dirait chez nous qu’ils ont « la foi du charbonnier », le chef auto-proclamé du bouddhisme n’est pas quelqu’un dont on peut se moquer comme le fit Staline à l’égard du chef de l’Eglise catholique : « Le pape ? Combien de division ? ».

Au cours d’un dîner, un officiel a implicitement laissé sourdre une crainte en nous disant : « Vous, en Occident, vous avez un Dieu mort qui ne peut donner des ordres politiques. Le nôtre est vivant ».

Bien fort qui pourrait jurer que, quels que soient les fonds que le gouvernement central du pays a injecté et injecte au Tibet, quels que soient les progrès de l’éducation (et donc de l’ouverture des esprits ), quelle que soit sa prudence à l’égard d’une religion nostalgique de ses pouvoirs politiques et économiques passés, le Tibet est à l’abri de nouveaux troubles.

L’éclatement de la Chine multiethnique en une kyrielle de petites nations semble être la seule solution pour freiner sa montée en puissance. Le nationalisme est un terreau fertile qui repose en tous lieux où sont des hommes. Le fanatisme religieux est son allié.

L’armée de la Chine est confinée dans ses frontières. Cette anomalie effraie semble-t-il les médias des pays dont les soldats sont en guerre en plusieurs pays du monde et ils ne désespèrent pas de voir la puissance militaire chinoise entrer en action, sur son propre sol. Si cela advenait, nous assisterions, désolés, à des massacres au terme desquels les régions sécessionnistes n’auront gagné que des tombes.

Pour les raisons dites, la Chine ne renoncera pas à la Région autonome du Tibet.

Que les amoureux du Tibet et de sa culture, voire du bouddhisme, oeuvrent pour une toujours meilleure harmonisation des rapports entre le gouvernement central et cette région sensible, qu’ils poussent à une démocratisation accélérée de la Chine, qu’ils ne tolèrent pas les campagnes de presse qui attisent la haine à base de mensonges au bout desquels viendra une violence inutile, et ils auront contribué à l’avènement d’un monde meilleur sans avoir à aucun moment été obligés de souscrire au système politique, économique, judiciaire, social, médiatique de l’Empire du Milieu.

Maxime Vivas

Les trois parties :

- « Le Grand Soir » au Tibet : http://www.legrandsoir.info/Le-Grand-Soir-au-Tibet.html
- Choses vues au Tibet : http://www.legrandsoir.info/Choses-vues-au-Tibet-2.html
- Tibet : un pacifiste chez les bouddhistes : http://www.legrandsoir.info/Tibet-un-pacifiste-chez-les-bouddhistes-3.html

Notes :

(1) Pour sourire, voici comment un élu de la république française, Jean-Pierre Plancade, sénateur socialiste, s’adressa en cette occasion au dalaï lama : « J’ai un ami parlementaire qui s’occupe de la Chine et qui me demandait quel intérêt j’ai à soutenir ainsi le Tibet et à parler ainsi de Votre Sainteté. Je lui ai répondu que je le faisais parce que Votre Sainteté est un peu ce sage qui porte une lumière qui éclaire le monde. Et c’est une lumière très fragile. Après ma visite à Dharamsala, je lui répondrai que c’est aussi un exemple de démocratie et de vie politique parlementaire, qu’il pourrait défendre auprès de ses amis chinois. Je voudrais aussi savoir si vous pensez que les responsables politiques peuvent bénéficier de vos conseils. »

La « lumière qui éclaire le monde », dit par un camarade socialiste élu dans la région de Jaurès ! Et la demande de conseils à un dirigeant politique étranger, Sa Sainteté, chef religieux et dieu vivant pour gouverner un pays constitutionnellement laïque…

(2) Serait-ce forcer le trait que de dire que, outre sa misogynie, les récents propos du dalaï lama sur les homosexuels, son rejet des "étrangers" Hans, sa participation à l’insurrection au Tibet et son approbation des guerres d’invasion états-uniennes, peuvent inquiéter ? Ces positions pourraient le faire passer pour un sexiste, un homophobe, un raciste et un va-t-en guerre américanophile.


EN COMPLEMENT :

LE FIGARO. lundi 2 août 2010.

Le Toit du monde offre deux visages

Par Renaud Girard

Envoyé spécial à Llassa et Shigatze.

La région autonome du Tibet n’a pas échappé à l’américanisation accélérée de la Chine des vingt dernières années.

Asie. « Mille mots ne valent pas une visite sur place. » En citant ce proverbe chinois, le directeur général de l’information pour la province autonome du Tibet (TAR) justifie le voyage qu’y a organisé, pour un groupe de cinq journalistes français, le gouvernement de Pékin. Même au cours d’un dîner très arrosé et scandé de toasts, ce grand Tibétain à peau sombre ne se laissera aller à aucun commentaire personnel sur les émeutes de mars 2008 dans la capitale.

Affichant son attachement toujours vivace au « matérialisme dialectique et au matérialisme historique » appris dans sa jeunesse, il n’a qu’une expression pour qualifier le soulèvement d’une partie des 46.000 moines tibétains : « un mouvement sécessionniste fomenté de l’étranger par le dalaï-lama et son entourage, qui veulent rétablir au Tibet leurs privilèges nobiliaires et la théocratie. » Nos questions sur le nombre de moines arrêtés au printemps 2008, et sur le nombre de ceux qui auraient été relâchés depuis, resteront sans réponses. La mission de ce cadre communiste obéissant est de nous faire prendre conscience des considérables efforts consentis par le gouvernement central pour développer le Tibet, pas de disserter de politique locale avec nous.

Mission aisée, car il n’y a pas ici de villages Potemkine. Il n’y a au Tibet que du réel, et du lourd. Le Toit du monde n’a pas échappé à l’américanisation accélérée de la Chine des vingt dernières années (les infrastructures du New Deal, la société de consommation, l’idéologie environnementaliste, tout cela dans un même élan).

Lorsqu’on passe plusieurs jours à Lhassa et qu’on se rend ensuite à Shigatze (deuxième ville du Tibet) par les 300 km d’une route culminant à 5.000 mètres d’altitude, les réalisations du gouvernement central en infrastructures sautent aux yeux. A l’aéroport de Gongkar atterrissent sans problème les Jumbo Jets, qui sont bourrés de touristes chinois... le « pays des Neiges » a reçu plus de cinq millions de visiteurs au cours de l’année 2009. Sur la route magnifique menant à la capitale, les derniers modèles de 4à—4 s’arrêtent pour laisser passer un troupeau de chèvres, conduit par deux bergères tibétaines, à vestes de poulou (fourrure de yak) et hadas (écharpes) orange vif. Après un tunnel n’ayant rien à envier, par sa modernité, à celui du Mont-Blanc, la route traverse puis longe les eaux tourbillonnantes du large fleuve Yarlung Zangpo (le Brahmapoutre), venues du mont Qomolangma (l’Everest). Les bancs d’alluvions, où paissent quelques vaches, sont plantés de bannières de prière à fanions multicolores. Du côté de la montagne, la roche est peinte de courtes échelles blanches, pour aider les âmes des défunts à gagner le paradis.

Peu de détritus visibles ne viennent gâcher l’extraordinaire beauté de cette campagne, où les meules de foin, ressemblant à des chapeaux coniques de magicien, sont encore édifiées au râteau. En 1990, l’usage des sacs en plastique a été interdit dans l’ensemble de la Région autonome du Tibet (dont la superficie est supérieure à deux fois celle de la France). Malheureusement, juste au moment où on se met à rêver un peu, à retrouver les planches en couleur de Tintin au Tibet, on tombe soudain sur un panneau publicitaire géant, juché sur un pylône de béton, où le joueur de tennis espagnol Rafael Nadal vante les mérites d’un nouveau modèle de 4 à— 4 coréen. Réveil brutal à la mondialisation.

Réveil brutal

Jusqu’au centre de Lhassa, fini la poésie. On croise encore un groupe de paysans tibétains à cheval, mais la plupart conduisent de petits motoculteurs à remorque. Entre deux prés se dresse un massif bâtiment de béton, de verre et d’acier, réplique kitsch d’une préfecture pompidolienne d’Ile-de-France : la caserne centrale flambant neuve des pompiers de cette ville de 300.000 habitants.

Il y a en fait deux Lhassa. Le Lhassa chinois (au moins 4/5 de la population) ressemble à une ville soviétique (larges artères se coupant à angle droit, vastes esplanades de marbre bâties autour de statues d’ouvriers et paysans marchant ensemble vers des lendemains radieux), qui aurait été brutalement touchée par la baguette magique de la fée Consommation (vitrines de fringues et d’écrans plats, fast-foods, « malls », cinémas multiplexes). Le Lhassa tibétain, dont les maisons en pierre de taille ne dépassent pas quelques étages, déroule ses antiques ruelles pavées autour du temple du Jokhang, coeur du bouddhisme tibétain. Après minuit, le contraste est saisissant entre les deux Lhassa. Celui-ci se recouvre silencieusement d’un quadrillage militaire, par groupes de six soldats hans casqués et en treillis camouflé, aux visages étonnamment jeunes. Celui-là n’est gardé que par des cohortes d’enseignes lumineuses criardes, qui ne s’arrêteront pas de clignoter de la nuit.

Aux émeutes de 1989 qui furent militairement réprimées par un gouverneur à poigne, Hu Jintao, aujourd’hui président de la République populaire de Chine, et qui marquèrent la fin des contacts indirects avec le dalaï-lama, réfugié en Inde , le gouvernement central répondit, dans un deuxième temps, par l’injection massive de subventions. Pour un communiste chinois, la révolte ne peut être que fille de la misère matérielle. On ne se borna pas à construire des écoles et des dispensaires. On privilégia, par toutes sortes d’exemptions fiscales, les investissements privés dans l’agriculture et la petite industrie. A Lhassa, on vous fait visiter avec fierté les serres d’une coopérative maraîchère qui a décuplé le niveau de vie de ses paysans tibétains ; une grande brasserie ultramoderne (encore supervisée par une dizaine de techniciens allemands) ; la société d’un entrepreneur tibétain, ancien instituteur ayant opté pour le business lors du mot d’ordre « Enrichissez-vous ! » de Deng Xiaoping, qui produit une superbe huile de noix bio, vendue 50 euros le bidon à Pékin ou Francfort, et qui vient de lancer une eau minérale style Évian, illustrée par l’Everest.

Écologie, culture et tradition.

Dans cette région à l’ensoleillement exceptionnel, le gouvernement a même implanté un institut technique d’énergie solaire, les Chinois étant les leaders mondiaux des panneaux photovoltaïques. Pour parfaire la modernité, une vaste réserve naturelle protégée a été créée au centre de Lhassa. Ici, les industries polluantes sont interdites, car Pékin a décidé de faire du Tibet la « barrière de sécurité écologique » de la Chine.

Pour faire concurrence aux réalisations culturelles du dalaï-lama à Dharamsala (nord de l’Inde), le gouvernement a construit une université, dotée d’une immense bibliothèque de textes sacrés anciens, ainsi qu’un centre de médecine tibétaine traditionnelle. Politique du patrimoine aussi : les grands temples ont été restaurés par l’État et les déprédations de la Révolution culturelle ne se voient pratiquement plus. Au sublime monastère de Tashilhunpo (XVe siècle), les Tibétains ne sont pas seuls à faire leurs dévotions. On voit aussi de plus en plus de Hans se prosterner devant les statues dorées du Bouddha. Comme si, pour les Chinois, le destin à long terme du Tibet, c’était aussi de leur fournir une réserve de spiritualité, en prévision du jour où ils seront saisis par la nausée du consumérisme… »

(L’article est suivi d’un additif « Entre le dalaï-lama et Pékin, la fin de la brouille n’est pas pour demain » dont la lecture sur Internet est réservée aux abonnés). Si un lecteur en dispose…

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Rien ne fait plus de mal aux travailleurs que la collaboration de classes. Elle les désarme dans la défense de leurs intérêts et provoque la division. La lutte de classes, au contraire, est la base de l’unité, son motif le plus puissant. C’est pour la mener avec succès en rassemblant l’ensemble des travailleurs que fut fondée la CGT. Or la lutte de classes n’est pas une invention, c’est un fait. Il ne suffit pas de la nier pour qu’elle cesse :
renoncer à la mener équivaut pour la classe ouvrière à se livrer pieds et poings liés à l’exploitation et à l’écrasement.

H. Krazucki
ancien secrétaire général de la CGT

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